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Actualités - OPINION

Qu’est-ce qu’une nation ?

La période électorale française a donné cours à une forte mobilisation sur les thèmes d’identité nationale et de nation prenant à la fois une valeur affective, si ce n’est polémique, mais aussi symbolique. Loin de se présenter comme un ensemble de données acquises spontanément, ces concepts spéculatifs et opératifs ne cessent de nous interroger. Le concept de nation ne possède pas et n’a jamais possédé de définition à la fois stable, unanime et intemporelle. Il a été au contraire défini et redéfini en différents lieux et époques selon des critères très variables (historiques, sociologiques, politiques, identitaires, mythologiques…). Il est même arrivé qu’une définition de la nation soit absente au sein même d’une nation bien réelle mais non intellectualisée, mais aussi qu’elle soit utilisée idéologiquement là où elle n’existait pas physiquement. Notre première thèse est qu’une nation n’existe pas par elle-même, en soi. Elle pourrait fort bien exister tout autrement ou ne point exister du tout. Elle n’est ni nécessaire ni objective, extérieure aux citoyens, mais constitue plutôt un idéal type, une réalité construite par des consciences subjectives. Le préalable à l’existence d’une nation est constitué par la jonction d’une terre, qui sera transformée en territoire normé, et d’une population, qui sera édifiée en peuple (avec ses gammes de variations et de mélanges dans le temps comme dans l’espace). Deux cas de figure peuvent au moins se présenter à nous. Ce peuple peut être institué par un pouvoir (une tribu, une communauté, un État…) ou indépendamment de ce dernier. Dans le premier cas, que je définirai par « hétéro-désignation », si le peuple est créé et défini par un type de pouvoir, la population concernée n’existera en tant que peuple, que ce soit sous l’effet de nécessités, contraintes, soumissions… qu’encadrée par des normes politico-juridiques bien définies. On lui dit ou impose qu’il est un peuple avec des critères propres. Il n’a pas le choix, ni voix au chapitre, c’est un fait indiscutable. Dans le second cas, que je nommerai « autodésignation », des populations se constitueront en peuple dans la mesure où il se trouvera un ensemble d’individus conscients de former un peuple spécifique, selon un ensemble de critères arbitraires particuliers (langues, religions, histoires, mythes...) et qui pourront, le cas échéant, créer un État ou une nation-État (de citoyens). Le choix sera interne à une population donnée, sans apport directif d’un pouvoir extérieur à la communauté des individus. Le facteur de cohésion se trouve être une conscience commune d’appartenance. Cette conscience, nationale, n’est donc pas la conséquence de la réalité d’un peuple, mais la cause de son existence. Notre seconde thèse est que cette conscience précédera la formation du peuple. C’est cette conscience collective qui fera un peuple ou une nation et non le peuple la conscience. Une nation n’existera, dans ce second cas de figure, que quand il se présentera un groupe d’acteurs qui partageront la conscience de former un peuple. Si cette conscience venait à disparaître, alors c’est le peuple ou la nation qui viendrait à s’évanouir dans la nature, car leurs existences ne reposent sur aucune donnée objective. En cela, cette position s’oppose aux tenants de la nation organiciste, essentialiste, qui voient la nation liée à une lignée inaltérable, à une ethnie homogène, une race pure, une identité fixe, un héritage impérissable, où la nation deviendrait une sorte de donnée naturelle transhistorique à préserver de toute altérité. Notre troisième et dernière thèse est qu’à l’heure où nous pouvons recenser les dégâts historiques des nations frileuses, exclusives, repliées sur elles-mêmes, belliqueuses, et ceux des nations exterminatrices, terroristes, expansionnistes, impérialistes, colonisatrices, peut-être pourrions-nous repenser l’âge des nations collectives solidaires, l’inter-nations, celui des nations ouvertes, plurielles, laïques et démocratiques, où l’idéal de Liberté-Égalité-Fraternité des Lumières reprendrait force et vigueur. Valérie RASPLUS Sociologue



La période électorale française a donné cours à une forte mobilisation sur les thèmes d’identité nationale et de nation prenant à la fois une valeur affective, si ce n’est polémique, mais aussi symbolique. Loin de se présenter comme un ensemble de données acquises spontanément, ces concepts spéculatifs et opératifs ne cessent de nous interroger.
Le concept...