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Actualités - OPINION

Quatre secrets et un silence

Tout est dans tout. Et réciproquement. Ce qui paraît plutôt lourd, côté bilan de remariage. Parce que s’il fallait passer en revue toutes les joyeusetés nées de l’immense bonheur de la prorogation, début septembre 2004, on n’en aurait pas fini avant la Chandeleur. Tenons-nous en donc à quelques bizarreries du temps présent. Plus exactement, sourirait Hugh Grant, à ces quatre secrets et un silence. – Secret de Polichinelle : il faut le lui reconnaître. Pour une fois constitutionnellement correct, le P.P. (Président Prorogé) reste pratiquement le seul à toujours marteler le rejet absolu de l’implantation. Et, probablement, l’un des rares sincères à ce propos. Les Libanais, les Palestiniens, unanimes ? On sait ce que cela vaut en réalité, chez les uns et les autres. Pour ne pas aller loin, il suffit de citer pour les uns les résolutions du comité national de dialogue. Et pour les autres, les accords de La Mecque. On connaît bien également ce paradoxe : l’élément démographique joue, d’une manière inversée, contre le droit de retour. Localement, pour faire contrepoids à l’explosion numérique d’une communauté déterminée. Et, là-bas, parce qu’Israël ne veut pas d’une surcharge pondérale sur ses flancs. La Jordanie pour sa part est déjà surbondée. Tandis que l’État palestinien virtuel ne saurait où caser, ni comment nourrir, les revenants potentiels. Ce qui explique que le père fondateur, Arafat, ait accepté de faire passer à la trappe, dans les accords d’Oslo comme par la suite, ce dossier pourtant crucial. Quant à la Syrie, qui abrite moins de réfugiés que son petit voisin, elle n’aurait aucun intérêt à voir se détacher, une fois revenues au pays originel, ces organisations palestiniennes radicales, progressistes, placées sous son emprise. Un parfait instrument de pression régionale, tant sur l’Autorité que sur l’État hébreu, les Occidentaux ou le quartette. Alors, l’implantation, un fait accompli qui ne veut pas dire son nom ? Et que les Canadiens, en charge de ce volet des multilatérales, proposent d’aménager par quelques ponctions sur le total enregistré de quelque 400 000 que l’on réduirait de plus de la moitié, en organisant des transferts vers le Golfe, l’Europe, le Canada ou l’Océanie. Et par de substantielles indemnités. Non seulement à l’hôte libanais, mais également à tous les Palestiniens qui voudraient bien rester sur place. Va-t-on revenir à ce plan ? Il faut espérer que non. Sans se contenter de littérature. En agissant. Et pour ce faire, il faut un instrument précis. Un département polyvalent (diplomates, sécuritaires, chercheurs de toutes spécialités). Il est du reste un peu étonnant que sur un problème aussi important, aussi vital ou mortel, pointé du doigt dans le prologue même de notre Constitution, l’on n’y ait pas encore pensé. Fateh el-Islam – Secret d’État : ou plutôt, services secrets. D’où énigme. Une énigme qui a pour nom Fateh el-Islam. L’unique produit au monde sui generis. Tout le monde s’en lave les mains. Personne ne la connaît ou ne la reconnaît. Ce qui est commode pour soutenir diverses sortes d’accusations, sensées ou farfelues. Le sayyed subodore ainsi une machination américaine diabolique. Visant à transposer au Liban, pour soulager les forces US en Irak, la guerre contre el-Qaëda, dont Fateh el-Islam serait un succédané. En face, dans le camp de la majorité, comme du côté de Abdel-Halim Khaddam, on ne se contente pas de vagues supputations, pour attribuer la paternité de la cellule terroriste aux services secrets syriens. On retrace le parcours de Chaker Absi. Jordanien d’origine palestinienne, recherché par Amman pour l’assassinat d’un Américain, il a été emprisonné par les Syriens. Qui, refusant de l’extrader, l’ont relaxé. Après quoi, il s’est confortablement installé en plein cœur de la sphère d’influence syrienne, dans le camp quasi frontalier de Nahr el-Bared. Si l’on ajoute ces Jound el-Cham qui portent bien leur nom, cela fait deux letal weapons aux mains de qui sait, ou de qui peut, s’en servir. Armes d’autant plus redoutables qu’elles sont remarquablement up to date. Car découlant d’un phénomène Qaëda d’un fondamentalisme islamiste absolument terroriste. Dont la principale caractéristique, ou force, est qu’il s’avère redoutablement contagieux. Sa prodigieuse motricité étant la résultante d’innombrables facteurs. Les conditions sociales, l’attrait d’une culture de violence et de mort, le syndrome de Massada, les résidus d’une pensée révolutionnaire nasséro-marxiste, la hantise d’abattre le Goliath siamois USA-Israël, le prestige de Ben Laden, le fanatisme aveugle etc. Puis, en l’occurrence et surtout, la manipulation, l’instrumentalisation. Pour attaquer, contre-attaquer, défendre ses intérêts ou les acquis de son pouvoir. Coutume indéracinable des régimes régionaux, même modérés, et de leurs services secrets. Un peu paradoxalement, c’est cet élément qui atténue la nocivité de Fateh el-Islam. Identifiée par les Palestiniens, même s’ils ne le déclarent pas, comme une pièce rapportée syrienne, l’organisation n’est pas en mesure de s’affirmer effectivement comme un contingent destiné à défendre la cause. Pas plus d’ailleurs que sa génitrice présumée, el-Qaëda, qui a tenté récemment une reconversion, vers le conflit central, de ses thèses de lutte contre ce qu’elle appelle les Croisés. Et qui a apparemment échoué, se faisant sévèrement critiquer par toutes les fractions palestiniennes, Hamas compris, pour son premier exploit en Terre sainte : le rapt d’un inoffensif journaliste britannique. Mais, répétons-le, le principal danger d’une association fantôme de criminels comme Fateh el-Islam est l’exemple contagieux, les idées qu’elle peut donner à des jeunes. Arabes, Palestiniens ou Libanais. Délai – Secret de confession : le leader, bien entendu religieux, du parti de Dieu, ne veut révéler les amendements à personne. Ni à Khoja, ni même aux Syriens. Qui, d’ailleurs, ne sont pas censés en être curieux, puisqu’ils affirment n’être pas concernés par leur bête noire, le tribunal. Étrange mystère, pour user d’un pléonasme aussi courant que le rêve étrange et pénétrant de Baudelaire. Comment retoucher le statut, si on ne sait pas dans quel sens ? Donnez-moi le tiers de blocage dans un cabinet d’union, et je vous dirais comment, répond en substance le sayyed. Tout en avouant, dans son avant-dernier discours, que la question ministérielle est caduque, qu’il est trop tard, à quatre mois de la présidentielle, pour la régler. Alors, pourquoi ne pas cracher le morceau ? Va savoir. Et puis, bof, on n’en est pas à une contradiction près du côté des prosyriens. En tout cas, grâce à la Russie, ils ont une dernière chance, jusqu’au 10 juin, pour se rattraper, en tant que Libanais. Épris, sinon repris, de justice. Pouvoir occulte – Secret professionnel : sondé sur ses intentions, lors d’une apparition sur une chaîne arabe, M. Émile Lahoud soutient qu’avant de partir il agira en conscience et conformément à la Constitution. Mais que compte-il faire au juste ? Au journaliste qui relève que cette même Constitution, issue de Taëf, le ligote et ne lui donne pratiquement aucun pouvoir, il répond qu’on verra bien en temps voulu. En refusant obstinément de dévoiler quoi que ce soit de ses intentions, même à titre d’hypothèse. Former un deuxième gouvernement ? La Constitution ne lui en reconnaît pas le droit. Que pourra-t-il donc inventer ? Mystère et boule de gomme. Mais on peut lui faire confiance pour faire dire au texte ce qu’il ne dit pas. Comme on le voit bien d’ailleurs lorsqu’il décrète, urbi et orbi, sans aucune prérogative de jugement, que le cabinet Siniora est illégitime. Et anticonstitutionnel ! Prévention – Le Silence des Agneaux : destinés à l’abattoir. Mieux vaut donc qu’ils ne bêlent pas trop, qu’ils la bouclent, pour ne pas se faire repérer. Théorie que défend Ahmad Fatfat. Sur le point de savoir pourquoi le 14 Mars n’abat pas ses cartes, au sujet de son candidat à la présidentielle, le ministre répond, en substance et en s’exclamant : « Le désigner, c’est le condamner à mort ! » Réflexion impertinente d’une pertinence totale, en regard du douloureux précédent du président René Moawad. Mais, en même temps, on s’angoisse : la condamnation à mort, dans cette même logique et suivant le même exemple, serait encore plus certaine si élection il devait y avoir. Sans aval du bourreau. Jean ISSA

Tout est dans tout. Et réciproquement. Ce qui paraît plutôt lourd, côté bilan de remariage. Parce que s’il fallait passer en revue toutes les joyeusetés nées de l’immense bonheur de la prorogation, début septembre 2004, on n’en aurait pas fini avant la Chandeleur. Tenons-nous en donc à quelques bizarreries du temps présent. Plus exactement, sourirait Hugh Grant, à ces quatre secrets et un silence.
– Secret de Polichinelle : il faut le lui reconnaître. Pour une fois constitutionnellement correct, le P.P. (Président Prorogé) reste pratiquement le seul à toujours marteler le rejet absolu de l’implantation. Et, probablement, l’un des rares sincères à ce propos. Les Libanais, les Palestiniens, unanimes ? On sait ce que cela vaut en réalité, chez les uns et les autres. Pour ne pas aller loin, il suffit de...