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Actualités - CHRONOLOGIE

CONCERT - À l’auditorium Aboukhater (USJ) Comme un hommage à Rostropovitch…

Depuis la mort de Slava, il n’y a pas encore très longtemps, le violoncelle est bien en deuil… Et chez les musiciens, paradoxalement, le deuil ne se manifeste pas par le silence, mais par la musique. Extrême courtoisie pour un langage érigé en un monde parallèle, un mode de vie, une discipline inflexible. En hommage à celui qui avait un coup d’archet unique au violoncelle, en souvenir de celui qui avait le sens de l’amitié (intouchables à ses yeux, Soljenitsyne et Sakharov), le goût de la littérature (de Tolstoï à Pasternak, l’âme russe n’avait pas de secret pour lui) et celui du piano (il accompagnait volontiers, en toute modestie et amour, sa cantatrice de femme Galia pour certains de ses tours de chant), le concert organisé à l’auditorium Aboukhater (USJ) par le Conservatoire national supérieur de musique n’est pas sans rappeler, on l’aura compris, le souvenir du prodigieux et irremplaçable Mstislav Rostropovitch… Sur scène, deux jeunes femmes vêtues de noir. Un duo de violoncelle et de piano avec Anastasia Yarseva et Janna Popkova. Un menu simple mais fermement trié sur le volet pour une plus grande efficacité d’éloquence. Des pages de Kodaly, Valentini et Beethoven, pour faire passer toutes les inflexions, les ressources, les richesses sonores et les modulations d’un instrument qui parle de liberté et de rêves incoercibles quand s’écroule le mur de Berlin… La musique contre l’arbitraire des prisons en pierre, les dictatures et les tyrannies, voilà une belle revanche. C’est dans cette optique de vibrant hommage que peut être perçue l’interprétation en solo d’Anastasia Yarseva, en ouverture, d’une Sonate pour violoncelle (op 8, premier mouvement) du Hongrois Zoltan Kodaly. À la manière de Bela Bartok qui ne laisse guère à l’ombre l’essence du folklore, Kodaly l’assimile en toute subtilité et intrépidité à une narration véhémente où les états d’âme du compositeur transparaissent aussi généreusement en filigrane. Des trémolos allant de la tristesse aux accents bondissants de la joie, des paysages verdoyants perçus aux orages coléreux qui hantent l’azur, le violoncelle traduit admirablement une « intériorité » frémissante où les tonalités modernes ont des résonances particulièrement séduisantes. Pour prendre le relais, retour à l’époque baroque avec Guiseppe Valentini où quatre mouvements (grave, allegro, allegro tempo di gavotto et allegro) font alterner toutes les nuances d’une Sonate en mi majeur pour violoncelle et piano. Sonorités à la fois douces et délicates pour une ronde de notes où la notion de danse de l’époque est loin d’être exclue. Mais aussi rêveries feutrées avec des éclats surtout vifs pour le violoncelle dont l’éloquence semble intarissable et domine de bien loin les accords tout en teintes plutôt timides du clavier. Pour terminer, une Sonate (op 69 en la majeur), toujours pour violoncelle, du maître de Bonn. Esprit éminemment romantique pour Beethoven dans cette longue narration, avec ses quatre mouvements alliant fougue et impétuosité sur un ton souvent « cantabile ». Mais il est vrai que le violoncelle n’a pas toujours été à la hauteur d’une partition ardue, notamment dans cet allegro tout en passages périlleux. La barre est toutefois vite redressée et le dialogue reprend avec une imperturbable vivacité entre mélodies et lumineux chromatismes des cordes souvent lâchées à bride abattue. Cinquante minutes de musique, sans interruption, si ce ne sont les applaudissements d’un public enthousiaste et relativement nombreux. Grande gerbe de fleurs aux deux artistes qui tirent gracieusement leur révérence, avec le sourire. Edgar DAVIDIAN

Depuis la mort de Slava, il n’y a pas encore très longtemps, le violoncelle est bien en deuil… Et chez les musiciens, paradoxalement, le deuil ne se manifeste pas par le silence, mais par la musique. Extrême courtoisie pour un langage érigé en un monde parallèle, un mode de vie, une discipline inflexible. En hommage à celui qui avait un coup d’archet unique au...