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Actualités - REPORTAGE

À Beddaoui, les Palestiniens s’organisent en attendant le retour Installés dans des garages et des écoles, les réfugiés de Nahr el-Bared s’impatientent et s’en prennent à Fateh el-Islam

Alors que les combats font rage à Nahr el-Bared entre l’armée et les extrémistes de Fateh el-Islam, les réfugiés palestiniens qui ont fui ce camp s’impatientent. Ils ont hâte de pouvoir rentrer chez eux et s’en prennent à ce groupe terroriste qu’ils accusent d’être la source de tous leurs maux. D’autres aussi s’en prennent à la Syrie et estiment que rien ne changera tant que le régime ne tombe pas à Damas. Il y a ceux qui sont partis pour le Liban-Sud ou pour Beyrouth, chez des proches, mais la grande majorité est restée dans la partie nord du pays. Plus précisément dans le camp de Beddaoui et ses alentours. Environ 5 000 familles de Nahr el-Bared, qui comptait 30 000 habitants, vivent actuellement à Beddaoui. Les entrées de ce camp, créé en 1955, sont tenues par le Fateh intifada et le FPLP-CG, deux groupes prosyriens. C’est qu’en 1985, évincé par Damas, le Fateh d’Abou Ammar avait quitté le camp pour y revenir il y a quelques années. Sa présence reste discrète. Le camp abrite aussi des partisans du Hamas. La plupart des Palestiniens qui ont fui Nahr el-Bared habitent les écoles du camp ou logent chez des amis. D’autres ont décidé de vivre dans des fonds de commerce vides ou de louer des appartements aux alentours du camp. Ceux qui ont quitté leurs maisons tentent de s’adapter à la situation, sachant désormais qu’il leur faudra du temps pour rentrer chez eux. Car, pour eux, l’arrêt des combats ne suffira pas. Il faudra reconstruire. Aux alentours du camp de Beddaoui, tout le long de la journée, on entend les obus qui éclatent par intermittence à Nahr el-Bared. « Voilà, les bombardements ont repris », soupire Fatmé, une mère de famille palestinienne installée dans un garage situé à proximité du camp. Plus loin, un groupe d’autres familles partage un hangar. Les hommes, des ouvriers dans le bâtiment pour la plupart et qui travaillaient déjà sur un chantier avant le 20 mai dernier, vont travailler à Tripoli. Les femmes, elles, vaquent à leurs occupations domestiques. Fatmé rêve de retourner chez elle le plus rapidement possible. « Je veux rentrer dans ma maison de Nahr el-Bared. Même si elle n’existe plus », dit-elle, en fulminant contre Fateh el-Islam et les « malheurs que ses hommes ont fait abattre sur nous ». Dans le même secteur, un groupe d’hommes et de femmes fait la conversation. Il est constitué de Libanais du quartier et de réfugiés palestiniens, arrivés dans cette zone de Beddaoui après les combats. Omar, Libanais de Tripoli, évoque pêle-mêle les déboires des Palestiniens et des Libanais, accuse la Syrie de tous les maux et estime que rien ne changera au Liban tant que le régime ne tombe pas à Damas. Le groupe de réfugiés palestiniens parle de Fateh el-Islam, de « ses hommes qui sont venus, certains avec leurs familles, s’installer dans le camp » de Nahr el-Bared. À leur arrivée, il y a un peu moins d’un an, à aucun moment les réfugiés de Nahr el-Bared n’ont senti un quelconque danger, racontent-ils. « Au début, ils cachaient leur jeu. Ils ne faisaient que prier. Ensuite, ils ont commencé à avoir des problèmes avec certains habitants, contre qui ils n’ont pas hésité à prendre les armes. Voilà où leurs actes nous ont menés aujourd’hui. Ma maison a été détruite. J’habite un garage et je ne sais pas quand je rentrerai chez moi », se lamente Samira, qui était la voisine d’une famille de Fateh el-Islam. Accoucher pour rentrer… au hangar Un peu plus loin, sur le même trottoir, deux jeunes femmes sont assises sur des chaises en plastique. Imane, 20 ans, et Hoda, 23 ans, sont belles-sœurs. La première tient une petite fille de sept mois dans ses bras et la deuxième est enceinte au 9e mois. Toutes les deux habitent le même garage. « J’accouche dans une semaine… J’irai à l’hôpital puis je rentrerai ici », indique Hoda. Les deux jeunes femmes se plaignent de la chaleur à l’intérieur des hangars. Imad et Ali sont tous deux originaires de Narh el-Bared. Tous les deux ont des camionnettes qu’ils utilisaient pour la livraison et la vente de légumes. Ils sont désormais au chômage. Avant les combats du 20 mai dernier, Beddaoui était un petit camp tranquille. Ce n’est plus le cas actuellement. Ses rues sont aujourd’hui encombrées de piétons. Un hôpital de camp, don du Qatar, y a été installé, et les six écoles de l’Unrwa grouillent de réfugiés. Tous les jours, des plats chauds sont distribués, notamment par la Fondation Hariri. Les déplacés reçoivent des aides, que ce soit des caisses alimentaires ou des détergents, de diverses associations. Assis sur une natte dans une salle de classe, Maher et Mona jouent avec leurs trois enfants. Mona a quitté Nahr el-Bared au troisième jour des combats. Maher, lui, y est resté deux semaines en plus. Il a quitté les lieux quand la maison a été touchée. Ce jeune couple, comme beaucoup de réfugiés palestiniens de Nahr el-Bared, a cru à tort que les combats se termineront au bout de quelques jours. Maher et Mona énumèrent les aides qui leur ont été distribuées, que ce soit des caisses alimentaires, des détergents, des couches-culotte ou des vêtements à leurs enfants. Alors qu’ils parlent, une femme entre dans la salle de classe, demande si le couple lui vendrait une boîte de lait pour 10 000 livres. Mona refuse et explique : « C’est une femme de Beddaoui, tous les jours elle vient demander aux réfugiés s’ils veulent vendre les aides qui leur sont distribuées. Cette femme achète la boîte de lait à 10 000 livres pour la revendre dans une épicerie à 18 000 livres. J’ai besoin d’argent certes, mais je préfère garder le lait pour mes enfants. » Dans une permanence de l’Unrwa, Manal, réfugiée elle-même et travaillant avec les réfugiés, à qui elle distribue des aides et assure des sessions de formation, indique : « Si je ne m’étais pas remise à travailler rapidement, je serais devenue folle. » La jeune femme a loué avec son mari un appartement à proximité du camp. « Je veux retourner chez moi. Je veux que ça finisse. Même si nos maisons sont détruites, nous reconstruirons. Nous repartirons à zéro », dit-elle. Manal pense à sa famille qui avait un immeuble, qui doit être probablement détruit… « J’espère que la maison n’a pas brûlé… Mon père est mort, il y a un an, je suis partie sans emporter des souvenirs… Si la maison a brûlé, je n’aurai même plus une photo de lui… C’est comme si l’histoire de toute ma famille a été effacée », sanglote-t-elle. Mais la jeune femme sèche vite ses larmes, se remet au travail et souhaite – comme les autres personnes qu’elle assiste – retourner au plus tôt à Nahr el-Bared. Un hôpital de camp qatari Quelques semaines après le début des combats à Nahr el-Bared, exactement le 17 juin dernier, un hôpital qatari a commencé à recevoir les malades dans le camp de Beddaoui. L’hôpital est constitué de plusieurs tentes qui abritent notamment les cliniques d’un dermatologue, d’un pédiatre, d’un endocrinologue et d’un spécialiste en médecine interne. Une pharmacie et des espaces d’attente ont été prévus. Il faut aussi compter l’hôpital lui-même où des chirurgies légères peuvent être effectuées. Dirigé par le Dr Daoud el-Bast, médecin qatari, l’hôpital emploie seize personnes : des Qataris, des Libanais et des réfugiés palestiniens. L’hôpital traite environ 300 cas par jour. Les réfugiés qui s’y présentent souffrent notamment de maladie de peau, due aux conditions de vie dans les écoles, et de diverses infections. Patricia KHODER

Alors que les combats font rage à Nahr el-Bared entre l’armée et les extrémistes de Fateh el-Islam, les réfugiés palestiniens qui ont fui ce camp s’impatientent. Ils ont hâte de pouvoir rentrer chez eux et s’en prennent à ce groupe terroriste qu’ils accusent d’être la source de tous leurs maux. D’autres aussi s’en prennent à la Syrie et estiment que rien ne...