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Journée mondiale de la Femme - La bataille contre le voile et la discrimination est une lutte politique, assure l’activiste Azar Majedi Après 28 ans de combat, les féministes iraniennes toujours sur le pied de guerre Propos recueillis par Rania MASSOUD

Jeudi dernier, à l’occasion de la Journée internationale de la femme, plusieurs manifestations contre les violences et la discrimination étaient organisées un peu partout dans le monde, sauf en Iran. Dans la République islamique, les femmes n’ont pas le droit de protester, surtout si c’est pour manifester contre le voile ou contre la loi islamique, jugée discriminatoire par les féministes iraniennes. Azar Majedi, présidente de l’Organisation pour la libération de la femme en Iran, explique à «L’Orient-Le Jour» la vraie nature du combat de ses compatriotes depuis l’instauration du régime islamique en 1979 jusqu’à ce jour. Cette année, la Journée internationale de la femme en Iran était particulièrement symbolique. Tout a commencé le 12 juin 2006, lorsque 70 personnes, dont 42 femmes, ont été interpellées par la police iranienne alors qu’elles manifestaient pour l’égalité des droits entre les deux sexes en Iran. La manifestation a été brutalement dispersée et plusieurs activistes ont été arrêtées. Leur jugement devant le tribunal révolutionnaire de Téhéran, en début de la semaine dernière, a été une nouvelle occasion pour plus de 30 féministes iraniennes de braver l’interdit et de manifester en soutien à leurs camarades. Elles ont toutes été interpellées ce jour-là. À la veille de la Journée internationale de la femme, les autorités ont relâché huit d’entre elles. Les 25 autres ont entamé une grève de la faim. Et, enfin, le 8 mars, 22 de ces activistes ont été encore libérées. Trois des manifestantes sont toutefois toujours sous les verrous. Il s’agit de figures du mouvement féministe iranien : les journalistes Jila Baniyaqoub et Mahboubeh Abbas Golizadeh, et l’avocate Shadi Sadr. Me Sadr est bien connue en Iran et à l’étranger pour son engagement à défendre les femmes risquant la peine de mort pour avoir tué leur violeur et sa lutte pour l’abolition de la lapidation comme sentence dans les cas d’adultère. « Le mouvement féministe en Iran est très vaste et gagne de plus en plus de terrain. À chaque fois que l’occasion se présente, les Iraniennes, surtout les jeunes, n’hésitent pas à défier le régime islamique », affirme Mme Majedi, exilée à Londres. « Le maquillage, les couleurs vives et même les vernis à ongle sont devenus des symboles à caractère politique et peuvent, si vous les portez en public, conduire à votre arrestation », poursuit cette activiste qui était parmi les organisatrices de la manifestation du 8 mars 1979 à Téhéran. Lors de cette journée historique, des milliers d’Iraniennes ont défilé dans les rues de la capitale pour protester contre le port du voile et en faveur de l’égalité des sexes en Iran. Le mouvement féministe iranien est né ce jour-là. « Le 8 mars 1979, les Iraniennes ont réussi pour la première fois à défier le régime islamique. Mais elles ont évidemment dû payer un prix très cher. Plusieurs d’entre elles avaient été arrêtées et violemment torturées en prison », assure Mme Majedi. Double vie Il n’est pas exagéré de dire que la plupart des Iraniennes mènent une double vie dans leur pays. En public, elles sont forcées de respecter le code vestimentaire très strict imposé par la loi islamique en vigueur. Mais en privé, nombreuses sont celles qui luttent clandestinement pour l’abolition des lois discriminatoires. En novembre dernier, les féministes iraniennes ont lancé une campagne pour réunir un million de signatures afin de demander le changement des lois « injustes » à l’égard des femmes. « L’image que veut promouvoir le régime iranien est celle des femmes faibles, recouvertes d’un tchador noir et soumises aux hommes de leur famille, assure Mme Majedi. C’est pourquoi les autorités voient un véritable défi en notre mouvement. » Citoyennes de deuxième zone Au regard de la loi iranienne, les femmes sont des citoyennes de deuxième zone. Ainsi, le témoignage d’une femme devant la justice vaut seulement la moitié de celui d’un homme. De même, le « deyeh » ou le « prix du sang » pour une femme vaut la moitié de celui d’un homme. Le prix du sang est le montant que les proches d’une victime d’un accident ou d’un crime peuvent réclamer à son responsable. Par ailleurs, les Iraniennes doivent avoir la permission de leur « gardien » mâle (leur mari, père, frère ou oncle) pour pouvoir faire une demande de passeport ou pour voyager à l’intérieur même du pays. Si une femme non voilée sort en public, elle est condamnée à 74 coups de lapidation. Les Iraniennes n’ont pas le droit de devenir présidente de la République ou juges. En vertu de la loi, elles sont obligées d’être séparées des hommes, même dans les écoles ou dans les transports publics. Mais dans le même temps, malgré ces lois répressives, les Iraniennes commencent à prendre une part plus active dans la société. Désormais, plus de 65 % des étudiants inscrits dans les universités en Iran sont des femmes. En politique, elles ont réalisé une percée aux élections municipales de décembre, parvenant à remporter quelques sièges de conseillères au sein des conseils municipaux dans une dizaine de villes moyennes du pays. « Il y a de plus en plus d’Iraniennes qui ont réussi dans les domaines de l’art, du cinéma et de la littérature, et sont aujourd’hui reconnues internationalement. Mais il ne faut surtout pas oublier que c’est grâce à leur combat continu qu’elles ont réussi à s’imposer », explique Mme Majedi. Selon elle, l’un des piliers le plus important au sein de l’opposition iranienne est le mouvement féministe. « Je pense que la libération de la femme en Iran aura un impact significatif qui se répercutera sur toute la région », assure-t-elle. Vingt-huit ans après la révolution islamique, les Iraniennes ne perdent donc pas leur souffle, même si elles restent dans la ligne de mire des autorités. L’un de leurs souhaits les plus chers ? Avoir au moins le droit de célébrer le 8 mars en toute impunité.
Jeudi dernier, à l’occasion de la Journée internationale de la femme, plusieurs manifestations contre les violences et la discrimination étaient organisées un peu partout dans le monde, sauf en Iran. Dans la République islamique, les femmes n’ont pas le droit de protester, surtout si c’est pour manifester contre le voile ou contre la loi islamique, jugée discriminatoire par...