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Actualités - OPINION

Sauver ou périr Andrée SALIBI

Rien ne coûte plus cher que le dédain des origines. Régis Debray Encore des événements insensés, des contradictions flagrantes, des trahisons qui entravent toute solution de la crise libanaise. Une dégénérescence sans pareille de la classe politique, un abâtardissement sans précèdent, une décadence, une insolence et une légèreté qui nous laissent perplexes. Des responsables élus par le peuple s’emparent du pouvoir et trahissent la confiance des Libanais ; le Liban n’étant plus leur priorité, chacun œuvre pour ses appartenances, pour ses intérêts personnels et tant pis pour les dégâts. Un « chacun pour soi » destructif, un phénoménal désintérêt de la chose publique, une déficience institutionnelle dévastatrice. Les Libanais sont de plus en plus inquiets sur leur sort, ceux qui les gouvernent étant tous manipulés de l’extérieur. Un panorama absurde se dessine : un gouvernement, un Parlement et une présidence paralysés qui n’offrent plus rien au peuple mais qui continuent à rafler droits et privilèges ; une opposition audacieuse et machiavélique, qui ne manque pas de moyens pour bloquer la démarche normale de la vie politique ; un peuple appauvri, assoiffé de vie, sceptique, qui se traîne tous les jours et qui essaye de vivre en marge de la situation. Comment réveiller les consciences et œuvrer à la reviviscence du Liban ? Qui parmi ces gouverneurs fonde-t-il ou consolide-t-il la démocratie ? Qu’en est-il du prodige libanais, du Liban message, du Liban indépendant et uni, du pluralisme, de la coexistence ? Cette vertu qu’est l’amour de la patrie étant carrément absente ces dernières années, toutes ces attributions deviennent anodines. Un mot de passe imposé : pas d’entente libanaise avant la solution régionale de la crise du Moyen-Orient. Un bouc émissaire pour semer continuellement la discorde : le tribunal international. Des actes ignobles, des propos abracadabrants et des insultes tous les jours pour détourner le peuple du vrai problème. Mais quel genre de solution régionale nos politiciens prévoient-ils ? Sera-t-elle à l’image de la guerre civile déclenchée en Irak ? Osent-ils faire confiance aux grandes puissances, les États-Unis surtout, et espérer des solutions radicales à nos problèmes, après tous les massacres et les crimes commis, au nom de la liberté, en Corée, au Vietnam, en Afghanistan – et j’en passe ? Est-il concevable, d’autre part, d’offrir le pays sur un plateau d’argent à la Syrie, après tant de sacrifices, et de retourner à la case initiale d’avant le printemps de Beyrouth ? Une solution reste cependant accessible, si les protagonistes, loyalistes et opposition, décidaient de mettre fin à toute ingérence étrangère et de planifier notre avenir en tant que Libanais. Ils pourront ainsi, unis par la même cause, reconstruire une nation libre, un État de droit où chaque communauté aura sa place, avec ses différences. Car nul mieux que nous-mêmes ne peut œuvrer pour l’intérêt public, pour la prospérité de notre terre et la préservation de nos droits. Aujourd’hui, le Liban se détruit, il se noie devant nos yeux sans que nous puissions le secourir. L’avenir est incertain, ténébreux même et impossible à planifier. Le Liban demande la compassion de tous ses fils pour se redresser et regagner sa place privilégiée au Proche-Orient et dans le monde. Eh bien, il est temps que ces politiciens fassent une seule fois preuve de probité pour sauver leur pays qui brillait jadis de mille feux et qui se meurt entre leurs mains, tiraillé par leurs intérêts contradictoires. Il est temps qu’ils soient animés d’un souffle nouveau, le souffle de la loyauté, de l’intégrité, du sacrifice. Il est temps de sauver ce qui reste, de prendre tous les risques pour gagner la bataille. Le Liban leur a tant donné ! Pour qu’enfin, nous jouissions de retrouver notre terre, et face à tous nos ennemis, nous pourrons répéter de vive voix, en chœur avec nos cèdres millénaires, unis par le même souffle, guidés par la même flamme : Aigles qui passez sur nos têtes, Allez dire aux vents déchaînés Que nous défions leurs tempêtes Avec nos mâts enracinés Allons ! leurs plus fougueux vertiges Ne feront que bercer nos tiges Et que siffler dans nos cheveux ! (1) Alphonse de Lamartine : recueil « La chute d’un Ange ».
Rien ne coûte plus cher que le dédain des origines.

Régis Debray

Encore des événements insensés, des contradictions flagrantes, des trahisons qui entravent toute solution de la crise libanaise. Une dégénérescence sans pareille de la classe politique, un abâtardissement sans précèdent, une décadence, une insolence et une légèreté qui nous laissent perplexes.
Des...