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Actualités - OPINION

Le Point Victoire éclair et rude réveil Christian MERVILLE

Dans la ville de Ramallah, les sirènes retentiront à 10 heures ce matin, tandis qu’une minute de silence sera observée… De la plaie béante ouverte un 5 juin 1967, voilà tout ce qu’il restera. Hormis bien sûr un mot, « al-naksa », anodin presque dans le vocabulaire arabe et qui en rien, sinon dans la presque homonymie, n’en rappelle un autre, autrement plus terrible, lui : « al-naqba », qui définit cette journée funeste du 14 mai 1948 où fut proclamée la naissance de l’État hébreu. Parce qu’on se trouve dans un monde arabe où le verbe est roi, il y aura aussi, à n’en pas douter, des discours ronflants, des déclarations tonitruantes, des promesses de vengeance proche. Quoi encore ? Ah oui, des proclamations d’indéfectible solidarité avec le peuple palestinien frère. C’est ainsi et quatre malheureuses décennies n’y changeront rien. Difficile de s’amender quand, juché sur le monticule de sable de la mémoire, on s’obstine à garder l’œil tourné vers la ligne bleue de ce qui fut, il y a des siècles, la glorieuse saga des conquêtes. Il aura suffi de 132 heures pour que tout bascule dans un Proche-Orient qui, depuis, ne s’est pas encore remis du traumatisme. En fait, la guerre avait été perdue dès les premiers instants ayant suivi son déclenchement, quand l’aviation du général Motti Hod, en quelque 500 sorties, avait détruit au sol 309 des 340 appareils que comptait l’armée de l’air égyptienne. Bilan de ses propres pertes : 19 Mirage, victimes de problèmes techniques. Démissionnaire, comme pour sauver ce qui restait de l’honneur englouti dans les sables du Sinaï, Gamal Abdel Nasser revenait sur sa décision, sous l’effet d’une rue habilement manipulée par Ali Sabri et les tout-puissants « moukhabarate ». Il ne restait plus au Conseil de sécurité qu’à discutailler – il continuera à le faire des années durant avant de renoncer, de guerre lasse, et avec lui une opinion publique pour laquelle la question ne relève même plus de la simple sémantique – des termes de sa résolution 242 dans ses deux versions, l’anglaise et la française. En moins d’une semaine, Israël venait de tripler sa superficie, avec l’occupation de la Cisjordanie, de la bande de Gaza et du Sinaï ainsi que du Golan. Plus important : il réussissait, dans le même temps que l’annexion de la partie Est de Jérusalem, à s’approprier les ressources de ces trois territoires, notamment le « château d’eau » représenté par le plateau syrien, qui alimente en amont le Jourdain. Ainsi prenait corps le vieux rêve du dirigeant de l’Organisation sioniste mondiale Haïm Weizman qui, aussi loin qu’en 1919, écrivait au Premier ministre britannique Lloyd George : « L’ensemble de l’avenir économique de la Palestine dépend de son approvisionnement en eau pour l’irrigation et l’énergie électrique. » Le même Weizman revenait à la charge un an plus tard, cette fois auprès du chef du Foreign Office, pour définir les objectifs à atteindre : Haut-Jourdain, Yarmouk, mer de Galilée et… Litani. Libre aux héritiers de Menahem Begin et de Moshe Dayan de s’accrocher à de maigres oripeaux, que les quatre décennies passées ont en outre passablement élimés. Dans la pratique, le bilan est bien loin d’être positif, pour un camp comme pour l’autre. Éloquent dans sa sécheresse, le rapport d’Amnety International publié le week-end dernier, définit parfaitement la situation, évoquant des actions qui « ont eu pour conséquences des violations massives des droits de l’homme » et « qui ont échoué à rétablir la sécurité » des deux populations. La preuve ? La construction d’un mur de 700 kilomètres et de 9 mètres de haut, qui zigzague au gré des besoins de Tel-Aviv, qu’il s’agisse d’un point d’eau (cet or blanc encore et toujours…), d’une habitation ou même d’une rue, subitement coupée en deux. Le tout émaillé de gigantesques tours de surveillance (devra-t-on, un jour, parler de miradors ?) qui rappellent fâcheusement les stalags d’une époque que l’on croyait révolue. La preuve encore : une guerre, en octobre 1973, qui faillit tourner au désavantage d’Israël, c’est-à-dire peut-être à sa disparition, si Anouar Sadate avait écouté son chef d’état-major, le général Saadeddine Chazli. Et puis, cette pièce à conviction, lourde de conséquence, contre laquelle toutes les guerres du monde ne pourront rien : la démographie. Prenez la seule ville de Jérusalem, proclamée « capitale éternelle », mais que même les États-Unis ne veulent pas reconnaître comme telle. Le recensement de 2006 indique que la population y est à 64 pour cent juive et à 32 pour cent arabe, en attendant un rééquilibrage à 50-50, d’ici à un peu plus de deux décennies. « La cité pourrait se retrouver sous la juridiction du Hamas », craint le successeur d’Ehud Olmert à la mairie, Uri Lupoliansky. Un sort, dit-on, qui menace également les autres grandes agglomérations. Du côté palestinien, ils sont ainsi nombreux qui se reprennent à espérer. En se répétant qu’après tout, les guerres dites préventives ne font que retarder l’inéluctable.
Dans la ville de Ramallah, les sirènes retentiront à 10 heures ce matin, tandis qu’une minute de silence sera observée… De la plaie béante ouverte un 5 juin 1967, voilà tout ce qu’il restera. Hormis bien sûr un mot, « al-naksa », anodin presque dans le vocabulaire arabe et qui en rien, sinon dans la presque homonymie, n’en rappelle un autre, autrement plus terrible,...