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Anissé el-Amine : L’insécurité fondamentale des Libanais à l’origine des clivages actuels

Malgré l’existence de plusieurs facteurs sociohistoriques et psychiques qui prédisposeraient les Libanais à la confrontation, Anissé el-Amine est convaincue que ces derniers ne passeront pas à l’acte, éludant dès le départ l’éventualité d’une guerre civile. Pour cette psychanalyste, la haine et l’hostilité sont certes présentes au sein des différents « clans politiques », mais non perverses, tant qu’elles sont exprimées et extériorisées sous plusieurs formes. « Nous sommes effectivement dans une situation de haine cultivée par le discours politique et par les médias, qui contribuent désormais à approfondir les clivages en présence », affirme la psychanalyste. Cependant, le facteur de risque que représente la polarisation de part et d’autre est atténué par le fait que la charge de violence et d’agressivité latente est continuellement exprimée, que ce soit verbalement, à travers les slogans, les blagues ou les déclarations, ou encore grâce aux mouvements de rue, devenus, selon elle, « une véritable thérapie pour les uns et les autres ». « Le risque est là, soutient Mme el-Amine, mais il reste gérable d’un côté comme de l’autre, même en présence d’incidents sécuritaires qui continueront de ponctuer la scène interne. » L’analyste estime en outre que le panachage communautaire qui existe au sein de chaque clan politique est un facteur rassurant permettant notamment de résorber, sinon d’atténuer les tensions. Toutefois, dit-elle, on ne saurait comprendre cette cristallisation des antagonismes dont témoigne la société libanaise que si l’on essaye de comprendre « l’insécurité fondamentale chez les Libanais », que réveillent à chaque fois l’absence des lois et la paralysie des institutions. « Cette insécurité renouvelle chez le peuple libanais une angoisse profonde qui s’accompagne d’un lot d’images reflétant toutes les atrocités vécues par les gens à travers l’histoire tumultueuse du pays. Cette angoisse profonde réveille au sein de chaque communauté des niveaux très archaïques, notamment celui des appartenances, exacerbant par conséquent tout ce qui est pulsionnel. » Pour cette analyste, la réflexion doit se faire au niveau de la problématique propre à chaque communauté, définie à travers l’histoire récente du fondement du pouvoir dans le monde arabo-musulman. « Pour le sunnite, son insécurité ne peut se comprendre qu’à la lumière du prolongement arabe dont il bénéficiait au cours de l’histoire, et qui se trouve aujourd’hui menacé par le nouvel équilibre politique et socioreligieux en gestation. Pour le chiite, son insécurité s’explique par sa hantise profonde d’être marginalisé ou expulsé du système. C’est pour cela qu’il aspire, aujourd’hui plus que jamais, à la patrie, entendue comme un partenariat. » Le maronite, quant à lui, continue à ce jour de parler du Liban, et non de la patrie, « une entité qui reste pour lui à définir ainsi que sa relation avec les autres communautés en présence ». Les druzes, enfin, continuent de se percevoir comme une minorité menacée dès que la question de leur statut est remise en cause quand les grandes communautés cherchent à s’imposer, explique l’analyste. Le discours politique est venu ainsi « rationaliser et gérer ce sentiment d’insécurité profonde chez chaque communauté et justifier, pour les uns et les autres, leur façon d’être politisés dans l’un des deux clans. D’où leur pratique de ce qu’elle appelle “la cécité voulue de la représentation de l’autre”, autrement dit le rejet de l’autre ». C’est ainsi qu’on explique l’attitude par exemple d’un Walid Joumblatt qui fait la distinction entre les acteurs agissant sur la scène politique en usant de l’expression : « Eux et nous ». C’est également sous ce prisme que l’on peut comprendre « l’animosité verbale » exprimée dans les slogans auxquels ont recours les différents protagonistes qui essayent de se défendre de manière très narcissique, dit-elle. Autant de points de fracture qui enveniment, certes, les relations entre les citoyens, mais qui ne conduiront jamais au divorce total, insiste Mme el-Amine. D’où la nécessité de déployer des efforts notoires pour essayer de neutraliser, dans la mesure du possible, les deux pôles en présence.
Malgré l’existence de plusieurs facteurs sociohistoriques et psychiques qui prédisposeraient les Libanais à la confrontation, Anissé el-Amine est convaincue que ces derniers ne passeront pas à l’acte, éludant dès le départ l’éventualité d’une guerre civile. Pour cette psychanalyste, la haine et l’hostilité sont certes présentes au sein des différents « clans...