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Actualités - REPORTAGE

L’arrestation de Mladic, l’avenir du Kosovo et l’intégration de la Serbie à l’UE : trois paramètres intimement imbriqués Le TPIY embourbé dans le jeu politique

Quatorze ans après sa création, le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a à son actif un certain nombre de succès. Mais sans la coopération de la Serbie dans la capture des criminels de guerre et sans une pression politique de la part de la communauté internationale sur Belgrade, le travail du TPIY risque de s’embourber dans un jeu politique des plus essoufflants. Depuis sa mise en place, le TPIY a mis en accusation plus de 160 personnes, dont cinq ont été acquittées et au moins 48 condamnées. Mais le travail du tribunal risque aujourd’hui, plus que jamais, d’être miné par la politisation de dossiers internationaux sensibles pour la Serbie, parmi lesquels celui concernant le statut du Kosovo et celui de l’adhésion à l’Union européenne (UE). Aujourd’hui, quatre des plus importants suspects sont toujours en fuite, dont Ratko Mladic, l’ex-chef militaire des Serbes bosniaques, et Radovan Karadzic, l’ancien leader politique des Serbes de Bosnie. Tous deux sont inculpés de génocide pour le massacre de 8 000 musulmans à Srebrenica en 1995. D’un côté, la Serbie, suspectée d’abriter Mladic, espère obtenir en contrepartie de son arrestation un compromis sur le Kosovo. D’un autre côté, les Européens menacent de ne pas signer un accord d’association avec Belgrade si Mladic n’est pas livré au tribunal d’ici à la fin de l’année. Le 26 juin dernier, Carla Del Ponte, la procureure générale du TPIY, a d’ailleurs explicitement appelé les 27 à ne pas signer cet accord. « La politique de “conditionnalité” de l’UE a été un instrument efficace et absolument crucial (...). 90 % des accusés qui sont maintenant détenus l’ont été en conséquence directe de cette “conditionnalité” », a affirmé Mme Del Ponte. Cet accord, appelé Accord de stabilisation et d’association, peut être suivi de négociations d’adhésion. « Le tribunal a été créé en 1993 avec l’idée que tous les États coopéreraient pleinement sur toutes les questions, et cela n’a jamais été le cas », affirme-t-elle. Selon la magistrate suisse, le « plus gros problème » du tribunal reste la coopération insuffisante des États et entités territoriales à ses enquêtes en « raison de l’interférence de questions politiques ». « Sans un soutien fort de la communauté internationale, la justice internationale n’a pas d’avenir », a-t-elle déploré. Pour Éric Canal-Forgues, professeur de droit international à Paris Descartes, il existe certainement un « jeu politique ». « La non-coopération de la Serbie dans l’affaire Mladic et d’autres fugitifs inculpés par le tribunal est relative », dit-il à L’Orient-Le Jour. « Certains responsables serbes ne veulent pas arrêter les fugitifs avant le départ, à la fin de l’année, de Mme Del Ponte », estime-t-il. En effet, la Suissesse, âgée de 60 ans, reste à son poste jusqu’en décembre, soit trois mois de plus que prévu. Par ailleurs, concernant l’épineuse question du Kosovo, certains experts estiment que Belgrade espère obtenir davantage de concessions sur la province serbe contre l’arrestation de ses criminels de guerre, dont Mladic et Karadzic. Dans une déclaration faite à BIRN, une ONG serbe, un haut fonctionnaire serbe a déclaré sous le couvert de l’anonymat que « Mladic reste un atout pour le pays ». Selon les services de renseignements serbes, le lieu où se cache Ratko Mladic n’est un secret pour personne. « L’arrestation ne sera qu’une question technique, l’important reste la volonté politique », a assuré un agent des services secrets à BIRN. Le 18 juin, Carla Del Ponte a même suscité de grandes inquiétudes chez les Albanais du Kosovo en demandant de retarder toute décision sur l’indépendance de la province serbe dans l’intérêt du TPIY. Quelques semaines plus tard, le président serbe Boris Tadic a lui aussi lié le sort de Mladic à celui du Kosovo. « Notre objectif est de capturer Mladic (...). Mais nous n’accepterons pas l’indépendance du Kosovo. (...) Ne sous-estimez pas la capacité de la Serbie à parvenir à un vrai compromis sur le Kosovo. Mais pour nous, un compromis ne signifie pas l’indépendance », a-t-il déclaré, sans toutefois préciser le type de compromis possible. R. M.
Quatorze ans après sa création, le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a à son actif un certain nombre de succès. Mais sans la coopération de la Serbie dans la capture des criminels de guerre et sans une pression politique de la part de la communauté internationale sur Belgrade, le travail du TPIY risque de s’embourber dans un jeu politique des plus...