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Actualités - REPORTAGE

Développement durable Syrie-Israël-Liban : « parc de la paix » et conflits sur l’eau

Par Georges J. NASR* L’armée libanaise est confrontée aujourd’hui à un défi existentiel, comme aux jours les plus sombres de notre histoire. Tandis que les pages des quotidiens libanais s’emplissent de spéculations militaires et de polémiques stériles, les experts israéliens et syriens, quant à eux, discutent tranquillement d’un éventuel accord de paix. Dès janvier 2007, les médias rapportaient des « progrès » sur la voie israélo-syrienne, quand l’homme d’affaires syro-américain Ibrahim Suleyman a annoncé devant le comité des Affaires étrangères et de Défense de la Knesset qu’un accord pourrait être atteint « dans un délai de 6 mois », en fonction d’un « non-paper » préétabli. Bien avant le début des négociations, les lignes générales d’un accord acceptable furent tracées par les planificateurs israéliens vers la fin des années 80, dans le but de permettre à Israël de consolider légalement les gains considérables obtenus par la force des armes en 1967. En effet, l’État d’Israël demeure vulnérable, du fait que près de 70 % de ses ressources hydrauliques dépendent de sources se trouvant en dehors du « territoire de 1948 », en Cisjordanie, au Golan et au Liban. De tels « territoires hydrostratégiques » sont d’un intérêt évident pour la politique israélienne, et des analystes tels que Ze’ev Schiff avaient déjà averti qu’en l’absence de coopération pour résoudre « le problème de l’eau », il serait « nécessaire pour Israël de faire tout pour sauvegarder l’accès aux ressources ». L’urgence s’est fait particulièrement sentir en 1990, du fait même que le processus de Madrid/Olso devait reposer sur le principe « terre contre paix ». Il ne restait donc plus aux planificateurs israéliens qu’à déterminer les territoires que leur pays pouvait restituer sans pour autant compromettre l’approvisionnement en eau. L’étendue exacte de ces « territoires hydrostratégiques » fut clairement établie en 1991, dans un rapport technique élaboré en collaboration avec Tsahal par Joshua Schwarz et Aaron Zohar, chercheurs au Centre Jaffee d’études stratégiques de l’Université de Tel Aviv. Dans ce qui devint le rapport « Schwarz-Zohar » ou « Tsahal-Jaffee », les chercheurs on clairement délimité des « lignes de retrait » dans le Haut Jourdain et en Cisjordanie. Le fameux « non-paper », annoncé avec éclat en janvier 2007, n’est donc pas nouveau. Une première version du texte avait été en effet publiée dans Haaretz, le 29 août 2004, et il semble avoir été peu modifié depuis. Un fait remarquable ressort de cet accord : les dispositions d’un « parc » destiné « à l’usage commun des Israéliens et des Syriens », et qui constituent plus de 30 % du texte. Ce « parc de la paix » couvrirait ainsi « une majeure partie du Golan », de façon à garantir aux Israéliens l’accès à l’eau du Golan dans l’éventualité d’un retour du territoire à la Syrie. Les dispositions garantiraient à Israël le « contrôle de la gestion et de l’utilisation des eaux », ainsi que le « libre accès au parc », sans besoin de permis syrien (article 6.1). En échange, les Syriens devraient obtenir un « visa » journalier qui ne leur permettrait pas toutefois de passer la nuit dans ce parc (article 6.2). Cet « intérêt pour l’écologie » n’est pas nouveau ; une proposition de création d’une « réserve naturelle » dans la vallée du Jourdain est apparue en 2002, dans « Rapport n°4 sur le Moyen-Orient » du International Crisis Group. La réserve en question retrace le « territoire hydrostratégique » défini par l’étude « Schwarz-Zohar ». De plus, l’accord proposé établit clairement qu’Israël garderait « le contrôle et l’utilisation des eaux du Haut Jourdain et du lac Tibériade » (article 5.1), et interdit à la Syrie d’entreprendre quoi que ce soit qui puisse « interrompre ou bloquer l’écoulement normal des eaux » (article 5.2). Quoi qu’il en soit, à part les questions de souveraineté syrienne, les parties concernées ont occulté certains faits régionaux. En effet, la rivière Hasbani fait partie de ce « Haut Jourdain » dont discuteraient Syriens et Israéliens. De plus, le territoire du « parc de la paix » incorporerait aussi Ghajar et 20 % des fermes de Chebaa. Et finalement, les parties négligent de prendre en compte la géographie syrienne. Privés de l’eau du Golan, les Syriens devront compter de plus en plus sur le Yarmouk, ce qui priverait la Jordanie d’une ressource dont elle ne peut se passer. Les deux parties passent outre des faits établis. Des faits bien têtus. * Professeur de génie civil à l’Université libanaise, chercheur sur le développement durable et auteur d’un livre à paraître sur l’hydropolitique au Proche-Orient.
Par Georges J. NASR*

L’armée libanaise est confrontée aujourd’hui à un défi existentiel, comme aux jours les plus sombres de notre histoire. Tandis que les pages des quotidiens libanais s’emplissent de spéculations militaires et de polémiques stériles, les experts israéliens et syriens, quant à eux, discutent tranquillement d’un éventuel accord de paix.
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