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Actualités - REPORTAGE

Reportage - Pas de Javel, ni savon, ni désinfectant : les humanitaires ont recours à des solutions de fortune pour tenter de sauver des vies Dans les hôpitaux aussi, les Nord-Coréens manquent de presque tout

Comme il pleut dehors, on a jeté de la sciure sur l’escalier qui monte au bloc opératoire de l’hôpital de Sariwon, au sud de Pyongyang. À l’étage, deux chirurgiens se lavent les mains dans une cuvette. Ils n’ont pas toujours de savon. À l’image du pays, paria politique et économique, les hôpitaux de Corée du Nord subsistent vaille que vaille, avec du matériel obsolète et en mauvais état, le système D et l’aide d’une poignée d’humanitaires étrangers. Même à l’aune du tiers-monde, les conditions d’hygiène laissent souvent à désirer. Si l’on voit des appareils allemands ou soviétiques, les pièces de rechange font défaut. « Faute d’équipements suffisants ou en état de fonctionner, nous pratiquons des anesthésies locales ou sous acupuncture », confie le directeur de l’hôpital de Sariwon, le docteur Choe Chol. En hiver, il arrive aux chirurgiens d’opérer dans des salles où il fait moins de 5 degrés. Et non contents d’opérer, médecins et infirmières contribuent à faire marcher l’hôpital sur la base du « volontariat ». Jusqu’à poser eux-mêmes le carrelage des salles d’opération. « Ici, on fait au mieux, il n’y a pas de Javel, pas de savon, pas de désinfectant. On nettoie à l’eau distillée. Ce sont des volontaires, médecins ou infirmières, qui font un décrassage à fond régulièrement », explique Véronique Mondon, chef de mission de l’organisation humanitaire française Première urgence (PU) en République populaire et démocratique de Corée (RPDC). PU, une des six ONG étrangères autorisées à travailler en RPDC, a pour objectif d’améliorer l’accès aux « soins de base » de la population. Son principal projet consiste à produire des solutions injectables pour perfusions (des « goutte-à-goutte ») dans les douze hôpitaux où elle est implantée. Le goutte-à-goutte, poche remplie d’une solution à base de glucose et sodium, sert à tout en l’absence d’autres médicaments. « Ces poches répondent à un grand nombre de pathologies observées en Corée du Nord, dont les accidents, la manultrition, la déshydratation, les diarrhées, le typhus, les hépatites. Elles sauvent des vies », témoigne Mme Mondon, une biologiste qui a ouvert l’antenne de PU en Corée du Nord en avril 2002. La production de ces fluides intraveineux, inférieure à la demande, est une gageure : il faut que les poches soient manipulées dans des locaux le plus propres possible pour la mise en conditionnement et la stérilisation. Afin de compenser chutes de tension et microcoupures de courant, Première urgence a fait spécialement fabriquer des transformateurs en Chine. « Les laborantines travaillent pendant la nuit pour produire des poches afin d’économiser l’électricité pour les malades et les opérations durant la journée », précise Mme Mondon. « On a eu du mal au début. Ça leur paraissait une tâche insurmontable. Mais maintenant, les Nord-Coréens savent qu’ils en ont besoin », souligne-t-elle. Le laboratoire de Sariwon sort 300 poches chaque jour pour environ 200 malades. Au total, l’ONG française produit 500 000 poches par an en Corée du Nord (une poche coûte entre 30 et 40 centimes d’euro). Du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui supervise deux centres de prothèses pour amputés, aux ONG, chacun s’accorde à encourager les initiatives locales, dans la mesure du possible, afin de contribuer au développement du pays et amoindrir sa « culture de dépendance ». « L’industrie pharmaceutique nord-coréenne ne pourra se développer si les humanitaires inondent la Corée du Nord de médicaments étrangers. Elle continuera à végéter et à fabriquer des produits de sous-qualité si les étrangers n’achètent pas des médicaments locaux », affirme le Suisse Félix Abt, directeur de l’entreprise PyongSu Pharma, une des premières joint-ventures étrangères en RPDC. Depuis septembre 2004, Pyongsu, qui a ouvert une pharmacie « modèle » à Pyongyang, fabrique dans son usine du paracétamol, de l’aspirine et des antibiotiques, avec l’ambition d’exporter un jour. « Pour le moment, on donne le poisson aux Nord-Coréens. C’est plutôt le filet pour attraper le poisson qu’il faudrait leur donner », plaide M. Abt. Philippe AGRET (AFP)



Comme il pleut dehors, on a jeté de la sciure sur l’escalier qui monte au bloc opératoire de l’hôpital de Sariwon, au sud de Pyongyang. À l’étage, deux chirurgiens se lavent les mains dans une cuvette. Ils n’ont pas toujours de savon. À l’image du pays, paria politique et économique, les hôpitaux de Corée du Nord subsistent vaille que vaille, avec du matériel...