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Actualités - CHRONOLOGIE

MOMENTS INSOLITES - Soirée non-fumeur les mercredis au Godot de Gemmayzé Smoking, no smoking

Des années qu’on en rêve... D’une soirée sans fumée de cigarette, sans cette odeur âcre, ce malaise oppressant où le non-fumeur aurait enfin sa requête à faire, son mot à dire, et du plaisir à passer un moment comme il le souhaite. Sans étouffer, larmoyer ou être dérangé par l’indifférence, presque du mépris, que les autres lui portent. L’idée était un souhait à peine formulé tant il paraissait utopique. En attendant que les autres suivent, Godot a lancé une belle leçon de savoir-vivre. Mercredi, 20 heures trente... Le Godot, un des irréductibles nostalgiques du « timide Gemmayzé des débuts », auprès des Torino et autres Dragon Fly, lorsque les gens se baladaient à pied, prenaient leur temps. Que les clients, devenus des habitués, avaient un visage et parfois un nom. Que la rue, enfin, était une simple rue et pas une attraction, le « place to be ». À chacun ses préférences. Le Godot a lancé sa soirée non-fumeur le 21 mars. « Ce n’est pas une soirée à thème, tient à préciser Elio Panayot, un des propriétaires du Godot. Nous avons tenu, avec Omar Sadek, mon associé, à être des précurseurs et participer à notre façon à un changement dans notre société. » Au Godot, petit pub ouvert en mars 2005, où l’on tient à vous faire sentir comme chez vous, dans une décoration en bois simple et chaleureuse, signée Kamel Abboud, pas besoin de thèmes pour attirer une clientèle d’amis. Pas de « Happy Hours », de « Lady’s Night », de décoration à outrance. Les bons cocktails, la bonne musique et cette convivialité amicale suffisent pour que l’endroit soit accueillant et qu’il marche. « La soirée non-fumeur est un concept qui n’a aucun objectif commercial. » Bien au contraire, les courageux propriétaires ont pris le risque de voir leur clientèle disparaître ce jour-là, ou du moins diminuer, et la consommation baisser. « L’alcool s’accompagne surtout d’une cigarette, ce n’est pas une idée reçue, mais une réalité. Et les jeunes pensent que la cigarette va leur donner plus de crédibilité… » Un air plus pur À peine infiltré dans le petit espace du Godot, ce soir-là, le parfum sucré des bougies parfumées embaume l’espace et enveloppe les lieux. Dehors, une drôle de sculpture en métal, un cendrier en forme d’arbre, est posée à la disposition des fumeurs. L’air intérieur est pur, cela se voit et cela se sent immédiatement. Deux jeunes femmes sont assises au bar, un couple est installé près de la fenêtre. Ils sont avertis, dès leur arrivée, que la cigarette est interdite. Les premières confirment que c’est bien pour cette raison qu’elles sont là, précisément aujourd’hui. Le couple approuve. « Bonne idée », pensent-ils... Ce n’est pas le cas de ces deux étrangers, cigare au poing, qui repartent dare-dare, laissant traîner derrière eux une affreuse odeur – on peut ouvertement s’en plaindre, c’est mercredi, de la fumée de cigare. Elio sourit et comprend les réticents. Lui-même fumeur, il comprend aussi qu’il faut respecter ceux qui en ont marre de passer une soirée, noyés dans la dangereuse pollution des autres, de rentrer chez eux puants, de la tête aux pieds... « Il est temps d’avancer, dit-il, de participer, chacun selon ses moyens et ses possibilités, à la construction d’une société plus civilisée. Le manque de respect est partout, dans les comportements, la conduite, les bruits, la religion, la société. Tout devient excessif au Liban. Nous sommes encore tellement loin du schéma idéal. Nous souhaitons même, précise-t-il, que nos concurrents nous suivent. » Vœux pieux, les concurrents ont souri d’un air désabusé lorsqu’ils ont appris qu’une soirée par semaine allait être consacrée aux non-fumeurs, cette clientèle peu rentable, et ont ajouté ironiquement : « Pourquoi pas une soirée sans alcool ?!... » Quatre semaines plus tard, et en attendant d’autres Godot qui voudraient bien rajouter leur grain de sable à une société idéale, tout le monde est content dans ce territoire sans cigarettes. Enfin une soirée où l’on peut se voir, regarder l’autre dans les yeux, sans verser des larmes, renifler et retenir le parfum de cet inconnu qui passe, savourer le moment et espérer, tout comme Elio et Omar, que l’on puisse refaire cela plus qu’une fois par semaine... Carla HENOUD
Des années qu’on en rêve... D’une soirée sans fumée de cigarette, sans cette odeur âcre, ce malaise oppressant où le non-fumeur aurait enfin sa requête à faire, son mot à dire, et du plaisir à passer un moment comme il le souhaite. Sans étouffer, larmoyer ou être dérangé par l’indifférence, presque du mépris, que les autres lui portent. L’idée était un souhait...