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Aphorismes La grande illusion

Les chrétiens libanais sont absolument persuadés que les Occidentaux sont leurs alliés et croient par ailleurs fermement qu’ils partagent avec eux une même culture et des valeurs identiques. Ces convictions-là mériteraient d’être examinées de près. Et d’abord, l’idée reçue comme quoi les Occidentaux seraient les alliés des chrétiens libanais est-elle avérée au regard de l’histoire des vingt dernières années? Rien n’est moins sûr. Que firent les Occidentaux lorsque, coup sur coup, le président René Moawad fut tué, le général Michel Aoun exilé et le Dr Samir Geagea emprisonné? Rien du tout. Que firent les Occidentaux l’été dernier lorsque Israël bombardait la montagne et le littoral chrétiens? Rien du tout. Cela suggère que les chrétiens du Liban vivent dans l’illusion. Quant aux valeurs qu’ils auraient en commun avec l’Occident, on peut se demander s’il en subsiste encore quelque chose. La démocratie libérale? Elle a cédé la place à un populisme où la démagogie et les mass media font la loi et où les minorités font les frais de l’arithmétique électorale. La liberté? Les dirigeants occidentaux l’ont sacrifiée à l’autel du tout sécuritaire. Le respect de la personne? Jour après jour, en Occident les droits civiques sont bafoués et la vie privée des citoyens violée par l’État policier. Les valeurs chrétiennes? Le Nouveau Testament s’est désormais effacé derrière l’Ancien et le pardon christique a cédé le pas à l’œil pour œil, dent pour dent moïsique. Là aussi, illusion. On m’objectera sans doute que l’Occident et les chrétiens du Liban ont en commun une culture et une religion, les élites chrétiennes libanaises étant tout à fait à leur aise en français comme en l’anglais et priant le même Dieu que les Occidentaux. À quoi je répondrais en rappelant que le roi Philippe de Macédoine parlait le grec et connaissait Homère, ce qui ne l’empêcha nullement d’asservir les cités grecques indépendantes, de mettre à bas leurs constitutions et de leur voler leur liberté. Je rappellerais aussi que son fils Alexandre, qui priait pourtant les dieux grecs de l’Olympe, n’en raya pas moins la ville grecque de Thèbes de la carte lorsqu’elle voulut secouer son joug trop pesant (Thèbes qui, soit dit en passant, avait été fondée par Cadmos, fils du roi de Phénicie, un ancêtre des Libanais). Or, si les valeurs de l’Occident ont tant changé et si la langue et la religion ne sont plus une garantie d’affinité, que reste-t-il de cette culture occidentale à laquelle les chrétiens libanais continuent de s’accrocher comme un naufragé à une planche pourrie? Ce qui en reste, c’est ce qu’on appelle pompeusement un «way of life», un mode de vie, mais qui se résume en réalité à des effets de mode: Hugo Boss, Louis Vuitton, Zara, Prada, Johnny Walker, les pin-up, le loto et les reality shows. Civilisation, avez-vous dit? Dites plutôt consommation. Dites surtout illusion. Percy KEMP

Les chrétiens libanais sont absolument persuadés que les Occidentaux sont leurs alliés et croient par ailleurs fermement qu’ils partagent avec eux une même culture et des valeurs identiques. Ces convictions-là mériteraient d’être examinées de près.
Et d’abord, l’idée reçue comme quoi les Occidentaux seraient les alliés des chrétiens libanais est-elle avérée au...