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Actualités - REPORTAGE

INCURSION AU PRADO - Arrêt devant la célèbre peinture des « Ménines » Diego Vélasquez, le peintre du siècle d’or espagnol

MADRID - de Zéna ZALAL S’évader par la peinture. S’éloigner d’un quotidien truffé d’effroi et de laideur pour voyager au gré des plus beaux tableaux de tous les temps. C’est ce que propose cette rubrique qui vous invite à faire une incursion – et des arrêts sur toiles – dans l’un des plus importants musées du monde, le Museo del Prado à Madrid. Cette célèbre pinacothèque abrite, en effet, l’une des plus riches collections de peintures européennes du XIVe au début du XIXe siècle. Des œuvres majeures des plus grands maîtres espagnols, tels Le Greco, Diego Vélasquez, Francisco Goya, Bartolomé Esteban Murillo. Mais aussi des chefs-d’œuvre de la peinture universelle signés Fra Angelico (« L’Annonciation »), Jérôme Bosch (« Le Jardin des délices »), Pierre Paul Rubens (« Les Trois Grâces »), Raphaël, Titien, Botticelli, Le Tintoret, Caravaggio, Albrecht Dürer (le diptyque d’« Adam et Ève »). Après un premier arrêt devant les toiles de Goya (voir édition du 12 juin), suivi par un second devant celles du Greco (20 juin), découverte de l’un des tableaux les plus connus de Diego Rodríguez de Silva y Velázquez, dit Diego Vélasquez : la fameuse grande huile intitulée « Les Ménines ». Considéré comme le chef-d’œuvre absolu de Vélasquez (né à Séville en 1599, mort à Madrid en1660), Les Ménines, grande peinture de style baroque, de plus de trois mètres de largeur, est parmi les œuvres du Prado devant laquelle s’agglutinent les visiteurs. On ne peut, il est vrai, passer rapidement devant cette grande composition pleine de personnages qui se révèlent progressivement au regard et se laissent appréhender à la manière des divers éléments d’un rébus. Dans cette œuvre, peinte en 1656, qui se présente, de prime abord, comme un simple portrait de l’infante Marguerite entourée de ses demoiselles d’honneur et de ses nains, le spectateur découvre, plan après plan, une mise en scène en clair-obscur plus complexe. En y regardant de plus près il aperçoit, par exemple, qu’à l’arrière-plan, parmi les portraits couvrant le mur de la pièce où se tiennent les personnages représentés, se trouve un miroir, dans lequel se reflète le couple royal. Certains commentateurs ont avancé que ce reflet assez flou du roi et de la reine sur le miroir du fond symbolisait le déclin imminent de l’empire espagnol – qui s’est effectivement concrétisé peu après la mort de l’artiste. Jeu de miroirs et de nains Puis, dans le coin gauche, on voit Vélasquez devant son chevalet. L’artiste s’est représenté lui-même au milieu de la famille royale faisant le portrait de la petite infante. Un autoportrait du peintre au travail révélateur d’une certaine intimité de ce dernier avec la famille royale. Une promiscuité due à son statut de portraitiste – très apprécié – du roi Philippe IV qui, selon les historiens d’art, aurait lui-même (le monarque tirait fierté de ses talents en poésie et en peinture) rajouté, postérieurement à la réalisation de cette toile, la croix rouge de l’Ordre de Santiago apparaissant sur la poitrine du peintre ! Car ce n’est que trois ans après l’exécution du tableau que Vélasquez avait reçu cette éminente distinction de chevalerie. Dans ce tableau aux différentes facettes, il y a aussi un jeu de regards qui montre la subtilité d’esprit de ce peintre de cour. Dans la « scène » des Ménines, où il se représente pinceau à la main, son regard fixe le roi et la reine qui se trouvent, en toute logique, à la place même de la personne contemplant l’œuvre, puisque leurs figures se reflètent dans le miroir peint en fond de toile. À des siècles d’intervalle, le peintre croise ainsi le regard du spectateur qui, au moment même de cet échange de regards, devient lui-même, par jeu de miroirs, un instant, le modèle du tableau ! Réalisme et humanisme Il y a aussi une naine. Les nains, ces bouffons qui peuplaient alors les antichambres du palais royal et qui servaient à distraire la cour, figurent dans nombre de peintures de l’artiste. Peintre de cour, ambitieux certes, courtisan sans doute (on raconte qu’il s’attelait à son chevalet pour distraire le roi qui aimait beaucoup le voir peindre, notamment des nains), Vélasquez n’en demeure pas moins un homme profondément humain. En témoignent le respect et la compassion avec lesquels il traite ces petits personnages, auxquels il donne, nonobstant leurs traits grotesques et leurs disproportions corporelles, une allure digne et un aspect profondément sympathique. Une liberté d’esprit, dans ce XVIIe siècle espagnol particulièrement conservateur, dont témoigne cet homme affilié à la représentation de la famille royale en n’hésitant pas à faire un magnifique portrait de son esclave, Juan Pareja, auquel il enseigna d’ailleurs la peinture et qui deviendra peintre lui aussi. Du fait de son attachement très jeune à la cour du roi d’Espagne, l’œuvre de Vélasquez fut foisonnante en portraits de cour (il signa notamment quarante portraits de Philippe IV), mais son pinceau magistral ne se départit jamais d’un réalisme et d’un sens du détail absolument maîtrisés. Il ne fit que très peu de tableaux religieux, dont le musée du Prado montre une sobre et émouvante Crucifixion sur un arrière-plan, d’un noir uniforme, qui évoque l’absolue solitude du Christ. Il est, avec Francisco Goya et Le Greco, considéré comme l’un des plus grands artistes de l’histoire de la peinture espagnole. Et comme « le » peintre du siècle d’or espagnol.

MADRID - de Zéna ZALAL

S’évader par la peinture. S’éloigner d’un quotidien truffé d’effroi et de laideur pour voyager au gré des plus beaux tableaux de tous les temps. C’est ce que propose cette rubrique qui vous invite à faire une incursion – et des arrêts sur toiles – dans l’un des plus importants musées du monde, le Museo del Prado à Madrid.
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