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Polémique autour des déchets de fuel abandonnés sur les plages

De la tragédie de la marée noire, causée par le bombardement israélien de la centrale électrique de Jiyeh, en juillet dernier, est né un problème qui s’est éternisé après la fin des premières phases de nettoyage : le fuel et les déchets pollués de toutes sortes, collectés sur les différents sites, n’ont souvent pas été éliminés des plages où ils ont été amassés. Le ministère de l’Environnement a été de ce fait la cible des critiques formulées par différents observateurs, qu’il s’agisse d’écologistes ou de certaines parties ayant participé au nettoyage avec l’accord de l’État, et qui soutiennent que le ministère ne les avait pas autorisés à évacuer les restes qu’ils avaient collectés. Ces sacs continuent d’être observés sur certaines plages par les baigneurs eux-mêmes. Qu’en est-il aujourd’hui ? Pourquoi certains restes n’ont-ils pas été éloignés des plages et quel devrait être leur sort ? Quel danger potentiel représentent-ils ? Répondant à ces questions et, par le fait même, aux critiques qui lui ont été adressées, le directeur général du ministère de l’Environnement, Berge Hatjian, a assuré que les déchets étaient destinés à être transportés, dans un premier temps, vers des raffineries à Beddawi (IPC) et Zahrani, les seules, selon lui, à avoir la facilité de traiter ce genre de matières. « Pour nous, il était évident que nous ne pouvions stocker ces déchets que dans les raffineries, à Jiyeh même où le site est déjà pollué, ou alors dans les environs des décharges sans les y enfouir pour autant », précise-t-il. Affirmant qu’une partie substantielle de ces déchets avait été déjà placée en ces endroits, il a souligné que les restes collectés dans les plages du nord se sont retrouvés à IPC et aux environs de la décharge de Bsalim, et que ceux du Sud ont été acheminés vers Jiyeh et Zahrani. Cependant, à la demande de l’Électricité du Liban, les restes stockés à Jiyeh devront être transportés une nouvelle fois à Zahrani. Selon les chiffres du ministère, ces restes représentent 1 026 mètres cubes de fuel liquide (ou mélangé à du sable et de l’eau) et 6 400 mètres cubes de déchets pollués (englobant les équipements utilisés). Cependant, cela n’exclut pas le retard considérable mis à traiter ce problème. M. Hatjian se contente de souligner que pour lui, « c’est un bon rythme, ce sont des choses qui prennent du temps, parfois deux à trois ans ». Il explique que le ministère a envoyé la même demande à toutes les parties ayant participé au nettoyage pour transporter les restes aux endroits indiqués. L’association Bahr Loubnane (qui a nettoyé les fonds marins à Jiyeh et ailleurs ainsi que la plage de sable de Ramlet el-Baïda) a reçu une demande similaire. Rima Tarabay, vice-présidente de l’association, ne comprend pas ce revirement de la part du ministère, qui n’avait pas permis à l’association d’en disposer quand elle avait fini le nettoyage. « On nous demande de transporter ces restes avec beaucoup de retard (alors que certains sacs se sont déjà désagrégés), de les emballer de manière sûre et de les stocker à nos frais, mais ce dont j’ai peur c’est que, une fois à l’abri des regards, ils ne soient tout simplement relégués aux oubliettes », insiste-t-elle. Mme Tarabay rappelle que son association avait plaidé en faveur d’un traitement de ces déchets par une cimenterie locale, qui est prête à le faire, selon elle, ce qui consisterait à retirer tout le fuel et à l’utiliser comme source d’énergie « sans que cela ne coûte rien à l’État ». « Nous avons demandé l’avis d’organisations internationales comme Robin des Bois ou Friends of the Earth, et tous les experts interrogés nous ont assuré que l’incinération est la meilleure solution dans ce cas, ajoute-t-elle. Même si cette méthode est dans l’absolu mauvaise pour la santé, elle ne l’est pas autant que de mettre ces résidus dans des barils et les transporter par mer », Pour ce qui est du nettoyage du sable et des déchets pollués, elle estime que cela est parfaitement faisable au Liban. Pour sa part, M. Hatjian refuse de commenter cette proposition, estimant qu’elle n’émane pas de spécialistes et que le ministère a longuement examiné cette question. « Nous n’avons pas les meilleures technologies pour traiter ces matières, dit-il. Les plus aptes à le faire sont les raffineries, qui retirent la plus grande quantité possible de fuel utilisable, et jettent le reste dans des décharges spécialisées, ou les incinèrent. » Pour lui, même si ce ne sont pas techniquement des déchets dits dangereux, les restes pétroliers entrent sous le coup de la Convention de Bâle parce qu’ils sont considérés comme dangereux si leur traitement n’est pas disponible. « Le plus logique serait d’exporter ces restes vers des entreprises qui peuvent s’en occuper, suivant les recommandations de la convention, ajoute-t-il. Si ce n’est pas possible, nous envisagerons alors de les faire traiter dans les usines libanaises, et pas nécessairement dans les cimenteries. » Selon lui, tout pays ayant signé Bâle peut accueillir ce genre de déchets, à condition que l’institution en charge dans ce pays ait donné son autorisation. Il reconnaît que, bien que des demandes aient été envoyées à la Finlande, la Grande-Bretagne et la France, aucune réponse n’est encore parvenue au ministère. « En attendant, nous préparons une étude sur la qualité et la quantité de ces déchets, ainsi que, à partir de ce recensement, des recommandations sur la meilleure façon de les traiter », précise M. Hatjian. Mais cette démarche va assurément provoquer un retard supplémentaire. « Le temps ne sera pas un facteur essentiel parce que ces déchets seront stockés de manière sûre et ne risqueront pas de polluer la nature », dit-il. Ce qui nous ramène au risque des oubliettes… Quant au prix, estimé par le ministère à 13 000 dollars la tonne, de toute l’opération de traitement des déchets à partir de leur collecte, M. Hatjian précise qu’il a été calculé par comparaison avec le coût du traitement dans d’autres cas de marées noires, mais certains contestent fortement cette évaluation. Des critiques beaucoup plus générales à l’encontre de la gestion de cette affaire par le ministère sont formulées par Habib Maalouf, l’un des membres fondateurs du Parti libanais de l’environnement (LEP). « Les travaux ont été confiés sans adjudication et sans cahier de charge », souligne-t-il. Pour ce qui est des restes, il fait part d’informations selon lesquelles certaines municipalités auraient vendu du fuel extrait. « Pour nous, ces matières doivent être traitées au Liban, poursuit-il. Nous devrions demander aux pays donateurs de nous envoyer les machines nécessaires, comme celles utilisées pour le nettoyage du sable, au lieu d’envisager d’exporter ces restes à grands frais. » Il stigmatise enfin ce qu’il appelle « une mauvaise gestion de la crise, un chaos dans les adjudications et un recel d’informations de la part du ministère ».
De la tragédie de la marée noire, causée par le bombardement israélien de la centrale électrique de Jiyeh, en juillet dernier, est né un problème qui s’est éternisé après la fin des premières phases de nettoyage : le fuel et les déchets pollués de toutes sortes, collectés sur les différents sites, n’ont souvent pas été éliminés des plages où ils ont été...