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Actualités - OPINION

Identité libanaise

Il est désolant de voir de plus en plus de personnes, probablement démoralisées par la crise politique actuelle, afficher un antipatriotisme affligeant, allant parfois jusqu’à remettre en question l’existence même d’une identité nationale. Ainsi, certains affirment que le Liban est une invention artificielle datant de 1920. Ce qui est encore plus désolant que le manque de documentation historique des gens qui affirment cela, c’est leur incapacité ou leur refus de voir une réalité qui est pourtant flagrante : il existe indiscutablement des traits caractéristiques bien propres à notre peuple, qui justifient naturellement la présence d’une frontière entre le Liban et son entourage. Cela se ressent intuitivement, et c’est pour cette raison sans doute que la plupart des puissances qui ont annexé cette région ont senti le besoin de la doter d’une administration propre (les émirats Maan, Chehab, les « caïmacamiats », la « moutassarrifiya », etc.). La synthèse de l’histoire de ce pays prouve, sinon la magnificence de la civilisation qu’il a hébergée, à tout le moins l’identité propre de celle-ci. Depuis les temps les plus reculés a existé sur ces côtes une civilisation brillante à plusieurs niveaux. Nous étions presque l’équivalent d’une Grèce, d’une Égypte ou d’une Rome antique ; peut-être pas militairement, mais l’apport, notamment culturel, de nos ancêtres au monde est inestimable. En commençant par la distinction astucieuse entre voyelles et consonnes qui avait créé le fameux alphabet de 22 signes, la propagation du commerce et de la culture à travers la Méditerranée (voire l’océan Atlantique), le perfectionnement de la science de la navigation, la création de plusieurs comptoirs dont plus tard Carthage la grande rivale de Rome, etc., les exploits abondent et nous n’en sommes qu’à 3000 ou 4000 ans de notre ère… Le reste de notre histoire n’en est pas moins brillant. Il suffit de creuser dans le sol de Beyrouth, ou de n’importe quelle autre ville de la côte pour tomber sur des temples, des écoles de droit, des tracés urbains, des vestiges culturels uniques. Je suis loin d’être passéiste et je préfère regarder l’avenir, mais n’est-ce pas là un repère identitaire marquant ? Il n’est pas ridicule de se prétendre l’héritier des Phéniciens ; c’est simplement la vérité. Nos arrière-arrière-grands-pères n’ont pas subitement disparu d’un jour à l’autre ; ils se sont mélangés à de nouveaux venus, ils ont appris de nouvelles cultures, de nouvelles langues, et se sont convertis à de nouvelles religions, mais leurs gènes sont toujours là et nous les portons. Est-ce une coïncidence si nous sommes tellement doués pour les langues, bons commerçants et communicatifs lorsque nos ancêtres sont phéniciens ? Une des raisons de cette confusion est à mon avis le brouhaha communautaire qui a associé à tort la notion de phénicien aux chrétiens, par opposition à celle d’« arabe », conventionnellement musulmane. Discuter de la question de savoir si le Liban est arabe ou pas revient à discuter du sexe des anges : le terme « arabe » lui-même est flou, et il est impossible de répondre à cette question. L’important, c’est de regarder au-delà des communautés religieuses, d’avoir une véritable vue d’ensemble des choses : l’histoire du Liban ne commence pas avec les conquêtes de l’islam, pas plus qu’elle ne commence avec la naissance de Jésus-Christ. Elle commence bien avant... Le but de cet article n’est pas de susciter une fierté fasciste ou prétendre que notre civilisation est la plus belle du monde, mais d’encourager nos compatriotes, toutes religions confondues, à avoir une vision un peu plus historique et géographique et un peu moins communautaire de leur pays. Et surtout de lui reconnaître une identité propre : en effet, nous ne sommes pas une province syrienne (pas plus qu’un protectorat occidental), nous ne l’avons jamais été. Nous sommes une entité clairement et indiscutablement définie dont le nom, plus vieux que la Bible, ne disparaîtra pas sans raison. Maroun RACHED Architecte

Il est désolant de voir de plus en plus de personnes, probablement démoralisées par la crise politique actuelle, afficher un antipatriotisme affligeant, allant parfois jusqu’à remettre en question l’existence même d’une identité nationale. Ainsi, certains affirment que le Liban est une invention artificielle datant de 1920. Ce qui est encore plus désolant que le manque...