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Parce que nous le valons bien

Il y a quelques semaines, la classe politique française célébrait au grand complet et avec reconnaissance et émotion la mémoire des «Justes», ces hommes et femmes, véritables héros de la Seconde Guerre mondiale qui protégèrent, parfois au péril de leur vie, des familles juives, victimes de la barbarie et de la traque nazies. Un parallélisme évident s’imposa à moi. Qui étaient les héros de mon pays? Qui pouvait réellement s’enorgueillir d’avoir mérité ce qualificatif? Après maintes contorsions cérébrales, j’en vins à réaliser que les seuls et véritables résistants de mon pays étaient tout simplement… les Libanais, tous les Libanais. Ce sont les Belinda Ibrahim, Camille Mourani, Albert Sara et autre Tony Khoury, qui clament à longueur de page et à travers leur plume leur refus de voir leur pays disloqué, dilué dans les eaux troubles des règlements de comptes régionaux et internationaux. C’est le Libanais lambda, le boulanger d’en face, l’épicier du coin, le libraire du quartier, l’instituteur de mes enfants, mon voisin, vous et moi qui, chaque matin, trouvons encore l’immense courage de nous lever, de faire les gestes quotidiens malgré les secousses en tout genre, qui trouvons encore avec abnégation des raisons pour ne pas baisser les bras. Ce sont May Arida, Nora Joumblatt, Myrna Boustany, Nidal el-Achkar, et j’en passe, véritables pasionarias de la culture qui, chaque année, ressuscitent le rôle phare du Liban et ses heures glorieuses en y invitant l’élite mondiale de l’art. C’est notre immense diva Feyrouz, qui enflamma trois nuits durant, un certain décembre 2006, le centre-ville de Beyrouth assiégé, criant sa foi en son pays et faisant de sa voix un sublime barrage aux projets de division. Ce sont les étudiants qui, malgré des prévisions de plus en plus pessimistes, continuent de brasser des diplômes pour devenir malheureusement, la mort dans l’âme, les bâtisseurs d’autres pays que le leur. Ce sont les expatriés qui, à chaque Noël, été ou Pâques, débarquent par familles entières pour se ressourcer et retrouver la chaleur de leurs racines, refoulant pour quelques semaines la rudesse de l’exil aussi doré soit-il. Ce sont des familles entières, qui résistent humblement, modestement, silencieusement, dignement, depuis des années et qui ont fait des prouesses de mémoire incroyables pour gommer les malheurs du passé et renouer avec la réputation du Libanais: convivialité, œcuménisme, pluralisme, culture, bonheur – à vie tout simplement, quoi. Qu’a-t-on donné en échange à ce peuple? Comment l’intelligentsia politique l’a-t-elle honoré? Qu’a-t-on offert à ces résistants après 30 ans de guerre, d’instabilité, de chômage, d’exode, de sacrifices pour des causes qui ne sont pas les leurs, de destruction, d’exil, de morts si injustifiées, de carnages, de voitures piégées? On n’a trouvé rien de mieux que de les aliéner, d’en faire tantôt les otages de projets et convoitises personnelles, tantôt des victimes non consentantes de pactes criminels et, au pire, des acteurs, souvent malgré eux, de vaudevilles burlesques et de scénarios suicidaires. Pourtant nous avons, après toutes ces années de souffrances collectives, mérité le droit d’exiger notre dû le plus fondamental: une patrie libre, souveraine, où la voix de chaque citoyen compte et non un terrain d’expériences ou de jeux pour les dirigeants les plus machiavéliques de la terre. Pourquoi cette exigence? Parce que nous eûmes les Phéniciens comme ancêtres, parce que nous donnâmes au monde l’alphabet, parce que nous exportâmes des Gibran Khalil Gibran, des Charles Malek et des Georges Corm, parce qu’Amin Maalouf, Élie Saab, Carlos Ghosn, Charles Elachi, Nicolas Hayek sont libanais, parce que nous subîmes sans vaciller les pires complots et nous donnâmes au monde entier, malgré tous nos malheurs, une magistrale leçon de vie, parce que nous avons le Liban chevillé au corps, celui de Gebrane et de Samir, un Liban éternel, panaché, bigarré, passionné, insoumis, immortel et universel. Parce que, tout simplement – comme le dirait une pub de cosmétique –, nous le valons bien, pardi! Dr Maria BASSIL
Il y a quelques semaines, la classe politique française célébrait au grand complet et avec reconnaissance et émotion la mémoire des «Justes», ces hommes et femmes, véritables héros de la Seconde Guerre mondiale qui protégèrent, parfois au péril de leur vie, des familles juives, victimes de la barbarie et de la traque nazies.
Un parallélisme évident s’imposa à moi. Qui étaient...