CIMAISES Des dessins inédits de Bonnard exposés à Marseille

Travaux préparatoires, affiches, projets de mobilier ou abécédaire, le Musée Cantini de Marseille présente quelque 160 dessins, pour la plupart inédits, du peintre Pierre Bonnard (1867-1947) dans le cadre de sa nouvelle exposition temporaire. Si le talent de peintre de Bonnard est mondialement connu, son œuvre graphique, longtemps bloquée par des querelles de succession, est, quant à elle, beaucoup plus confidentielle. « Il faut attendre les années 80 pour que le Metropolitan Museum de New York fasse une exposition des dessins de Bonnard, et seulement sur sa période Nabi. C’est pourtant pour lui un moyen d’expression très important. Pour Bonnard, le dessin est dans la sensation alors que les couleurs sont dans le raisonnement », explique à l’AFP Véronique Serrano, commissaire de l’exposition. « C’est chez lui une technique à part entière, il dessinera toute sa vie. Au début, sur n’importe quelle surface, des papiers épars, puis il utilisera des carnets qui le suivront partout », poursuit-elle. Grâce aux dessins fournis par un collectionneur privé qui a souhaité rester anonyme, le Musée Cantini présente les œuvres graphiques de Bonnard à travers différents thèmes, à commencer par sa période Nabi, à la fin des années 1880. Sous l’influence de Gauguin mais surtout des estampes japonaises, Bonnard et ses amis explorent une nouvelle mise en page et un nouveau graphisme, avec des personnages de dos, parfois juste des silhouettes au cadrage décalé. C’est par l’affiche qu’il connaît son premier succès d’artiste, avec une publicité pour « France Champagne » qui s’étale en 1891 sur tous les murs de Paris. Cet art intéressera vivement Toulouse-Lautrec qui ira voir Bonnard et concourra avec lui pour une affiche du Moulin Rouge, comme le montre le projet de Bonnard exposé au Musée Cantini. C’est Toulouse-Lautrec qui sera choisi... Pour Pierre Bonnard, le dessin est également le moyen de raconter son environnement familial, très présent dans son œuvre, à travers des scènes d’enfance ou de maternité. En témoignent ces quelques planches d’un « abécédaire sentimental » commandé par un éditeur (A pour amitié, B pour bouderie, etc.) ou encore des partitions musicales illustrées pour le compte de son beau-frère compositeur. Très lié aux artistes et intellectuels de son temps, Bonnard dessinera également de nombreuses illustrations pour des romans (Gide, Jules Renard, Octave Mirbeau), des affiches d’expositions ou des programmes de théâtre. Dans ses dessins personnels revient fréquemment le thème de la fenêtre, représentation symbolique du rapport entre regard intérieur et extérieur, qui le rapproche de Matisse, dont il possédait La fenêtre à Collioure, et avec lequel il a entretenu une correspondance soutenue. De nombreux dessins montrent ainsi des fenêtres ouvrant sur des paysages de son univers quotidien, d’abord en Normandie puis sur la Côte d’Azur. L’exposition se conclut sur la figure de Marthe, son sujet féminin quasi exclusif avec lequel il partagea sa vie et qui lui inspira les nombreux nus ayant fait sa célébrité.