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L’air de la bêtise

Salut à toi, Dame Bêtise, toi dont le règne est méconnu… (Jacques Brel) Il règne au Liban un air de bêtise absolument effarant. Cet air, plus polluant que le plus polluant des gaz, affecte en particulier l’homo libanicus debilicus. En réalité, il ne s’agit pas d’une nouvelle espèce, mais plutôt d’une régression génétique contagieuse, capable de ramener une personne au niveau intellectuel de l’homme de Neandertal. Comment reconnaît-on l’homo libanicus debilicus ? Il a entre 16 et 24 ans, parfois davantage. Il assiste à des réunions d’un parti en vogue et s’en contente, atteint l’orgasme dès qu’il voit le portrait du chef ou entend un klaxon politisé. Dans un cas, il reprend des couleurs quand il voit l’orange, le jaune ou le vert. Dans l’autre, ces couleurs lui font voir rouge ce qui, avec le bleu, est sa couleur fétiche. Avec tous ses confrères qui nous en font voir de toutes les couleurs, il développe des thèses visant à contrecarrer celles du coloré d’en face. Dans les deux cas, le niveau d’argumentation est tellement bas qu’il plonge jusqu’à découvrir du pétrole, plutôt du côté de l’océan Pacifique. À court d’arguments intelligents, les uns sortent le portrait d’un général qui n’a jamais gagné une bataille, les autres d’un médecin moins un qui (grâce au ciel !) n’a jamais soigné personne. À l’occasion, on s’approprie un martyr avant de se taper dessus. Ça s’appelle la démocratie et la sauvegarde de la République. Option bananière. Heureusement que nous sommes un peuple instruit, héritier de 6 000 ans de civilisation (qu’est-ce que ça aurait été si nous avions été des barbares !) et que nous savons profiter des leçons de l’histoire. Les fasci de Benito Mussolini, les Jeunesses hitlériennes, les komsomols soviétiques et même leur pâle réplique de la Jeunesse baassiste, tout cela ne nous fait pas frémir. Nos partis reprennent les mêmes techniques, avec des jeunes gens pleins, au départ, des meilleures intentions, mais qui se transforment progressivement en machine à reproduire l’argumentation officielle du parti et à sanctifier le chef. L’homo libanicus débilicus ne réfléchit pas, il exécute, il répète. Il a appris que, quand il voit l’autre, il doit taper. Peu importe qui ou pourquoi, ceux qui prennent les coups ont sûrement tort. L’ironie de cette histoire est que leurs chefs sont à l’abri des coups. Ils se dorent l’un au flanc d’une colline, l’autre au sommet d’une montagne, bien protégés et, parfois, déjeunent ensemble. Ils respirent le bon air frais, insouciants devant les drames vers lesquels ils poussent le pays. L’un prétend se préoccuper de la République plus que de la présidence et l’autre faire le choix exclusif de l’État. La République, c’est comme Dieu, on commet les pires crimes en son nom. Dans les années 1920 et 1930, les régimes totalitaires embrigadaient la jeunesse pour l’« éduquer ». Il leur fallait procéder à un lavage de cerveau afin de lui inculquer une idéologie criminelle. Le culte du chef à travers les portraits géants, les couleurs ou les sigles fétiches, les rassemblements gigantesques, tout ce qui pouvait frapper la mémoire et le subconscient, rien n’était laissé au hasard. Nous ne faisons que copier. Mais cette jeunesse-là avait une excuse : elle n’avait accès à aucune autre information, à aucune contre-argumentation, à aucun critère de comparaison, ce qui ne l’a pas empêché de connaître des désastres. En revanche, la jeunesse libanaise est d’autant plus coupable qu’elle a accès à l’information et à une lecture critique et intelligente. Les partis politiques qui opèrent un endoctrinement scandaleux ne sont pas les seuls fautifs. Demain, l’homo libanicus debilicus ouvrira les yeux sur un pays exsangue. Il rejettera la faute sur son chef ou sur l’autre, sans prendre conscience de la sienne. Il voudra laisser la génération suivante répéter la même erreur, mais découvrira alors qu’il n’y a plus de génération suivante. Edmond CHIDIAC Article paru le samedi 2 décembre 2006
Salut à toi, Dame Bêtise,
toi dont le règne est méconnu…
(Jacques Brel)

Il règne au Liban un air de bêtise absolument effarant. Cet air, plus polluant que le plus polluant des gaz, affecte en particulier l’homo libanicus debilicus. En réalité, il ne s’agit pas d’une nouvelle espèce, mais plutôt d’une régression génétique contagieuse, capable de ramener une...