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Actualités - ANALYSE

Éclairage L’innocent exécuté, « Saint-Graal » des antipeine capitale américains

Au-delà des dizaines de condamnés à mort innocentés ces dernières années aux États-Unis, les opposants à la peine capitale ont relevé le défi de ses partisans : démontrer qu’au moins un des 1 087 condamnés exécutés depuis 30 ans était innocent. Ils sont aujourd’hui 124 à avoir été innocentés, le plus souvent grâce à des analyses ADN, après s’être morfondus des années dans les sinistres couloirs de la mort. Depuis une dizaine d’années, ils sont devenus l’un des arguments les plus efficaces contre la peine capitale. Pourtant, le juge Antonin Scalia, l’un des plus ardents conservateurs de la cour suprême, a riposté l’année dernière : ces exemples « ne démontrent pas l’échec du système mais sa réussite ». « Il est facile comme tout de trouver des meurtriers parfaitement coupables qui ont été remis en liberté », mais les opposants à la peine de mort n’ont pas encore trouvé leur « Saint-Graal », à savoir la preuve qu’un innocent a été exécuté, a raillé le juge dans une décision. Si cela avait été le cas, « le nom de l’innocent aurait été crié sur tous les toits par le lobby abolitionniste », a-t-il insisté, rappelant le cas de Roger Coleman, dont les protestations d’innocences avaient fait la une du magazine Time avant son exécution en 1992 et dont des analyses ADN ont confirmé la culpabilité début 2006. La Coalition nationale pour abolir la peine de mort (NCADP) a répondu en juin avec un rapport détaillant les cas de quatre condamnés exécutés dont une enquête approfondie remet sérieusement en doute la culpabilité. Ces cas sont présentés comme quatre parmi des dizaines. À la demande d’associations et parfois de proches des victimes, la justice a rouvert une enquête sur deux d’entre eux, Ruben Cantu et Larry Griffin. Mais les deux rapports d’enquête, publiés ces dernières semaines, ont conclu qu’ils étaient coupables. Ruben Cantu a été exécuté en 1993 au Texas pour un meurtre pendant un cambriolage, commis alors qu’il avait 17 ans. Le principal témoin s’est rétracté après le procès, et le procureur chargé de l’affaire, estimant qu’il avait fait une erreur, est devenu un militant antipeine de mort. La nouvelle enquête, menée par une procureur qui était juge dans les années 1990 et avait à ce titre fixé la date d’exécution de M. Cantu, s’est appuyée principalement sur le témoignage d’un compagnon de cellule du condamné, jusqu’à présent jamais cité, devant lequel il aurait reconnu le crime. Dans la seconde affaire, Larry Griffin a été exécuté en 2005 dans le Missouri pour le meurtre d’un dealer. Un témoin blanc, Robert Fitzgerald, a identifié M. Griffin comme le tireur, alors que plusieurs autres personnes ont affirmé depuis qu’il n’y avait que des Noirs sur les lieux du drame. Le rapport d’enquête, publié jeudi, a cité un nouveau témoignage assurant que M. Fitzgerald était présent puisqu’il venait d’acheter de la drogue à la victime. Or M. Fitzgerald, qui a obtenu à la même époque l’annulation de poursuites pesant contre lui pour un braquage, avait affirmé au procès qu’il se trouvait là par hasard. Pour David Elliot, porte-parole de la NCADP, ces deux enquêtes ont avant tout démontré la nécessité de créer des instances indépendantes chargées d’examiner ces affaires, plutôt que de laisser « les loups garder la bergerie » en confiant aux procureurs le soin de vérifier qu’ils n’ont pas fait d’erreur. En attendant, la NCADP, Amnesty International et d’autres se sont mobilisés pour Troy Davis, un Noir qui doit être exécuté mardi en Georgie pour le meurtre d’un policier blanc, alors que la plupart des témoins se sont rétractés, afin qu’il devienne le 125e libéré plutôt que leur « Saint-Graal ». Fanny CARRIER (AFP)

Au-delà des dizaines de condamnés à mort innocentés ces dernières années aux États-Unis, les opposants à la peine capitale ont relevé le défi de ses partisans : démontrer qu’au moins un des 1 087 condamnés exécutés depuis 30 ans était innocent.
Ils sont aujourd’hui 124 à avoir été innocentés, le plus souvent grâce à des analyses ADN, après s’être...