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D’anciens combattants tentent d’exorciser les fantômes du passé lors de stages d’« écothérapie » Les guerriers des temps de l’apartheid pleurent sur le sentier de la paix

D’une hutte plantée dans la brousse sud-africaine s’élèvent des plaintes, des pleurs et une infinie tristesse. Douze anciens combattants de la lutte contre l’apartheid y sont rassemblés pour tenter d’exorciser les fantômes du passé. Ces hommes, qui n’en peuvent plus de cauchemars, sont venus s’isoler pendant trois jours à Matlapeng, dans le massif volcanique du Magaliesberg, près de Derby (150 km au nord-ouest de Johannesburg) « C’est un processus de purification. Vous allez tous changer », leur assure Gavin Robertson, psychologue de la National Peace Accord Trust (NPAT). ONG créée en 1992 pour faciliter la transition démocratique et la réconciliation d’une société brisée par la cruauté de l’ancien régime raciste, la NPAT organise ces stages d’« écothérapie » en moyenne deux fois par mois. Une initiative isolée en Afrique du Sud où aucun programme d’envergure nationale ne vient aider quelque 140 000 vétérans, dont environ 80 000 se sont battus dans des mouvements armés plus ou moins formels et n’ont jamais pu reprendre une vie normale. « J’ai des cauchemars, je vois ceux que j’ai tués », raconte Victor Nqukwe, ancien du MK, branche armée du Congrès national africain (ANC, aujourd’hui au pouvoir). « J’ai été entraîné en Tanzanie. Quand je suis revenu en 1984, mon père et mon frère ont été tués par des Blancs. J’ai rejoint les camarades pour combattre l’apartheid », dit-il en passant, d’un geste mécanique, la main sur son crâne couturé de cicatrices. « Parfois, je parle tranquillement avec des gens et soudain, sans savoir pourquoi, j’ai envie de me battre », poursuit-il, admettant avoir eu aussi « des problèmes d’alcool ». Il estime avoir été abandonné par ses anciens chefs et par la démocratie pour laquelle il a lutté jusqu’aux premières élections multiraciales de 1994. « Je suis en colère. Ils m’ont promis une maison, un travail. Je n’ai rien. » Sans emploi, il habite un bidonville de la banlieue de Johannesburg, avec ses trois enfants et sa femme, qui fait des ménages pour gagner les maigres 600 rands (environ 66 euros) avec lesquels ils survivent. Mais à 49 ans, il en a assez. D’où sa retraite choisie dans les montagnes du Magaliesberg, réputées auprès des « sangomas », les guérisseurs traditionnels, pour leurs vertus curatives. Sipho, 42 ans, ancien commandant des SDU (milices de l’ANC), est lui persuadé qu’une de ses victimes le poursuit. « Il a été enterré avec son arme et son couteau. On m’a jeté un sort ! » dit-il. « De nombreux ex-combattants croient avoir été ensorcelés pour ce qu’ils ont fait. Une psychothérapie classique ne sert à rien », explique à l’AFP M. Robertson, convaincu que les rituels traditionnels de l’« écothérapie » permettent à ces hommes marginalisés de faire la paix avec eux-mêmes et d’envisager une réintégration dans leur communauté. Avant de répondre à l’appel du tam-tam pour s’enfermer à l’aube dans la hutte-sauna traditionnelle, les hommes ont passé 24 heures, seuls, en pleine brousse. Pas de nourriture, pas de radio... rien qui puisse les distraire, sauf une ficelle et des carrés de tissu avec lesquels ils ont fabriqué des « rubans de prières » suspendus dans la hutte. Certains renouent avec les techniques de guérilla, se camouflent dans les broussailles et tendent même sur le sol une corde pour signaler l’approche d’un intrus, homme ou animal. Avant de venir, un autre a eu du mal à abandonner son revolver. Mais là, sur un rocher plat, il a gravé en épitaphe son nom, Glen Mbuli Mkmva, entre la silhouette d’un guerrier muni d’une lance et celle d’un homme en costume : « Mon passé et l’avenir que je voudrais, celui d’un homme décent. »
D’une hutte plantée dans la brousse sud-africaine s’élèvent des plaintes, des pleurs et une infinie tristesse. Douze anciens combattants de la lutte contre l’apartheid y sont rassemblés pour tenter d’exorciser les fantômes du passé.
Ces hommes, qui n’en peuvent plus de cauchemars, sont venus s’isoler pendant trois jours à Matlapeng, dans le massif volcanique du...