Je n’ai aucune distinction, aucune élégance. Mais je suis très utile. Autrefois, j’appartenais au vieux Sébastien. Lorsque je l’ai connu, il était jeune et se levait chaque jour à l’aube pour labourer ses champs. Les journées du paysan sont longues… J’ai senti chaque jour la sueur perler sur son front, j’ai été témoin de l’apparition de ses rides. J’ai fait les...
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le 23 mai 2007 à 00h00
Je n’ai aucune distinction, aucune élégance. Mais je suis très utile. Autrefois, j’appartenais au vieux Sébastien. Lorsque je l’ai connu, il était jeune et se levait chaque jour à l’aube pour labourer ses champs. Les journées du paysan sont longues… J’ai senti chaque jour la sueur perler sur son front, j’ai été témoin de l’apparition de ses rides. J’ai fait les semailles et les moissons, la cueillette des arbres fruitiers et la traite des vaches…
Je suis un modèle standard et pas cher du tout. J’ai été acheté, paraît-il, pour une bouchée de pain. En vérité, je suis aussi indispensable que le pain quotidien. C’est bien pour cette raison que le vieux Sébastien m’a gardé trente ans. Et c’est parce qu’il s’est attaché à moi qu’il ne m’a jamais remplacé : nous avons vieilli ensemble. Lorsque je ne couvrais pas ses cheveux blancs, je me reposais sur le pommeau du portemanteau.
Je me souviens du soir qui a changé ma vie… Il était vingt heures et j’avais eu une dure journée… J’ai entendu des pas dans l’entrée. C’était Antoine, le fils du vieux. Il venait annoncer à son père qu’il avait renoncé à ses études d’ingénieur et rejoint une troupe ; il était désormais clown blanc dans un cirque.
Les bras croisés, le vieux Sébastien l’a écouté lui raconter sa nouvelle vie de troubadour : malgré l’enthousiasme d’Antoine, il n’a fait aucun effort pour lui cacher sa déception. En partant, le fils lui a pris son vieux chapeau de paille pour compléter son costume de clown.
C’est ainsi que j’ai quitté le vieux Sébastien pour vivre une nouvelle vie et une belle aventure.
Je me suis fait des amis très sympathiques : la salopette bien trop large, les chaussures bien trop grandes, la fraise blanche d’Antoine et, bien sûr, sa perruque rouge et frisée.
Antoine mesure un mètre quatre-vingt ; je suis donc très bien placé pour voir les sourires et les yeux émerveillés des enfants. Je salue bien bas lorsqu’ils applaudissent. Et dans l’assistance, je peux aussi voir des mères et des grands-mères coiffées de chapeaux très élégants flanqués de roses, de fleurs de toutes sortes, de nœuds ou de rubans… Un jour, j’ai même retrouvé un cousin sur la tête d’un gamin en culotte courte qui portait un petit canotier. Ils sont tous plus beaux, plus jeunes et en meilleur état que moi. Mais je suis celui que tout le monde regarde : je suis applaudi sur les places et sous les chapiteaux.
Lamia EL-SAAD
Je n’ai aucune distinction, aucune élégance. Mais je suis très utile. Autrefois, j’appartenais au vieux Sébastien. Lorsque je l’ai connu, il était jeune et se levait chaque jour à l’aube pour labourer ses champs. Les journées du paysan sont longues… J’ai senti chaque jour la sueur perler sur son front, j’ai été témoin de l’apparition de ses rides. J’ai fait les...
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