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Actualités - OPINION

Et Dieu créa la femme…

On raconte que lorsque les Amérindiens virent s’approcher de leurs côtes des bateaux dans lesquels ne prenaient place que des hommes, ils comprirent que ceux-ci allaient leur faire la guerre… Les Amérindiens, de par leur culture, étaient très respectueux de la Terre-Mère, celle qui permet et entretient la vie, et ils valorisaient pour cette raison la femme et le féminin. Deux logiques semblent donc s’affronter : d’un côté, le monde masculin, avec son goût prononcé des idées et des grands idéaux, au risque de les préférer à la réalité et à la vie humaine. Avec une valorisation de la force sous toutes ses formes, au risque d’accepter un recours à la violence, même si elle porte atteinte à la vie. De l’autre, le monde féminin et sa perception très concrète de la réalité, au risque de manquer de vision, ainsi que sa relation étroite avec le mystère de la vie et son attitude protectrice vis-à-vis de la vie, au risque de ne pas oser bousculer l’ordre établi. En fait, loin de s’affronter, les deux approches sont complémentaires et elles sont appelées à entrer en dialogue l’une avec l’autre pour parvenir à un équilibre fécond au sein des sociétés humaines, au cœur des relations hommes-femmes et, plus fondamentalement, dans l’intimité de chaque personne. Le malheur, dans nos sociétés patriarcales, c’est que l’approche masculine domine l’approche féminine, ne lui permettant pas d’exercer son rôle de régulateur. Et l’on en arrive à ce que d’aucuns appellent « une culture de mort », une culture où règne un mépris souverain de la vie humaine, voire une culture du désespoir tant l’horizon semble bouché. Pourtant, sur tous les continents, l’histoire contemporaine fourmille d’exemples de femmes qui ont su faire entendre leur voix et poser des actes prophétiques en faveur de la vie. Amérique latine, années 1970 : au Chili et en Argentine des opposants politiques aux régimes dictatoriaux en place disparaissent. Des femmes se mobilisent. Pacifiquement et patiemment, elles manifestent pour dénoncer les pratiques de ces régimes et surtout « pour la vie ». Elles brandissent des photos de maris, d’enfants, de frères et de sœurs disparus. Aujourd’hui encore, à Cuba, les femmes portent sur leurs T-shirts les photos de ceux qu’elles recherchent. Irlande du Nord : la guerre fratricide entre catholiques et protestants n’en finit pas. Des femmes issues des deux clans se retrouvent pour dire « non » aux massacres. Omniprésentes aujourd’hui, elles sont sollicitées pour débloquer les discussions et le pays leur doit plus d’un cessez-le-feu. L’Algérie, du temps où sévissait le Groupe islamiste armé ; le Rwanda, à l’époque de la guerre civile : encore et toujours, des femmes se mobilisent pour la vie. Au Liban, depuis plusieurs mois, des femmes campent devant l’Escwa pour réclamer le retour ou tout au moins la vérité sur le sort de leurs proches incarcérés dans les prisons syriennes. Et récemment, on a pu voir une délégation de femmes des familles de « martyrs » se rendre à Bkerké pour dire « Ça suffit. Nous ne voulons plus de morts. Nous voulons que nos enfants vivent ». Un chrétien ne peut pas oublier qu’à l’exception de l’apôtre Jean, seules des femmes ont accompagné le Christ jusqu’au pied de la Croix. Il y a une capacité de résistance, une patience, un courage et une force de caractère spécifiquement féminins et ceux-ci s’expriment lorsque la vie est menacée. De par sa constitution biologique, la femme est conservatrice dans son essence même. Parce qu’elle donne la vie, elle sait que la vie est sacrée et qu’aucune idée, aucun projet ne vaut qu’on lui sacrifie des vies humaines. Il lui revient d’aider l’homme à en prendre conscience, l’homme dont la Bible nous dit qu’elle est l’aide privilégiée, la partenaire, et qu’elle a pour mission de révéler à lui-même. L’homme qu’il lui revient d’aider à se réaliser en plénitude, à s’humaniser. En effet, la Bible nous apprend que « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa ; homme et femme il les créa » (Gn 1, 27). Dans une perspective biblique, c’est parce que l’être humain est à l’image de Dieu, parce qu’il est « capable de Dieu », que chaque être humain est sacré. Par ailleurs, Dieu a créé des êtres humains de sexe différent, chaque sexe comportant en soi une certaine image de Dieu. Mais Il a également créé cette différence au sein de l’être humain, chaque personne ayant en elle-même une part masculine et une part féminine, et c’est dans le fait d’assumer cette bipolarité dynamique qu’elle est à l’image de Dieu. Par nature donc, l’être humain est un être de relation et c’est la rencontre avec l’autre, dans sa différence, qui le révèle à lui-même, qui lui permet de devenir lui-même et qui est de ce fait même source de vie. La Bible nous dit également que si l’homme est potentiellement « à l’image de Dieu », il est invité à exercer sa liberté pour choisir de Lui ressembler. Car « on ne naît pas Homme, on le devient par les choix que l’on pose et qui nous construisent » (François Varillon), les choix, petits ou grands, qui sont porteurs d’un surplus de vie. Créé libre, l’homme a toujours la possibilité de régresser bien en-deçà de l’animalité, possibilité bien réelle si l’on en croit ce que les médias nous montrent chaque jour. En ce début de XXIe siècle, force est de constater que l’histoire a été largement écrite par et pour les hommes et que les sociétés sont largement marquées par une approche masculine de la réalité. Ce n’est pas un hasard si cette approche « borgne » de la réalité nous conduit à une impasse. La Bible nous enseigne que la femme fait l’histoire d’abord parce qu’elle met au monde, par sa maternité. Elle décrit également la femme comme celle qui sauve quand tout semble perdu : la femme écrit un autre aspect de l’histoire. Dans une perspective chrétienne, c’est par une femme que le Salut est entré dans le monde : Marie a donné naissance à Jésus, le Christ, l’Homme accompli, l’Homme pleinement humain. À nouveau, c’est aux femmes qu’il revient de jouer un rôle déterminant dans l’histoire du Salut, à faire œuvre de civilisation : révéler les hommes à eux-mêmes, les aider à se réaliser en plénitude, à s’humaniser ; leur apprendre à préférer la vie, parce qu’elle est sacrée, à faire des choix porteurs d’un surplus de vie. En un mot, à « renaître »… Katia WEHBÉ Professeur de culture religieuse katia_wehbe@ndj.edu.lb
On raconte que lorsque les Amérindiens virent s’approcher de leurs côtes des bateaux dans lesquels ne prenaient place que des hommes, ils comprirent que ceux-ci allaient leur faire la guerre… Les Amérindiens, de par leur culture, étaient très respectueux de la Terre-Mère, celle qui permet et entretient la vie, et ils valorisaient pour cette raison la femme et le féminin....