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Actualités - OPINION

FEUILLE DE ROUTE Pour abréger les souffrances des Libanais Michel HAJJI GEORGIOU

Par-delà la pulsion suicidaire, qui pousse sans cesse les leaders maronites à se détruire et s’autodétruire en collectif chaque quelque temps ; Par-delà la violence symbolique dans le discours, qui s’apparente beaucoup plus au terrorisme psychologique et à une véritable guerre verbale qu’au débat politique ; Par-delà ce recours excessif de toutes les parties, depuis un an, à la logique numérique et de mobilisation des masses sans aucune espèce de considération pour les principes de base de la démocratie consensuelle ; Par-delà cette persistance à instrumentaliser, à exploiter les libertés publiques jusqu’aux limites de la liberté et au début du chaos, et en espérant que la sagesse et le souci du bien commun l’emporteront sur la folie et la perte de sens ; Par-delà la volonté d’entraîner le Liban dans des contrées qui pourraient ébranler sérieusement sa souveraineté à peine recouvrée et le cadre juridico-politique sur lequel repose le système politique tout entier, alors que le Liban ne peut réellement exister que dans la neutralité ; Par-delà le tuteurage international du Liban, ceux qui sont pour et ceux qui sont contre, ceux qui parlent de « tutelle mondiale » franco-américaine et de dépendance croissante sur le plan économique et ceux qui accusent les autres de flirter de manière outrancière avec Damas et Téhéran au point de vouloir paralyser le pays ; Par-delà la polarisation savamment entretenue de part et d’autre et qui ne laisse plus aucun espace à l’existence d’un centre politique, garde-fou nécessaire pour maintenir un équilibre salvateur au sein de la société ; Par-delà le suivisme effarant des jeunes, autrefois artisans d’un printemps de vie et gardiens des libertés publiques lorsque personne n’osait élever la voix, et transformés aujourd’hui en carburant de luttes politiques, désormais prisonniers de slogans stériles ; Par-delà le climat de terreur que l’on cherche à instaurer, et qu’il faut banaliser, toujours banaliser et encore banaliser sans jamais se laisser impressionner ; Il faudra bien un jour, très bientôt, le plus rapidement possible, que tout le monde accepte l’idée selon laquelle nul ne sortira vainqueur de ce bras de fer. Le seul résultat concret susceptible d’émerger de cette interminable lutte, c’est l’érosion des structures politiques, sociales et économiques sur lesquelles le pays repose, une destruction totale du cadre institutionnel et civil au profit d’un retour des espaces fermés communautaires et claniques. Par conséquent, il n’y a pas d’issue, une fois de plus, hors du compromis. Sinon, personne ne sortira d’ici vivant. C’est le modèle libanais tout entier qui est en train d’imploser progressivement, avec la participation active de tous. Le compromis de 1943 avait été générateur, à travers sa double négation historique, d’une souveraineté libanaise. Le compromis de Taëf, qui devait restaurer la paix civile, aurait pu être créateur de souveraineté, s’il n’y avait pas eu une concession de souveraineté à la base en faveur de la Syrie. Avec le retrait syrien et l’intifada de l’indépendance, il y avait ce fol espoir de voir les responsables libanais dialoguer librement entre eux, sans tuteur, sans pressions, et sceller un nouveau pacte interlibanais d’indépendance consacrant le vouloir-vivre ensemble comme projet essentiel du Liban et la construction d’un État de droit comme objectif fondamental. L’occasion ou jamais de détromper l’éternel argument syrien selon lequel « les Libanais sont des clans en conflit perpétuel qui ne peuvent pas coexister ». Faute de quoi c’est dans un enfer quotidien que les Libanais se sont retrouvés, un enfer qui dure depuis ces fameuses élections législatives, et, une fois n’est pas coutume, la polarisation politique a ouvert grande la voie à une manipulation régionale et internationale, avec comme un goût désagréable de déjà-vu à l’arrivée. Une analyse à froid de la situation pourrait signifier que cette grève aujourd’hui constitue la dernière escalade, et donc la dernière bataille, celle qui pourra permettre à chacun d’améliorer ses positions avant le compromis, ce qui pourrait expliquer cet acharnement chrétien à se mettre en première ligne, pour recouvrer une place prépondérante au sein d’un système politique duquel ils ont été presque bannis durant les quinze dernières années. Il s’agit là d’une analyse optimiste des événements. Une analyse pessimiste voudrait que l’affaiblissement permanent guette ceux qui pensent qu’ils sont en train de reconquérir la splendeur perdue, et que l’affaiblissement d’une partie se répercute négativement sur l’ensemble de la formule libanaise, qui existe dans sa globalité et sa complexité, avec toutes ses composantes, ou qui cesse d’exister. Mais, au final, si quelqu’un doit gagner, si une option doit l’emporter sur l’autre, la victoire ne sera pas totale, parce que l’expérience a déjà prouvé que personne ne peut être marginalisé au Liban et que le système appelle spontanément à un rééquilibrage dès qu’il est en proie à un dysfonctionnement. Il faudra alors trouver un compromis, admettre que le pays est profondément divisé et abréger les souffrances des Libanais, ceux en tout cas qui n’en peuvent plus des campagnes d’accusations et de contre-accusations, d’escalades et de désescalades. Il y a trop de patriotes dans ce pays, autant qu’il y a de perceptions différentes du Liban. Et le plus grave, c’est que chacun est disposé à aller jusqu’au bout de sa logique. Sauf que le compromis ne pourrait se faire dans un sens qui va à l’encontre des fondements mêmes du Liban. Il ne pourrait compromettre une fois de plus la souveraineté retrouvée du pays au profit de Damas, de Téhéran, de Tel-Aviv ou de quiconque. Il ne pourrait consacrer un projet autre que le projet commun sur lequel toutes les composantes libanaises se mettront d’accord, qu’il soit celui d’un État civil unitaire, d’une citoyenneté active, d’une neutralisation du Liban, d’un régionalisme ou d’un fédéralisme ; en bref, la formule, quelle qu’elle soit, sur laquelle ils s’entendront, librement. Cela suppose évidemment l’abandon des projets régionaux, des tentatives communautaires, de part et d’autre, d’accaparement du pouvoir, des discours à caractère fasciste, populiste et démagogique, de la tyrannie des masses, des armes qui échappent au cadre de la légalité. Face à ce véritable capharnaüm, et à l’heure où la classe politique est empêtrée dans ses propres calculs, où chacun semble prisonnier de sa logique pour améliorer, par la force, sa place dans le système, c’est à la société civile, à la majorité silencieuse qu’il revient de maintenir ce pays en vie. Il existe dans ce pays une opinion publique transversale, multicommunautaire, qui est le véritable atout démocratique, la force première du Liban. C’est à elle de se manifester, par tous les moyens, pour barrer la route à tout ce qui menace l’être libanais ; Pour préserver les acquis démocratiques du 14 Mars ; Pour paver la voie à un renouvellement des élites politiques sans lequel le pays est condamné ; Pour que le Liban puisse enfin se remettre à exister.
Par-delà la pulsion suicidaire, qui pousse sans cesse les leaders maronites à se détruire et s’autodétruire en collectif chaque quelque temps ;
Par-delà la violence symbolique dans le discours, qui s’apparente beaucoup plus au terrorisme psychologique et à une véritable guerre verbale qu’au débat politique ;
Par-delà ce recours excessif de toutes les parties, depuis un...