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Actualités - OPINION

LE POINT L’autre « nakba »

Plus d’un million de personnes jetées sur le chemin de l’exode ; des milliers de civils massacrés et des centaines de localités définitivement rayées de la carte… L’histoire relèvera que, survenant en 1948, ce cataclysme avait fait peu de bruit dans un monde encore traumatisé par la Seconde Guerre mondiale et, de plus, soucieux de se donner bonne conscience en créant un État pour les rescapés des camps de la mort nazis. « Une terre sans peuple pour un peuple sans terre » : reprise ultérieurement par Golda Meir, la formule est du pasteur Blackstone qui, aussi loin qu’en 1891, rêvait de regrouper tous les juifs du monde à l’intérieur de frontières qui restaient à créer … afin de faciliter leur conversion ultérieure au christianisme. La création en 1948 de l’État d’Israël, ce fut pour le monde arabe la « nakba », dont nous assistons depuis quelque temps à une réédition tout aussi sanglante. Dès les élections législatives de janvier 2006, qui virent une victoire incontestée du Mouvement de la résistance islamique, chacun s’est ingénié à multiplier comme à plaisir les pas de clerc : inquiétude d’un monde arabe qui voyait poindre, après l’Afghanistan puis l’Irak, un nouveau foyer d’islamisme, suspension de l’aide internationale débouchant sur une terrible crise économique et sociale ; multiplication des coups de boutoir israéliens : lentement, sûrement, tous les éléments de la crise se mettaient en place pour déboucher sur le duel à mort auquel l’on assiste aujourd’hui. D’autant plus que les deux grands mouvements qui se partagent la scène palestinienne se retrouvaient sans leader véritable : Ahmad Yassine avait disparu le 22 mars 2004, suivi sept mois plus tard, le 11 novembre, par Yasser Arafat. Pour remplir le vide ainsi créé, les héritiers du cheikh aveugle se réfugiaient dans un extrémisme destiné à masquer leur incapacité à imprimer leur marque sur le cours des événements, tandis qu’au sein du Fateh, désormais orphelin de père, le falot Mahmoud Abbas se retrouvait aux commandes, flanqué d’adjoints qui ne rêvaient en réalité que de le supplanter à la tête de ce qui n’est plus qu’une juteuse entreprise. Sur un grand corps gravement atteint, la greffe de la « libération » ne pouvait normalement prendre. Au « oui à la négociation » de l’un répondait le « oui à la lutte armée » de l’autre, tandis que, de raidissements en incidents armés ou non, s’installait la méfiance. C’est ainsi que le Hamas voit d’un mauvais œil des moniteurs américains entraîner les membres de la garde de l’Autorité, dont le chef soupçonne les Brigades Ezzeddine el-Qassam d’inféodation à des services étrangers. Hier, l’escalade a atteint un nouvel Himalaya avec la destruction à l’explosif du tunnel sur lequel avait été érigé le quartier général des forces de sécurité. Celles-ci sont tenues, en vertu de l’ultimatum qui vient de leur être adressé, de livrer leurs armes vendredi avant 19 heures. Le comble de l’horreur, lui, a été franchi avec la mort de deux employés de l’Unrwa, portant l’office à suspendre ses activités pour une durée indéterminée. Le pauvre Abou Mazen en est réduit à lancer des mises en garde d’une désarmante naïveté et qui accusent un net retard sur l’événement : « Sans un arrêt des combats, reconnaît-il, je crois l’effondrement inéluctable. » Tandis que Fawzi Barhoum, le martial porte-parole des islamistes, nettement menaçant, fait état de la détermination de ses camarades à « punir tous les assassins et les criminels », car « les tuer constitue la meilleure dissuasion ». Professeur à l’Université de Bir Zeit, le Dr Ali Jarbawi tire de tout cela l’unique conclusion, croit-il, qui s’impose : il faut envisager très sérieusement la suppression de l’Autorité palestinienne. De quelle utilité peut bien être cet organisme à l’ombre de l’occupation israélienne ? se demandait-il déjà bien avant le déclenchement des hostilités entre groupes rivaux. Il pourrait ajouter que l’acte de décès des accords d’Oslo remontant à quelques années déjà, une telle disparition serait chose naturelle. D’autant plus que l’actuelle dégradation de la situation dans la bande de Gaza n’est pas le fruit du simple hasard, pas plus qu’elle ne résulte seulement d’incidents isolés. Elle s’inscrit dans une logique implacable qui poursuit son bonhomme de chemin depuis le démantèlement, décidé par Ariel Sharon, des implantations, dans ce territoire où vivent plus d’un million 250 000 Palestiniens, possédant l’un des plus forts taux de natalité de la planète, l’un des plus misérables aussi. Il ne reste plus aux Israéliens qu’à se dépêcher de prévoir un retour de leur armée sur les lieux. Une constatation faite dès hier, sans doute pour ne pas abandonner les Palestiniens à leur triste sort. Tant il est vrai, mais cela on le savait depuis longtemps, que l’État sioniste, tout comme la nature, a horreur le vide. Surtout quand lui-même a si généreusement contribué à le créer. Christian MERVILLE
Plus d’un million de personnes jetées sur le chemin de l’exode ; des milliers de civils massacrés et des centaines de localités définitivement rayées de la carte… L’histoire relèvera que, survenant en 1948, ce cataclysme avait fait peu de bruit dans un monde encore traumatisé par la Seconde Guerre mondiale et, de plus, soucieux de se donner bonne conscience en créant un...