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Actualités - OPINIONS

Les lecteurs ont voix au chapitre

On s’arrache mon pays Tu me manques aujourd’hui plus que jamais. Ton souffle frais me manque, ta gaieté, ton cynisme… Tu me manques serein, lointain dans ton regard, pensant au lendemain, un lendemain que nous vivrons ensemble main dans la main. Il y a quelques années, j’ai vécu ton absence, durant trois ans, croyant te fuir pour un avenir meilleur. Je me languissais de toi, de ton odeur. Je te cherchais dans le regard des autres, vantais tes prouesses, m’amusais à te décrire comme un amant sans cœur qui m’a laissée partir. Aujourd’hui je te retrouve, meurtri, fané, flétri. Je tiens ton visage entre mes mains pour m’assurer que c’est bien toi. Mais le visage ne me dit rien. Un visage ensanglanté, défiguré, ravagé par la haine. Je m’approche alors pour te sentir ; si c’est toi, l’odeur ne pourra pas me mentir. Je ferme les yeux et te retrouve. On court ensemble, dans le jardin de mon enfance. Je te chante durant les fêtes de l’indépendance. Toutes ces randonnées, tous ces baisers volés, tu te souviens ? Comment peux-tu les oublier ? Tu me souris, larmes aux yeux. Tu as honte de toi, de ton corps malade, de ton cœur sans foi. Tu me pries de te délivrer, mais j’ignore comment t’aider. On pleure ensemble durant des heures, puis soudain tu lances un cri du plus profond de l’âme, le sang jaillit, je m’éloigne. On t’a arraché le bras, je ne comprends pas ce qui se passe, je crie à mon tour, j’ai peur, j’ai mal pour toi, pour mon amour. Et voilà que tu lances un autre cri. Ta voix me perce les tympans. J’ai du sang plein les yeux. Ces salauds sont en train de s’arracher mon pauvre pays. Rania El-KHOURY Laissez-nous rêver... pas crever Pendant que les hommes s’affrontent à coup de bêtises ouvertes, il me prend comme une envie de fredonner en boucle : « Ne nous parlez plus de héros, ne nous parlez plus de révolution, dites-nous combien ils restent encore ? » Il nous faut savoir combien. Aspirer un grand bol d’air déchaîné dans nos têtes avant de plonger, désespérés, sous une eau glauque, poisseuse, pour attendre qu’ils en finissent avec leurs affrontements ridicules à coups de fractions et de chiffres – toujours des chiffres –, pour émerger enfin et réagir. Même si c’est pour retrouver un pays ravagé. Dites-nous quand. Faites-nous signe. Partez et nous serons prêts. Nous le rebâtirons, ce pays, à coups d’espoir et de soleils neufs. « Vous laissez derrière vous des rêves pillés, des mondes gaspillés, des soleils brûlés, laissez-nous créer Une arme en amour, une bombe à lumière, un fusil à fleurs, une vie sans barrières, laissez-nous rêver. » Ce « vous », il ne vise que celui qui se sentira visé. C’est surtout dans le calme douteux de la nuit que je parviens à rêver de ce lendemain fleuri. Le jour, dans la lumière épaisse et fausse, les rêves s’évanouissent. « D’un enfant président, d’un roi sans couronne, d’un Jésus indien, d’un Dieu qui pardonne, même ceux qui l’oublient. » Je veux un Chef en majuscule, un Chef que j’aurais envie de suivre aveuglement, oui, un Chef. Allô ? Y a quelqu’un pour me répondre ? Ce Chef, j’aurais confiance en lui, je me laisserais guider, promis, juré, craché. Ou alors, si mon rêve est trop grand, s’il ne s’en trouve pas un, même pas un seul, je veux plus encore, mieux encore : pas de chef du tout. Juste qu’on nous laisse tenir les rênes et décider de notre sort, de notre propre chef… « Vous laissez derrière vous des mères matraquées, des lunes piétinées, des hommes qui mouraient pour la liberté. » « Liberté, que de crimes… ». Liberté, un prétexte déguisé, des intérêts dissimulés. Partez, tous. Tous, vous entendez ? Nous marcherons ensemble. Nous ferons des choix. Parce que nous, nous avons la maturité que vous autres n’avez pas. Novices devant notre sagesse. Soyez ces spectateurs ahuris devant notre savoir-faire. Partez et laissez-nous faire. Sans vous, nous saurons où aller, nous aurons la même étoile possible. Et nous l’atteindrons. Michèle M. GHARIOS Encore une fois ! Notre destinée se scelle encore une fois en dehors du pays. Encore une fois, les chrétiens libanais iront à Taëf 2 scindés en deux parties protagonistes. Ils seront forcément les grands perdants. À qui la faute ? Est-ce à ceux qui ont payé depuis deux ans leur indépendance au prix fort du sang, un sang non encore lavé ? Ou bien est-ce la faute à ceux qui ont conclu un partenariat contre nature ? Si le général avait opté pour un choix indépendant, un parti du centre, il aurait été sollicité par les uns comme par les autres. Sa popularité aurait atteint des sommets non égalés, le dernier mot serait revenu hier comme demain à un leader chrétien. Au lieu de cela, Michel Aoun a opté pour la revanche sur ceux qui l’ont, à son retour, isolé ; il a choisi la couleur orange, oubliant que c’est la couleur à laquelle tournent les feuilles des arbres avant de tomber, se faner et se faire oublier dans la bonne terre de notre Liban. Toufic KLAT
On s’arrache mon pays

Tu me manques aujourd’hui plus que jamais. Ton souffle frais me manque, ta gaieté, ton cynisme… Tu me manques serein, lointain dans ton regard, pensant au lendemain, un lendemain que nous vivrons ensemble main dans la main. Il y a quelques années, j’ai vécu ton absence, durant trois ans, croyant te fuir pour un avenir meilleur. Je me languissais de...