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Actualités - OPINION

Pourquoi les jeunes s’en vont?

C’est ce genre de question que tout le monde se pose. La réponse n’est guère évidente. Chacun a ses causes. Mais tous se sont donné le mot pour avoir une cause logique et quasimment indiscutable : au Liban, il n’y a pas de travail et encore moins d’avenir. Je suis loin de partager cet avis. Pourtant, je dois admettre une ou deux choses qui ne me semblaient pas évidentes avant que je ne commence à travailler. Les jeunes cherchent la sécurité matérielle, ce qui est compréhensible. Or il s’avère que, quand un jeune arrive sur le marché du travail libanais bardé des diplômes les plus prestigieux parfois, on ne lui propose qu’un salaire de misère. Ces jeunes-là, non qu’ils soient de mauvaise volonté ou qu’ils n’aiment pas leur pays (bien au contraire), préfèrent aller voir ailleurs, un pays qui leur donnera un salaire digne de leurs connaissances. Par contre, ceux qui acceptent la situation, ils représentent une minorité, sont ceux qui vont rechercher la sécurité de l’emploi indépendamment du salaire, quitte à faire un travail qui ne leur convient pas ou à ne pas travailler dans leur domaine. Évidemment, les grandes gagnantes de cette soumission aux contraintes du marché du travail libanais restent les entreprises et particulièrement les entreprises financières. En effet, actuellement, et ce qui a presque toujours été le cas, entrer dans un établissement financier – les banques spécialement – est le but de tout jeune qui cherche la sécurité de l’emploi et les garanties sociales nécessaires à son épanouissement, et cela même s’il est très mal payé, ce qui est en général le cas pour un débutant. Une fois engagé, le débutant accepte tout sans rechigner, se donnant à fond, quitte à être exploité et à épuiser un potentiel qu’il aurait pu utiliser à des fins qui correspondent plus à ses capacités, croyant avoir atteint l’apogée de ses ambitions. Le problème reste évidemment le salaire, mais il se dit que cela s’arrangera un jour. Seulement voilà, ce jour, il ne sait jamais quand, à supposer qu’il arrive. Et c’est ainsi qu’il moisit dans une société qui ne reconnaît pas sa valeur et ne tient aucun compte de ses connaissances scientifiques et techniques dans certains domaines. Aussi courageux qu’il soit, il va finir par être blasé et rejoindre d’autres jeunes qui ont émigré, s’il peut se le permettre, à moins qu’il n’essaie de trouver ailleurs ce que son entreprise ne lui a pas donné. Et puis il y a les autres catégories de jeunes. Ceux qui restent car ils ont trouvé un travail attrayant et qui satisfait leurs ambitions, avec un salaire dépassant tout ce qu’ils peuvent imaginer pour de jeunes diplômés. Car il ne faut pas croire qu’au Liban, toutes les entreprises versent des salaires modiques. Il y en a qui sont très généreuses, mais à quel prix!... En général, elles exploitent le potentiel de la nouvelle recrue, la faisant travailler 10 à 12 heures par jour pour lui faire sentir que son salaire doit être mérité. Le jeune se verra contraint de sacrifier un bout de sa vie privée pour ne vivre que pour son travail. Une chose est sûre: tout jeune Libanais, même heureux dans la firme qui l’emploie, ressent toujours une frustration intérieure. Il peut trouver mieux, moindre prix ou avec une plus-value considérable. Certains ne vivent que dans la perspective de quitter un jour, bien qu’ils soient de bons patriotes. D’autres restent parce qu’ils n’ont pas les moyens de quitter. Il y a enfin une catégorie que je respecte énormément bien qu’elle soit minoritaire: celle des jeunes qui reviennent parce qu’ils ont constaté parfois qu’ailleurs, ce n’est pas beaucoup mieux et qu’il est préférable de travailler dans un environnement stable et proche de sa famille au Liban que dans des contrées qui ne sont guère attrayantes de prime abord. Ceux-là ont reconnu la valeur de leur pays après l’avoir quitté. Il serait temps de faire un constat: les diplômes au Liban sont bien notés et la valeur de leurs porteurs est particulièrement appréciée. Toutefois, les qualités peuvent être sous-évaluées à tel point qu’ils en viennent à douter de leurs capacités et préfèrent alors s’expatrier. De plus, on notera que dans certains cas, les possibilités d’avancement sont infimes, pour ne pas dire inexistantes. Parfois, dix ans d’expérience méritent une promotion. Mais il ne faut pas trop espérer et encore moins rêver. Tout cela donne naissance à une série de frustrations et les jeunes deviennent blasés. Ils abandonnent, car la lutte est inégale. Ils abandonnent parce qu’ils ont trop peur de ne pas retrouver du travail, quitte à être exploités et mal rétribués, payés. Ils abandonnent car ils ont la sécurité de l’emploi et que, après tout, ce travail ou un autre, tout revient au même... Tout le monde ne conçoit pas cela. Il faut le vivre pour le comprendre. Quand on donne une opportunité à un jeune, c’est qu’on reconnaît sa juste valeur, ce qui est rare au Liban et c’est malheureux. Je ne peux appeler certains à revenir car ce serait peut-être trop leur demander, d’autant plus que, souvent, ils disposent de solides arguments. Il faut que les consciences s’éveillent car la situation est dramatique. N’oublions pas que le politique influe sur le social et que la crise du marché du travail ne fait que s’amplifier. Jean-Paul MOUBARAK Juriste et opérateur de marchés boursiers
C’est ce genre de question que tout le monde se pose. La réponse n’est guère évidente. Chacun a ses causes. Mais tous se sont donné le mot pour avoir une cause logique et quasimment indiscutable : au Liban, il n’y a pas de travail et encore moins d’avenir.
Je suis loin de partager cet avis. Pourtant, je dois admettre une ou deux choses qui ne me semblaient pas évidentes...