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Actualités - REPORTAGE

L’otage franco-colombienne est détenue par les FARC depuis le 23 février 2002 Cinq ans après son enlèvement, Ingrid Bétancourt poursuit son combat envers et contre tout Par Rania MASSOUD

Le cap des cinq ans est dépassé. Ingrid Bétancourt, l’ex-candidate écologiste à la présidentielle colombienne, est prisonnière des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) depuis le 23 février 2002. Femme hors du commun, elle se battait corps et âme depuis 1994 contre le narcotrafic et la corruption qui empoisonnent la vie politique du pays depuis trop longtemps. Depuis son enlèvement, aucun progrès n’a été enregistré au niveau des négociations de paix entre le gouvernement colombien et les FARC. Pourtant, les efforts diplomatiques de la communauté internationale, surtout ceux de la France, n’ont jamais cessé. Grâce à son combat, Ingrid Bétancourt a donné un nom et un visage à des milliers d’anonymes séquestrés aujourd’hui en Colombie. «Avec le temps, ma mère devient une otage éternelle », a récemment déploré sa fille Mélanie. « Nous n’avons jamais imaginé que la captivité d’Ingrid durerait plus de cinq mois, alors qu’aujourd’hui nous commémorons la cinquième année de son enlèvement », explique à L’Orient-Le Jour Armand Burguet, président de la Fédération internationale des comités Ingrid Bétancourt (Ficib). Plus de 3 000 personnes sont en ce moment retenues en otages en Colombie. Seules une soixantaine parmi elles sont détenues pour des raisons politiques. Leurs ravisseurs réclament un échange de prisonniers. Tous les autres sont des otages « classiques », libérables contre une rançon. Près de 80 % de tous les enlèvements au monde ont lieu dans ce pays. En Colombie, « ni les FARC ni le gouvernement n’ont prouvé leur volonté de résoudre le problème » des milliers de séquestrés, déplore le comité de soutien d’Ingrid Bétancourt. De leur côté, les FARC « restent dans leur rôle de bourreaux en refusant de donner des preuves de vie depuis plus de quatre ans (…) Quant au gouvernement, il a tout fait “pour qu’échouent les tentatives de dialogue” avec les maquisards », menaçant de lancer des opérations militaires « qui mettent en péril la vie des otages », souligne le comité. Mais aujourd’hui, la famille et les sympathisants d’Ingrid, devenue désormais « la plus ancienne otage de nationalité française retenue à l’étranger », voient une nouvelle lueur d’espoir. Le 16 février, la France, la Suisse et l’Espagne ont appelé les autorités colombiennes et la rébellion à s’entendre « rapidement » sur l’établissement d’une « zone de sécurité » en vue de permettre un échange d’otages. Naturellement, la France se montre très engagée dans cette affaire et a assuré, il y a quelques jours, être « plus que jamais » mobilisée pour libérer Ingrid Bétancourt. Le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Denis Simonneau, a fait valoir, lors d’un point de presse la semaine dernière, que le ministre Philippe Douste-Blazy suivait « personnellement et directement cette affaire ». Les FARC, première guérilla colombienne forte de 17 000 hommes, réclament la libération de 57 otages, dont Ingrid, en échange de celle de 500 des leurs détenus par le gouvernement colombien. « La réaction du gouvernement est la suivante : devant ces bandits qui nous menacent tous les jours, il faut redoubler nos efforts », avait martelé jeudi dernier le président Alvaro Uribe, qui refuse tout échange humanitaire et prône une action militaire contre les FARC pour la libération des otages. Solution à laquelle la France est hostile. Dans le passé, ces initiatives se sont soldées par la mort de nombreux détenus, assassinés par la guérilla au moment de l’assaut des militaires. « Le problème est d’autant plus compliqué que, d’une part, Paris n’a aucune légitimité pour intervenir directement dans cette affaire qui oppose principalement le gouvernement colombien et les FARC, explique M. Burguet, et, d’autre part, parce que les autorités colombiennes sont affaiblies par des affaires de corruption et de scandales politiques, ce qui rend les négociations très difficiles. » En effet, la ministre colombienne des Affaires étrangères, Maria Consuelo Araujo, a démissionné la semaine dernière car plusieurs membres de sa famille, dont deux de ses frères et son père, sont accusés de liens avec les groupes paramilitaires. Ces puissantes milices d’extrême droite ont été créées il y a une vingtaine d’années par de grands propriétaires terriens, avec le consentement des autorités, pour défendre leurs exploitations des enlèvements et des attaques de la guérilla, dont surtout celles menées par les FARC. Selon Amnesty International, ces milices sont responsables de 85 % des atteintes aux droits de l’homme en Colombie. Le président Uribe avait répété à de nombreuses reprises qu’il n’accepterait pas la démission de son ministre. Mais il a dû finalement céder aux pressions, d’autant plus que sa propre famille, notamment son frère Santiago, est elle-même mise en cause. Le 2 février, soixante personnalités colombiennes – dont un ex-candidat présidentiel, un ancien ministre, des militaires et des hauts fonctionnaires – ont été appelés à comparaître devant la Cour suprême, toujours pour être interrogées sur leurs liens avec les paramilitaires. « Malheureusement, le problème des séquestrés ne figure pas parmi les priorités de la population colombienne. La mère d’Ingrid et son parti politique “Oxigén” mènent de nombreux contacts et plusieurs campagnes de sensibilisation dans le pays, mais les Colombiens ont des problèmes sociaux beaucoup plus importants à leurs yeux, affirme M Burguet. Ils nous disent souvent : “Ingrid a au moins la chance d’être encore vivante”. Il est vrai que ce n’est malheureusement pas le cas de tous les prisonniers », poursuit-il. En Colombie, l’un des pays les plus dangereux au monde, « le gouvernement dépense des millions de dollars sur l’armement et le blanchiment d’argent au lieu de s’attaquer aux problèmes sociaux du pays », s’indigne le président de la Ficib. Ravagée par plus de trente ans de guerre, la Colombie est aussi le plus grand producteur de cocaïne, et compte le plus grand nombre de syndicalistes et de journalistes assassinés au monde. Plus de 4 millions de Colombiens ont pris le chemin de l’exil et plus de 3 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays. « Je suis consciente du danger, mais il ne me fera pas reculer », avait écrit Ingrid dans son livre La rage au cœur. Cinq ans après son enlèvement, elle tient toujours sa promesse. Propos recueillis
Le cap des cinq ans est dépassé. Ingrid Bétancourt, l’ex-candidate écologiste à la présidentielle colombienne, est prisonnière des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) depuis le 23 février 2002. Femme hors du commun, elle se battait corps et âme depuis 1994 contre le narcotrafic et la corruption qui empoisonnent la vie politique du pays depuis trop longtemps. Depuis son...