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SIGNATURE - « Crime d’innocence », aujourd’hui, de 17h00 à 19h00, au Salon du livre d’Antélias Antoinette Chahine, injustice et torture

Longtemps, elle aura été la « Antoinette de l’église », avant de devenir un lourd rapport d’Amnesty International sous le titre « Injustice et torture ». Puis une survivante, un symbole actif, le porte-flambeau de la lutte contre la peine de mort. Aujourd’hui, encouragée par Amnesty International et pour se libérer totalement de ces images qui restent ancrées au plus profond de sa mémoire, elle a confié ses mots à notre collaboratrice Fifi Abou Dib, réunis dans un livre, « Crime d’innocence ». Un intitulé bref pour 120 courtes pages résumant cinq années de calvaire physique, émotionnel et psychologique. « Pourtant, j’ai un souvenir précis de chaque minute passée là-bas. Toutes les pages du monde ne suffiraient pas pour décrire tout ce que j’ai vécu. » « Je n’ai pas de rancune », avoue Antoinette Chahine, souriante et sereine. Enfin débarrassée de la colère sourde qui lui a fait perdre sa voix, aux pires moments, mais jamais sa foi, inébranlable. La rencontrer à l’occasion de la Journée internationale de la femme est une pure coïncidence. Et pourtant, cela ressemble à un signe à saisir, un clin d’œil du hasard. « Ce livre n’est dirigé contre personne. Il porte un message d’espoir et un appel au pardon, un témoignage de mon expérience. Pour que personne, jamais, ne vive cette injustice. » Petit rappel des faits : 1994, accusée d’avoir collaboré au meurtre du curé Semaan Khoury, sur base des aveux, arrachés sous la torture, des deux inculpés Rachid Daou et Saad Gebrayel, Antoinette Chahine, 23 ans, est condamnée à la peine capitale, commuée en détention à perpétuité, car le Liban n’exécute pas les femmes. Me Badawi Abou Dib se chargera alors de sa défense et lui offrira sa plus belle victoire. Son cas n’est pas une erreur judiciaire, mais une accusation politique devant conduire à son frère Jean, alors membre des Forces libanaises. Cinq ans et vingt jours plus tard, le 24 juin 1999, à la veille de son 28e anniversaire, elle est enfin libre. Libérée, elle le sera en agissant auprès de nombreuses associations dont Amnesty International, l’ACAT (Actions des chrétiens pour l’abolition de la peine de mort) ou encore l’ECPM (Ensemble contre la peine de mort) et Penal Reform International (PRI). « On reste toute sa vie une ex-prisonnière. Moi j’ai eu la chance de rencontrer des personnalités extraordinaires », poursuit-elle. Libérée, elle le sera davantage en participant à des conférences, des séminaires et des journées mondiales contre la peine de mort auprès de grands activistes, tels que Danièle Mitterrand, Bianca Jaeger, Angela Davis, Robert Badinter, Nelson Mandela et Desmond Tutu. Témoignages prudents De cette renaissance, comme de son enfermement. Du meilleur comme du pire, de ses tortionnaires dont elle ne verra jamais le visage, de sa famille qui partagera son calvaire jusqu’à la lie. De ses journées sans fin où rien ne semble jamais changer, sauf la souffrance qui grandit, elle dira le strict nécessaire, avec des mots forts, mais une peur abstraite encore terrée au fond d’elle-même. Une méfiance de tous ces aveux qui pourraient, croit-elle encore, être retenus contre elle. « Rien n’a vraiment changé dans le pays», souligne-t-elle, sceptique. Pour recueillir ses propos, confessions rythmées, toutefois, de longs moments de silence, des non-dits volontaires, Fifi Abou Dib, fille du « capitaine du barreau », celui par qui la grâce est arrivée, semblait la meilleure confidente. « On ne peut qu’être fière d’elle, précise notre collaboratrice. Je ne suis que la main qui porte la plume. » Même si elle avoue rester un peu frustrée par la pudeur et les « mots blancs » qui ont ponctué leurs entrevues. « Ce livre aurait pu s’appeler cinq ans pour rien», conclut-elle. Fille de Joseph et Marie, ça ne s’invente pas, Antoinette Chahine Saliba est aujourd’hui l’heureuse épouse de Joseph et la mère de Joya et Rawad. Pour eux et pour tous ceux qui n’y croient plus, elle tient à rappeler, en parlant de la prison : « Celui qui entre ici est déjà mort. Celui qui en sort vient de naître. » Le récit de cette mise à mort, inconcevable insulte aux droits de l’homme, puis de cette renaissance qui passe par la foi et le pardon, demeure un poignant et sincère témoignage qui force admiration et respect. Carla HENOUD * Crime d’innocence a été traduit en arabe aux éditions Dar an-Nahar par Marie Tock Ghoch, sous le titre Jorm el-Bara’aa.
Longtemps, elle aura été la « Antoinette de l’église », avant de devenir un lourd rapport d’Amnesty International sous le titre « Injustice et torture ». Puis une survivante, un symbole actif, le porte-flambeau de la lutte contre la peine de mort. Aujourd’hui, encouragée par Amnesty International et pour se libérer totalement de ces images qui restent ancrées au plus profond de sa...