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Actualités - OPINION

ENTREPRISE Les services de production face à la concurrence régionale, l’exemple de Darkside

Darkside est la première société spécialisée dans les services de production audiovisuelle créée au Liban par Marwan Tarraf en 1996. Issu du monde des médias internationaux, M. Tarraf a rapidement constaté l’absence de sociétés offrant des services aux équipes de journalistes étrangers et s’est lancé dans la brèche. Il a ainsi investi près de 150 000 dollars pour créer une structure fournissant tous types de services pour la production audiovisuelle : des équipements de production et de postproduction, des pigistes, des équipes de tournage, des traducteurs et tous les permis nécessaires aux journalistes souhaitant couvrir des événements au Liban ou réaliser des documentaires. En situation de monopole, Darkside n’a eu aucun mal à attirer les équipes des chaînes internationales, rentabilisant son investissement initial en un an. Avec l’essor des chaînes arabes vers la fin des années 90, de nombreuses sociétés ont ensuite été créées, tirant les tarifs à la baisse. Pour survivre, Darkside a justement fait le pari d’investir sur la qualité, que ce soit en termes de qualification des techniciens et des journalistes ou de la technologie des équipements. Progressivement, Darkside s’est aussi tournée vers les marchés local et régional, notamment pour la production de programmes télévisés, comme les documentaires. En 2006, cette industrie a sans doute été l’une des rare à bénéficier des événements survenus au Liban. « Les trois mois d’été ont permis de compenser une année plutôt morne », portant le chiffre d’affaires à plus de deux millions de dollars, a indiqué M. Tarraf. Mais ce type de société ne peut pas vivre uniquement des guerres. Ainsi les « quatre premiers mois de 2007 ont été catastrophiques, l’activité liée à la production de documentaires et courts-métrages étant en forte baisse », a-t-il ajouté. Car si les clients occidentaux restent fidèles, les chaînes arabes ont de plus en plus tendance à se tourner vers les pays voisins. « Le Liban bénéficie d’un certain nombre d’atouts, notamment une main-d’œuvre créative et multilinguiste et des sites idéaux pour filmer. Mais les obstacles deviennent aussi de plus en plus pesants », a expliqué M. Tarraf. Parmi les contraintes citées figure un cadre législatif incomplet. « Par exemple, la loi n’octroie le SNG (Satellite News Gathering, un système qui permet d’émettre en direct ou de transmettre les informations par satellite) qu’aux chaînes de télévision. Or, dans cette industrie, c’est un avantage incontestable. Les grandes chaînes ont donc créé des sociétés de services de production affiliées, qu’il est difficile de concurrencer. » Aussi, l’absence d’une connexion Internet rapide et le bureau de censure de la Sûreté générale ne sont pas très encourageants. Enfin, les tarifs douaniers sur l’importation d’équipements sont élevés et les procédures bureaucratiques interminables. « Il faut plus d’une semaine pour obtenir un permis de filmer au Liban, alors que dans le travail journalistique, le facteur temps est souvent crucial. » Pendant ce temps, les autorités syriennes et jordaniennes ont compris le potentiel de cette industrie et développé un climat favorable. « En Jordanie, une media city est actuellement en construction et les autorités octroient des facilités diverses, notamment pour l’obtention de permis et de visas pour les étrangers », souligne le responsable de Darkside. En Syrie, l’activité de production télévisuelle a connu un boom ces dernières années, le gouvernement syrien subventionnant par exemple l’achat d’équipements télévisuels. « Il y a 10 ans, il était impossible de trouver une caméra à Damas sans passer par la chaîne publique. Aujourd’hui, les sociétés libanaises achètent leurs caméras en Syrie ! » ironise M. Tarraf. Quant à l’avantage libanais en termes de capital humain, il s’amenuise en raison de l’émigration galopante. Déjà, l’industrie souffre du manque d’adaptation entre la formation universitaire et les attentes du marché du travail. Selon M. Tarraf, rares sont les universités à diplômer des jeunes immédiatement opérationnels. Les sociétés de production doivent donc les former durant quelque temps. « Mais dès qu’ils ont acquis la formation et l’expérience nécessaires, ils émigrent », déplore-t-il. Darkside, qui compte actuellement 18 employés, a vu six professionnels quitter vers le Qatar depuis la guerre de juillet, et peine à recruter des remplaçants. Globalement, M. Tarraf n’est pas très optimiste sur l’avenir de cette industrie pourtant prometteuse, à moins d’un sursaut quasi improbable de la part des autorités. Sahar AL-ATTAR

Darkside est la première société spécialisée dans les services de production audiovisuelle créée au Liban par Marwan Tarraf en 1996.
Issu du monde des médias internationaux, M. Tarraf a rapidement constaté l’absence de sociétés offrant des services aux équipes de journalistes étrangers et s’est lancé dans la brèche. Il a ainsi investi près de 150 000 dollars pour...