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Face au « non » russe, Américains et Européens lancent d’ultimes négociations sur le statut de la province serbe L’échec de la diplomatie risque de replonger le Kosovo dans la violence Rania MASSOUD

Les efforts diplomatiques internationaux, notamment européens et américains, se sont multipliés ces dernières semaines afin de tenter de surmonter les réticences de la Russie concernant l’indépendance du Kosovo. Moscou est en effet le meilleur allié des Serbes farouchement opposés à une indépendance de cette province à majorité albanaise qu’ils considèrent comme le berceau de leur culture et de leur religion. Face au blocage des négociations, les Albanais du Kosovo menacent de déclarer unilatéralement l’indépendance de la province serbe. Une option dont les experts redoutent qu’elle entraîne un retour de la violence. Les Occidentaux espèrent parvenir à un accord sur le statut du Kosovo avant la fin de l’année. Face à la résistance des Russes vis-à-vis d’une résolution ONUsienne ouvrant la voie à l’indépendance du Kosovo, Américains et Européens ont décidé de suspendre leurs efforts au Conseil de sécurité et ont lancé, mercredi dernier, 120 jours de discussions sous l’égide du Groupe de contact sur le Kosovo, au sein duquel aucun pays ne dispose d’un droit de veto. L’objectif à atteindre à l’issue de ces quatre mois de négociations « intensives » n’a toutefois pas été fixé. Dans une volonté de compromis, les Occidentaux n’évoquent plus une indépendance automatique du Kosovo, peuplé à 90 % d’albanophones, et proposent désormais de remplacer les forces ONUsiennes par des représentants européens chargés d’administrer la province. Mais Moscou et Belgrade rejettent catégoriquement ce projet, qui est, selon eux, « imprégné du concept d’indépendance ». Impatients face aux réticences russes et serbes, les représentants de la majorité albanophone du Kosovo menacent désormais de déclarer unilatéralement l’indépendance de la province le 28 novembre prochain. Avec cette décision, les dirigeants kosovars ont contraint leurs alliés occidentaux à prendre position. Les États-Unis ont d’ores et déjà laissé entendre qu’ils étaient prêts à soutenir une telle initiative. « Le Kosovo aura l’indépendance d’une façon ou d’une autre », malgré l’opposition de la Serbie et de la Russie, a assuré il y a quelques jours la secrétaire d’État américaine Condoleezza Rice. « Le statut du Kosovo sera réglé », a-t-elle insisté. Même avis de l’autre côté de l’Atlantique. Bien que plusieurs pays de l’UE n’abandonnent pas l’espoir d’arriver à une résolution du problème à l’ONU, ils menacent eux aussi de reconnaître une indépendance autoproclamée par les Kosovars, au grand dam des Serbes, des Russes et d’autres pays soucieux de ne pas encourager d’autres élans indépendantistes. Le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, qui a lui-même été chef de la Minuk de 1999 à 2001, a averti qu’il ne restait que « quelques mois » pour « convaincre les Serbes » avant de franchir « la ligne rouge » et qu’il y aurait alors « une attitude commune européenne ». Aujourd’hui, les Américains considèrent que leur soutien, couplé à celui des Européens, permettra de donner une légitimité suffisante à un Kosovo déclarant unilatéralement son indépendance. Le président kosovar albanais, Fatmir Sejdiu, a d’ailleurs avancé l’idée d’une déclaration d’indépendance « coordonnée » avec les États-Unis et l’UE, et non pas unilatérale. Dans un entretien à L’Orient-Le Jour, le spécialiste des Balkans, Mladen Tosic, estime que « sans l’accord des acteurs-clés de la communauté internationale, les Albanais du Kosovo ne pourront pas déclarer unilatéralement l’indépendance de leur province sans subir des conséquences dangereuses ». « Des violences pires que celles perpétrées au cours des massacres de 2004 pourraient éclater au Kosovo – contre la minorité serbe – au cas où les leaders albanophones décidaient de se passer de l’aval des Occidentaux », avertit M. Tosic, chercheur au Centre d’études internationales à l’Université de Cambridge. Ces craintes sont d’ailleurs partagées par le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, qui a mis en garde contre toute « action prématurée et unilatérale » au Kosovo. Cela « aurait un impact négatif pour la paix et la sécurité, non seulement au Kosovo, non seulement dans les Balkans, mais aussi pour l’ensemble de la situation en Europe », a-t-il déclaré le 10 juillet lors d’une conférence de presse à New York. Washington a également mis en garde contre les risques d’un retour à la violence au Kosovo en cas d’échec de la diplomatie. « En l’absence d’un accord final sur le statut du Kosovo, nous allons vraiment assister à une flambée de violences dans la région, ce qui n’est bon pour personne », a déclaré le 25 juillet le porte-parole du département d’État américain. Signe de la gravité de la situation, les anciens combattants de la guérilla séparatiste du Kosovo lors du conflit de 1998-1999 se sont dit prêts à reprendre les armes si le blocage entre les pays occidentaux et la Russie empêche la province serbe d’accéder à l’indépendance. Cet avertissement est le plus explicite depuis que la Russie a réussi à freiner l’adoption du dernier projet de résolution. « Belgrade est dans une position très difficile », juge M. Tosic. L’expert estime que si la Serbie n’accepte pas de plier sur le Kosovo, elle risque de compromettre ses relations avec l’UE. « L’aide européenne à Belgrade est cruciale pour le développement du pays après des années de guerre et d’isolement », assure M. Tosic. La Serbie espère d’ailleurs parvenir d’ici à octobre à la signature d’un accord de stabilisation et d’association avec l’UE, première étape sur la voie de son intégration européenne. Plusieurs diplomates européens auraient par ailleurs proposé de négocier l’indépendance du Kosovo en échange de l’entrée de Belgrade dans le bloc communautaire européen. Le statut du Kosovo repose donc entre les mains des grandes puissances, notamment les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la France, l’Italie et la Russie. Durant les 120 jours de discussions prévus, les alliés de Pristina devront tirer les conséquences de leur échec à l’ONU et tâcher de rester unis face à des Kosovars fatigués et de plus en plus impatients.
Les efforts diplomatiques internationaux, notamment européens et américains, se sont multipliés ces dernières semaines afin de tenter de surmonter les réticences de la Russie concernant l’indépendance du Kosovo. Moscou est en effet le meilleur allié des Serbes farouchement opposés à une indépendance de cette province à majorité albanaise qu’ils considèrent comme le berceau de...