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Actualités - OPINION

LE POINT Jeux dangereux

Montrer ses muscles pour ne pas avoir à s’en servir : la tactique est vieille comme le monde. Mais afin que nul n’en ignore, un porte-parole du Pentagone (qui a requis l’anonymat, est-il besoin de le préciser ?) l’a aussitôt confirmé : « Bien sûr que cela n’annonce pas une guerre imminente. Simplement, nous cherchons à tester nos capacités. » Dans le but évident de servir la cause de la paix dans le monde et d’aider au bien-être des peuples, cela tout le monde l’avait compris. Pour un peu, le brave officier chargé de relayer la bonne parole aurait expliqué que trois porte-avions américains dans les eaux du Golfe, c’est pour la protection des bancs de corail. Pendant que l’on y est, on aurait pu annoncer à une opinion publique émue par de telles manifestations d’inhabituelle mansuétude que la marine US cherche essentiellement à protéger les boutres des pêcheurs de perles. Du Golfe à l’océan, on a dû pousser un sacré ouf de soulagement en prenant connaissance du communiqué de la Ve Flotte basée à Bahreïn. Il y est expliqué que le déploiement de ce qui a tout l’air d’une véritable armada n’est dirigé contre personne, qu’il n’est pas lié à la conjoncture régionale, enfin que les manœuvres à venir sont destinées à soutenir l’opération « Liberté de l’Irak ». Laquelle, à l’heure présente, a impérativement besoin d’un tel appui pour se maintenir à flot. C’est miracle si, depuis quelques heures, on n’enregistre pas des accidents navals tant est forte la concentration de bâtiments de guerre. Destroyers, croiseurs, frégates, sous-marins d’attaque ou d’escorte et ravitailleurs pour accompagner l’USS Nimitz, l’USS John C. Stennis et l’USS Bonhomme Richard, soit un total d’une centaine d’unités : tout cela donne le plus grand déploiement militaire depuis le déclenchement en Irak de l’opération « Shock and Awe ». Pour la parade, pour jouer à faire la guerre, pour impressionner l’ennemi ? L’ennui, c’est que l’Iran, lui, refuse de se laisser intimider et poursuit son bonhomme de chemin nucléaire, ainsi que le révélait hier même l’Agence internationale de l’énergie atomique. Au risque, à continuer ainsi de défier la communauté internationale, de s’attirer une nouvelle volée de sanctions qui ne feront – effet du principe de la solidarité interne – que… renforcer le régime des ayatollahs et accroître son aide aux voisins dont la géographie l’a malencontreusement doté : l’Afghanistan à l’est, l’Irak à l’ouest. Deux pays sérieusement déstabilisés depuis que les États-Unis ont décidé, dans un élan de générosité bien mal venu, de les sauver des serres du terrorisme international. L’épreuve de force se trouve mal engagée parce que les grandes capitales ont décidé de s’emparer du dossier de l’enrichissement d’uranium. Au point qu’aujourd’hui, elles se retrouvent devant une inquiétante alternative : accepter de coexister avec un pays possédant l’arme suprême ou bien se lancer dans une opération d’envergure destinée à détruire ses installations. Dans le premier cas de figure, cela reviendrait à donner le feu vert, à son corps défendant, à une gigantesque course à l’armement qui commencerait par certains États arabes et s’étendrait plus loin, jusqu’au sub-continent indien. À une telle perspective – peu réjouissante pour le protégé israélien de l’Oncle Sam – viendrait s’ajouter une extension au Proche-Orient de l’influence perse, déjà fort impressionnante. Ne dit-on pas que la guerre de juillet-août derniers entre le Liban et l’État hébreu avait été dictée (en partie seulement) par le désir de la République islamique de donner un aperçu de sa capacité de nuisance dans une partie du monde où une simple flammèche suffirait à mettre le feu aux poudres ? Et Ali Larijani a beau affirmer devant le forum économique mondial, à Shouneh, que l’intention prêtée à Ahmadinejad de rayer Israël de la carte est une invention de la presse occidentale, ils ne sont pas nombreux à Tel-Aviv à faire semblant de le croire. Un blitzkrieg US exécuté en solo – car aucun allié n’accepterait, dans les circonstances présentes, de suivre Washington dans une nouvelle aventure après l’échec patent de l’expédition irakienne – déboucherait immanquablement, en signe de riposte, sur un blocage du détroit d’Ormuz, un baril de pétrole à plus de 100 dollars, des attaques contre la toile d’araignée de pipelines tissée dans la région, enfin l’inéluctabilité d’un engagement terrestre, pour appuyer les bombardements aériens et maritimes, c’est-à-dire l’enlisement, encore un. D’une pichenette, le Centcom balaie ces perspectives comme autant de vues de l’esprit. On pourrait charitablement lui rappeler que la guerre du Vietnam avait éclaté après un incident monté de toutes pièces, en août 1964, par le Pentagone et la CIA, à l’instigation de l’Administration Johnson. C’était, coïncidence fortuite, dans un autre golfe, celui du Tonkin. Christian MERVILLE
Montrer ses muscles pour ne pas avoir à s’en servir : la tactique est vieille comme le monde. Mais afin que nul n’en ignore, un porte-parole du Pentagone (qui a requis l’anonymat, est-il besoin de le préciser ?) l’a aussitôt confirmé : « Bien sûr que cela n’annonce pas une guerre imminente. Simplement, nous cherchons à tester nos capacités. » Dans le but évident de...