À la recherche d’un leader

Si, aujourd’hui, dans l’ambiance explosive qui enveloppe notre paysage politique, une personne, pour peu qu’elle soit patriote, pondérée et donc digne de confiance, lançait un appel clair et haut à l’insurrection contre la violence, elle aurait de fortes chances de rassembler autour d’elle des foules nombreuses. Plus nombreuses peut-être que celles qui s’agglutinent aux pieds des leaders actuels. Ce n’est pas de l’utopie. Tout a bien un commencement. Il suffit de courage et de conviction. Il ne faut pas se résigner à l’idée qu’il existe, dans l’arène politique, suffisamment d’acteurs et qu’il n’y a point de place pour un nouveau. Rien de plus faux, surtout si ce nouvel acteur joue un rôle qui n’a encore jamais été joué, selon un scénario peut-être pas inédit, mais jamais encore mis en scène. Cette personne, afin de présenter spectaculairement une vision politique qui sortirait des sentiers battus, pourrait par exemple recourir aux médias audiovisuels qui ont un impact incontestable sur l’opinion publique. Me Salah Honein, ancien député, avait expliqué dans ses articles parus dans an-Nahar du 8/11/06 et dans L’Orient-Le Jour du 17/11/06 sa perception d’un État libanais neutre. Ce juriste émérite s’est certainement employé à élaborer un plan précis visant à maintenir notre pays hors de toutes les luttes régionales et internationales qui le minent. Il ne devrait donc pas s’arrêter à la seule présentation de son idée. Pourquoi n’entreprendrait-il pas une véritable démarche médiatique en exposant, sur le ton serein mais déterminé qu’on lui connaît, un projet auquel se rallieraient aussitôt un très grand nombre de citoyens? Lui ou tout autre, muni d’idées altruistes, pourrait, à travers des discours sages et pacifistes, interpeller les jeunes et les moins jeunes, toutes confessions confondues, pour qu’ils prennent conscience de la vanité de leurs combats fratricides et orientent leur attention sur ce que devraient être leurs vraies préoccupations et aspirations. Le candidat au leadership, qui serait suffisamment motivé pour oser une telle initiative, devrait créer une nouvelle matière qui nous détournerait de celles qu’on nous a jusqu’à présent contraint à potasser. Il ne devrait plus revenir sur les problèmes qui échauffent les esprits inutilement et depuis trop longtemps. Il ne devrait pas s’attarder par exemple sur la question de gouvernement d’union nationale ou sur celle d’élections législatives anticipées. Car ce sont là des problèmes fabriqués de toutes pièces pour satisfaire les ambitions des pays étrangers et celles de leurs sbires chargés d’asseoir leur hégémonie. Ce n’est pas seulement de se positionner à égale distance de toutes les parties que nous demandons au nouveau chef. Nous l’exhortons à se placer au-dessus des litiges, et de se consacrer à des enjeux et à un programme totalement neufs. Ce ne sont donc pas les éternels appels au dialogue dont nous avons besoin; il faudrait une idée ingénieuse qui nous sortirait de cette sphère vicieuse, et orienterait dans d’autres directions nos élans et nos priorités. Elle nous transporterait sur une autre plate-forme et renforcerait notre cohésion. Car les Libanais auront compris que leur salut se trouve hors des conflits et de la sujétion à des forces égoïstes. Certes, la tentative est délicate car les manipulations et l’endoctrinement sont déjà profondément ancrés, mais semer un germe de liberté est toujours bénéfique. Une large tranche de la population attend d’ailleurs impatiemment une stimulation pour sortir de son angoisse et de son abattement. Elle ne s’est jamais identifiée à aucun des camps en présence; elle ne s’est jamais sentie représentée. En outre, beaucoup d’autres citoyens, déçus de leurs chefs, se sont ravisés. Ils ne veulent plus déraper et s’enliser dans des combats fanatiques qui ne leur ont apporté que désolation, destruction et mort. Ils attendent eux aussi une autre alternative. Ils sont à la recherche d’un leader qui leur tient un langage de modération, de tolérance et d’amour. Un leader soucieux de leur qualité de vie et de leur bien-être. Ce leader, dont ils ressentent avec acuité l’absence, il est temps qu’il apparaisse. À bon entendeur, salut! Claude ASSAF Avocate