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Actualités - OPINION

Un dialogue, pour quoi faire ?

Par Nabil KHALIFÉ * Des représentants des différentes fractions libanaises se réunissent à partir d’aujourd’hui à La Celle-Saint-Cloud pour mener un dialogue interlibanais, préparé et parrainé par la France. Cette initiative du ministre Kouchner se limitera-t-elle à une simple déclaration d’intentions qu’adopteraient les parties en présence ? À défaut, une question se pose : Un dialogue pour quoi faire ? Notons, d’emblée, que la date choisie par les Français est très importante et très significative : le 14 juillet, jour de la Fête nationale française ; le jour de la Libération des Français qui peut, pourquoi pas, aider à la libération des Libanais de leurs « démons » historiques et idéologiques, et des puissances étrangères qui cherchent à les dominer ! Pour simplifier et clarifier la donne du problème libanais, force est de relever que ce dernier consiste en l’incarnation, en miniature, de la fameuse « Question d’Orient » qui pose le sort des minorités du Moyen-Orient. Dans la conjoncture actuelle, le Liban supporte le poids de sept projets, sept stratégies internationales, régionales et nationales qui convergent et se recoupent sur son petit territoire et terrorisent son peuple : • Le projet américain du « Grand Moyen-Orient » sous le slogan de la démocratisation de la région et du combat contre le terrorisme. • Le projet historique de maintenir et préserver le régime arabo-sunnite, installé après la Première Guerre mondiale et chapeauté dans les années quarante par la Ligue des États arabes. Ce sunnisme a connu au Liban un impressionnant virement vers le libanisme ayant pour leitmotiv « Liban d’abord », sous l’impulsion du regretté Rafic Hariri qui a proposé une nouvelle vision de l’arabité ! • Le projet chiito-iranien du « Moyen-Orient islamique » qui cherche, par tous les moyens, à remplacer le régime arabo-sunnite par un régime irano-chiite inspiré et guidé par la Révolution islamique de l’imam Komeiny et dont le champ d’action (le chambardement) se répand de l’Iran jusqu’au Liban-Sud. • Le projet israélien du « Grand Israël », dont les enjeux régionaux sont axés sur quatre thèmes : la terre, l’eau, la sécurité et le choix de société. • Le projet syrien de « Grande Syrie »... en commençant par le Liban. Il suffit de lire Yves Lacoste (Géopolitique 2006, Dictionnaire géographique des États) et Michel Foucher (Fronts et frontières) pour en être sûr ! • Le projet du Hezbollah, en tant que branche libanaise de la Révolution islamique iranienne. Il puise sa puissance de quatre facteurs : la résistance contre Israël, l’idéologie de Wilayat al-Fakih, l’alignement sur la stratégie syrienne et le bon encadrement politique, militaire, disciplinaire et médiatique. Selon son manifeste de 1985, son but final est d’instaurer une république islamique (chiite) au Liban. • Le « pseudo-projet » des chrétiens du Liban qui, depuis des siècles, aspirent à vivre ce que Charles Malek appelait toujours « leur liberté existentielle », ceci n’étant possible que dans un petit pays. D’où leur rattachement au Liban, un symbole, un État souverain indépendant, surtout définitif et non pas temporaire comme cela était le cas depuis 1920 jusqu’à présent. D’où l’importance exceptionnelle que revêt pour eux et pour tous les « libanistes », la résolution 1559 du Conseil de sécurité qui souligne les quatre principes qui sont fondamentaux pour le Liban : l’intégrité territoriale, l’entité définitive, la crédibilité de l’État et le respect de la Constitution. La neutralisation du Liban – La gravité de la situation actuelle s’explique par la nature politico-idéologico-religieuse de ces projets d’autant que le Liban se trouve à l’intersection du conflit existentiel entre le sunnisme et le chiisme. De plus, la déclaration du Liban pays pétrolier vient compliquer les choses et pousser surtout les Américains et les Syriens à être plus intransigeants… – Il faut faire la distinction nette et précise entre la majorité et la minorité au Liban. La majorité tient au sort de l’État, la minorité tient au sort du pouvoir (gouvernement) pour pouvoir faire basculer sinon paralyser l’État, comme le président du Parlement vient de paralyser la Chambre. – Loin des discussions stériles, la Géographie politique considère le Liban, pour des raisons objectives, comme un État-tampon. Par conséquent, il doit avoir le sort des États-tampons dans le monde. Pour y parvenir, c’est à la France de conseiller aux participants de lire et relire le grand penseur libanais Michel Chiha. Ainsi ils pourront mieux comprendre et analyser le problème libanais, et en chercher la solution, car c’est dans la bonne analyse que l’on trouve les éléments adéquats de la solution. – Avec pluralisme sociologique et unité du territoire et du destin (théologie du territoire, selon Chiha), la France affective du président Chirac, la France pragmatique du président Mitterrand des années quatre-vingt et la France dynamique du président Sarkozy doivent arriver à une synthèse, à une solution, une seule : la neutralisation du Liban (décision internationale d’imposer sa neutralité). Ainsi le pays du Cèdre sera « la Belgique » du monde arabe où s’installent les organisations de la communauté arabe, en grande amitié et coopération avec la communauté européenne. En 1983, j’avais écrit un livre intitulé Le Liban et le quatrième choix : Neutralité ou neutralisation. Voici que les événements du Liban me donnent raison. Si l’on y arrive, avec un engagement d’être le dernier pays arabe à signer la paix avec Israël et une formule libanaise spécifique de la neutralité ou de la neutralisation, les efforts du président Sarkozy et de son groupe, M. Kouchner en tête, donneront alors leurs fruits, parce que le dialogue aura vraiment précisé ce qu’il faut faire et choisir à La Celle-Saint-Cloud, ou dans n’importe quelle partie du monde ! * Fondateur et directeur du Centre Byblos d’études et de recherches.
Par Nabil KHALIFÉ *

Des représentants des différentes fractions libanaises se réunissent à partir d’aujourd’hui à La Celle-Saint-Cloud pour mener un dialogue interlibanais, préparé et parrainé par la France. Cette initiative du ministre Kouchner se limitera-t-elle à une simple déclaration d’intentions qu’adopteraient les parties en présence ? À défaut, une...