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Actualités - ANALYSE

La Syrie a d’autres intérêts au Liban que l’Iran, affirme un diplomate

Survenu après une période de stabilité relative qui a marqué, depuis pratiquement un an, le climat sécuritaire au Liban-Sud, l’attentat contre les forces espagnoles de la Finul dans la vallée de Khiam en a intrigué plus d’un. Menées parallèlement et parfois conjointement par le gouvernement espagnol, les autorités libanaises, le commandement de la force de maintien de la paix, et même par le Hezbollah qui s’est dépêché d’offrir ses services en matière d’investigation, les enquêtes sur cet odieux attentat privilégient certaines pistes, dont celle d’el-Qaëda. Une tâche ardue dans un pays devenu, depuis un certain temps, le carrefour d’intérêts contradictoires mais qui peuvent incidemment concorder selon les objectifs visés. À ce stade de l’enquête, trois acteurs principaux sont suspectés : el-Qaëda, un groupuscule jihadiste qui aurait agi pour le compte d’un État tiers, et enfin la Syrie. Autant d’hypothèses qui n’ont pas été confortées, à ce stade encore précoce des multiples enquêtes menées sur le terrain. Dans une entrevue accordée à L’Orient-Le Jour, un diplomate, qui a voulu garder l’anonymat, tente, dans une approche analytique des principaux enjeux dans la région, de répondre aux interrogations qui entourent cette affaire qui a fortement secoué la communauté internationale. Tout en n’écartant pas la piste « purement el-Qaëda », le diplomate penche clairement pour la thèse d’un groupuscule jihadiste « d’inspiration qaëdiste », comme il dit, mais qui serait manipulé par la Syrie. Cette thèse comporte toutefois, selon lui, un facteur purement local, à savoir « une aide ponctuelle qui aurait été probablement apportée par des agents locaux ». « Je serai vraiment étonné si Damas n’est pas derrière ce crime », insiste-t-il. Afin de conforter sa thèse sur l’implication syrienne, le diplomate révèle en outre que « selon plusieurs sources crédibles, dont certaines qui n’ont pas intérêt à avancer de tels propos, il y aurait des indications tangibles selon lesquelles le lancement de katiouchas, le 17 juin dernier, sur le nord d’Israël est le fait du FPLP-CG d’Ahmad Jibril », un acte guerrier qui « n’aurait pu se faire sans la connaissance de Damas », dit-il. À la question de savoir pourquoi l’explosion du 1er juillet a visé les Espagnols en particulier et si le message était adressé à Madrid précisément ou à l’ensemble des forces de maintien de la paix, le diplomate estime que l’attentat devait viser la Finul dans tout ce qu’elle représente et symbolise. Le choix des Espagnols n’était que tactique, probablement, pour embêter le Hezbollah qui, à un moment donné, n’avait pas de bonnes relations avec les troupes espagnoles, souligne le diplomate. Ce faisant, « la Syrie a voulu dire au parti chiite que le Sud n’est pas sa chasse gardée et qu’elle reste maîtresse du jeu sur l’ensemble du territoire libanais », précise-t-il. On sait également que le parti de Dieu avait relativement de bonnes relations avec les forces onusiennes en général et que leurs rapports avec les Espagnols s’étaient nettement améliorés ces derniers temps, rappelle-t-il encore. Selon lui, il s’agissait ainsi de « ressusciter la suspicion qui existait entre les troupes espagnoles et le parti chiite, histoire de faire comprendre à ce dernier ses limites ». D’une pierre, plusieurs coups, ajoute le diplomate, qui précise que c’est une méthode généralement employée par le régime syrien. Pour lui, il y a actuellement différentes lectures en Syrie. « Il y a celle faite par ceux qui voudraient calmer le jeu pour paver la voie à un éventuel engagement de Damas dans un processus de dialogue. Il y a également la position incarnée par le courant majoritaire, qui consiste à dire qu’il ne faut faire aucun pas en avant, avant le départ de George W. Bush. » Par conséquent, la stratégie suivie par cette tendance est celle de « l’autodéfense » qui s’illustre par une politique agressive. Ainsi, Damas entend-il prouver qu’il n’est pas affaibli et qu’il reste déterminé à frapper d’une main forte, ajoute le diplomate. Quant au second message envoyé aux Libanais cette fois-ci, il consisterait à leur faire comprendre qu’il est « inutile d’utiliser la question du tribunal ou une autre arme politique pour affronter leur voisin ». Dernier message enfin véhiculé par les commanditaires, selon lui, celui qui consiste à dire à la communauté internationale que « le régime baassiste continue d’avoir de l’influence non seulement au Liban, mais également en Irak et en Palestine ». Autrement dit : « Si vous voulez une solution, vous devez passer par nous, d’autant que nous ne sommes pas des fanatiques », soutient encore le diplomate en allusion au double jeu syrien favorisant la carte salafiste tout en montrant qu’il est capable de la contenir. D’après lui, Damas est tout à fait conscient que, d’ici à la fin du mandat du président Bush, il ne peut espérer être invité par l’Administration US aux négociations. Par conséquent, l’arme que détient la Syrie est celle de « l’instabilité qu’elle s’ingénie à entretenir au Liban, son objectif étant de faire payer à ce pays le prix, notamment à cause de l’adoption du tribunal international ». Or, ajoute le diplomate, le danger réside dans le fait que la Syrie est en train de jouer avec le feu, car la manipulation de la carte salafiste, à laquelle elle a recours par intermittence, « ne peut avoir qu’un effet boomerang sur Damas, comme on l’a déjà vu en Afghanistan lorsque les Américains s’étaient aventurés sur ce terrain ». Certes, poursuit-il, cela ne veut pas dire pour autant que la Syrie contrôle totalement les jihadistes, mais elle peut du moins faciliter leur action au Liban. Cette thèse ne serait pas plutôt contradictoire avec les informations qui ont mis en cause le pouvoir sunnite quant à son éventuel soutien aux jihadistes au Liban ? « On ne peut véritablement affirmer que le gouvernement Siniora a soutenu les jihadistes ou les groupes proches d’el-Qaëda. Cela ne semble pas du tout logique. On sait cependant qu’il a encouragé les mouvements salafistes, ce qui a été une énorme erreur de sa part », tranche le diplomate. Qu’en est-il des propos avancés il y a quelques jours par le chef de la diplomatie européenne, Javier Solana, qui avait laissé entendre qu’il était naïf de ne pas voir un lien entre ce qui se passe au Liban et en Palestine, se référant notamment aux déclarations du ministre iranien des Affaires étrangères, Ali Larijani ? Le diplomate n’est pas du tout de l’avis de M. Solana et estime que cette prise de position ne peut s’appliquer au Liban. « Dans le cas de figure où l’on admettrait la théorie du grand complot fomenté dans la région à la lumière notamment de la confrontation entre l’axe américain et l’axe irano-syrien, on ne saurait affirmer que l’Iran coordonne nécessairement avec la Syrie sur toute la ligne quant à sa politique régionale, sachant notamment que les objectifs des deux pays ne sont pas les mêmes au Liban. » Selon lui, l’Iran, qui investit depuis très longtemps au pays du Cèdre, en termes de moyens financiers, de soutien politique et social – notamment au Hezbollah –, « considère que cet investissement a été assez profitable pour ne pas vouloir risquer d’en perdre les bénéfices ». « Aujourd’hui, l’Iran cherche, au contraire, à protéger ses acquis. Par conséquent, affirme le diplomate, sa politique au Liban est tout à fait différente de celle qu’il prône en Irak ou en Palestine. D’où des intérêts qui divergent relativement avec ceux de Damas. » Jeanine JALKH



Survenu après une période de stabilité relative qui a marqué, depuis pratiquement un an, le climat sécuritaire au Liban-Sud, l’attentat contre les forces espagnoles de la Finul dans la vallée de Khiam en a intrigué plus d’un. Menées parallèlement et parfois conjointement par le gouvernement espagnol, les autorités libanaises, le commandement de la force de maintien de la...