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Actualités - REPORTAGE

Cette marque de sacs collabore avec les détenues depuis 7 ans déjà Sarah’s Bag et les prisonnières de Baabda et Tripoli, une expérience artistique et humaine

Créer des sacs ultratendance en employant des détenues dans les prisons libanaises, tel est le pari relevé par Sarah’s Bag. Située aux abords de Gemmayzé, la boutique-atelier des deux amies, Sarah et Sarah, est établie dans une vieille demeure de caractère. Des modèles jeunes, frais, mais aussi plus sophistiqués, plus précieux, pouvant être portés le soir ou lors de grandes occasions mondaines, y sont exposés. Pour la petite histoire, la collaboration de Sarah’s Bag avec les femmes détenues dans les prisons de Baabda et de Tripoli a commencé « complètement par hasard ». C’est en effet par l’intermédiaire de l’association Dar el-Amal et des assistantes sociales que le travail est désormais réparti entre les prisonnières. Au début, les deux amies se rendaient en personne dans les prisons pour choisir leurs collaboratrices. Aujourd’hui, Sarah Beydoun se rend à la prison de Baabda deux fois par semaine pour faire parvenir à Dar el-Amal les nouveaux modèles à concevoir. À ce sujet, Sarah Beydoun explique : « On travaille avec toutes les prisonnières, mais pas toutes continuent à fabriquer des sacs après être sorties de prison. Seules celles qui prennent conscience de l’importance de ce travail et qui veulent réellement continuer dans cette voie poursuivent leur collaboration. En général, celles qui sont douées restent. » Sarah’s Bag fêtera cette année son septième anniversaire, une fête qui célèbre le succès de ses sacs dans le monde arabe, « notamment à cause de leur touche orientale, mais en même temps résolument moderne. Les femmes arabes cherchent l’originalité et, en portant un sac estampillé Sarah’s Bag, elles sont sûres d’avoir un modèle artisanal unique », contrairement au flot de sacs de marques qui envahissent constamment le marché arabe, précise Sarah Beydoun. Des sacs sur lesquels on peut voir des danseuses orientales, ou des mots en calligraphie arabe brodés, ou encore sur lesquels on peut voir la célèbre chanteuse égyptienne Oum Kalsoum. La reine Rania de Jordanie a été vue portant un sac Sarah’s Bag, à la grande satisfaction des deux jeunes créatrices. En Jordanie donc, mais aussi en Égypte, en Arabie saoudite, à Bahreïn ou à Dubaï, les sacs des deux amies commencent à être connus et très prisés. Le témoignage d’une ex-détenue L’Orient-Le Jour a tenté d’entrer en contact avec d’anciennes prisonnières ayant apporté leur collaboration à l’expérience Sarah’s Bag, mais la plupart ont purement et simplement refusé de donner leur témoignage, même sous couvert d’anonymat. Certaines ont expliqué ce refus par le fait qu’elles ne voulaient pas se remémorer une expérience qui a été très traumatisante pour elles, même si aujourd’hui elles sont hors de prison. Seule une femme a accepté de témoigner sans dévoiler son identité. Elle a fait la connaissance de Sarah en prison, lorsque celle-ci s’était rendue à celle de Baabda pour proposer aux détenues de collaborer avec elle dans la confection de sacs à main. « Pour moi, Sarah a été synonyme d’espoir et d’avenir », même si cette ancienne détenue confie avoir « hésité au début » ne sachant ni coudre ni broder. « J’ai commencé petit à petit et j’ai découvert un art et un métier que j’exerçais de tout mon cœur. Avant, j’étais professeur de lettres arabes, mais aujourd’hui je fais quelque chose qui me passionne » explique-t-elle, soulignant que « Sarah était formidable dès le début et m’a fait sentir que je pouvais lui faire confiance. J’ai repris confiance en moi, mais aussi je me suis affirmée par rapport à la société. » Elle explique que la vie en prison a été très dure et que dans la cellule où elle était incarcérée, elles étaient plus de 18 femmes pour un seul lit. « La société ne comprend pas que quelquefois les circonstances font que l’on se retrouve du mauvais côté de la vie, une fois que l’on a été en prison, on est marqué à vie et c’est comme si on était devenu quelqu’un de mauvais, qui est incapable de changer. Quand on sort de prison, tout le monde sait qu’on y a été et il devient alors quasi impossible de trouver du travail » affirme cette femme. Elle souligne que ses parents montaient la voir à la prison de Baabda très souvent et lui apportaient ce dont elle avait besoin, et insiste pour dire qu’elle a été incarcérée à cause d’une machination dont elle a été la victime : « On m’a fait signer certains papiers que je ne devais pas signer, mais je ne le savais pas à l’époque. Puis les responsables ont pris la fuite, ils ont voyagé et j’ai été traduite en justice. Aujourd’hui je suis blindée contre ce genre de choses, je sais qu’il ne faut pas faire confiance à n’importe qui. » Aujourd’hui, cette ancienne prisonnière travaille à la maison et choisit ses horaires ; elle fait la grasse matinée et travaille jusque tard dans la nuit. Elle a même formé d’autres dames et leur a enseigné les techniques de confection. Elle regrette néanmoins qu’une ancienne camarade d’infortune ait refusé de poursuivre l’aventure avec Sarah à sa sortie de prison : « Je lui ai dit de rester, mais elle voulait à tout prix trouver du travail par elle-même, or un an plus tard elle est toujours au chômage. » Cette femme aime à préciser qu’aujourd’hui, grâce aux sacs qu’elle confectionne, elle revit dans la dignité et a retrouvé une place au sein de la société. Lélia MEZHER

Créer des sacs ultratendance en employant des détenues dans les prisons libanaises, tel est le pari relevé par Sarah’s Bag.
Située aux abords de Gemmayzé, la boutique-atelier des deux amies, Sarah et Sarah, est établie dans une vieille demeure de caractère.
Des modèles jeunes, frais, mais aussi plus sophistiqués, plus précieux, pouvant être portés le soir ou lors de...