Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Ré Soupault, des photographies renaissent de leur cendre à Berlin

Photographe, traductrice, créatrice de mode, élève du Bauhaus, l’école de création de l’avant-garde allemande dans les années vingt et trente, et épouse du surréaliste Philippe Soupault, l’insaisissable Ré Soupault (1901-1996) se livre à Berlin dans une rétrospective de son œuvre photographique, longtemps inconnue du public. Ré Soupault n’avait jamais imaginé que ses clichés, pris entre 1934 et 1952 en France, en Espagne, en Scandinavie, en Tunisie et en Allemagne, méritaient un autre sort que ses vieux cartons. En 1994, ils tapissaient les murs de l’institut Goethe à Paris et les critiques célébraient « la redécouverte du siècle » et « une pionnière de la photographie ». Cette gloire tardive, Ré la doit en partie à un admirateur, l’éditeur allemand Manfred Metzner (Wunderhorn) qui, depuis 1987, s’est efforcé de faire revivre l’œuvre oubliée, en publiant des livres et en recherchant les clichés perdus. Un travail de fourmi qui prend tout son sens jusqu’au 13 août, avec l’ouverture dans la prestigieuse salle Martin Gropius Bau à Berlin, un choix de 250 clichés dont 50 tirages d’origine et nombre d’inédits, sur un total de 1 500 négatifs et 150 tirages retrouvés. Au début de la vie artistique de Ré, il y a eu cet « apprentissage du regard » à l’école du Bauhaus de Weimar (sud de l’Allemagne), qu’elle rejoint en 1921 pour fuir le foyer parental en Poméranie, ancienne province de l’est de l’Allemagne. La jeune Meta Erna Niemeyer, baptisée Ré, rencontre les peintres Wassily Kandinsky, Johannes Itten, Paul Klee, et épouse le dadaïste Hans Richter à Berlin où elle fréquente l’avant-garde littéraire et artistique. Mais c’est vers Paris que son regard se tourne, où elle fonde en 1928 un atelier de mode « Ré sport », destiné à libérer la femme des carcans de la mode avec des vêtements ayant la particularité de se métamorphoser en robe de soirée ou en pantalon de sport. « Ces échanges artistiques, avec discussions et visites d’ateliers ont pu forgé le talent de Ré, qui n’avait pas du tout appris la photographie », explique Manfred Metzner. Ré devient une figure de la bohème parisienne qui se retrouve au Dôme à Montparnasse ou au restaurant Chez Rosalie rue Campagne Première. Il y a Fernand Léger, André Kertezs et Man Ray qui photographie ses collections. Le déclic est indissociable d’une rencontre amoureuse. Celle de Philippe Soupault en 1933, cofondateur en 1919 du mouvement des surréalistes dont il se sépare pour cause de désaccord avec André Breton. Écrivain de renom, il propose à Ré d’illustrer ses reportages. « C’était un changement total de ma vision du sujet. Je ne restais pas indifférente, je participais. Tout ce que j’ai photographié venait directement de la vie », avait confié Ré. La vie pêle-mêle, avec ses multiples visages volés aux quatre coins du monde, un concentré d’une époque vue à travers un appareil photo Rolleiflex. La France du Front populaire, les républicains de la Guerre d’Espagne, le poing levé face à l’objectif, le dur travail des pêcheurs de Scandinavie, des gares, des vues de Paris depuis la tour Eiffel et, partout, des enfants. Et Philippe Soupault. Puis vient la période tunisienne de 1937 à 1942. Des autoportraits, des nomades, des pèlerins en partance pour La Mecque et une série saisissante à Tunis sur le « quartier réservé » aux femmes sans maris. Son dernier reportage, en 1954, est un témoignage sur un camp de réfugiés en Bavière. Des Allemands des Sudètes, chassés par la Tchécoslovaquie communiste, en attente d’une nouvelle vie. Est-ce la séparation d’avec Philippe Soupault ? Les difficultés financières ? L’absence de confiance en soi ? Jamais Ré n’a repris son appareil jusqu’à sa mort, le 12 mars 1996, six ans jour pour jour après celle de Philippe. Géraldine SCHWARZ (AFP)
Photographe, traductrice, créatrice de mode, élève du Bauhaus, l’école de création de l’avant-garde allemande dans les années vingt et trente, et épouse du surréaliste Philippe Soupault, l’insaisissable Ré Soupault (1901-1996) se livre à Berlin dans une rétrospective de son œuvre photographique, longtemps inconnue du public.
Ré Soupault n’avait jamais imaginé que...