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Actualités - OPINION

LE POINT Washington-sur-l’Euphrate

« Teflon » Tony n’est pas homme à prendre le train en marche ; plutôt à le devancer, non sans l’avoir entendu siffler. Il vient de prouver son sens du timing une fois de plus en demandant à la Syrie et à l’Iran de s’impliquer dans les efforts de paix au Proche-Orient, surtout en Irak. S’il l’a fait, c’est bien entendu avec la bénédiction de la Maison-Blanche, mais aussi parce qu’il sait pertinemment que ce nouvel élément dans le jeu régional doit occuper une place de choix dans un rapport diligenté par l’Administration américaine. Hier, les dix membres de la commission chargée de l’élaboration du document final, James Baker et Lee Hamilton en tête, ont rencontré le chef de l’Exécutif pour lui soumettre leur analyse de la situation et leurs recommandations. Peu rassurante, s’agissant de la première ; révolutionnaires pour les secondes. Que l’on se souvienne. Au départ, les Américains avaient prévu un scénario propre à inspirer la plus douce des euphories, comprenant l’effondrement de la dictature après la découverte de sites d’armes de destruction massive couvrant le territoire, une pluie de pétales de roses accueillant les GI à l’issue de leur promenade à travers le pays, enfin la mise en place d’un régime censé servir d’exemple aux autres États arabes assoiffés de démocratie. Mieux encore : en avril 2003, les néoconservateurs paradaient dans les salles de rédaction et les salons politiques washingtoniens en annonçant que le successeur de Saddam Hussein allait commencer par reconnaître Israël, montrant ainsi la voie à ses pairs arabes. Las ! Quarante-deux mois plus tard, le vieil ami de la famille Bush a été rappelé d’urgence pour sauver les deux années qui restent de la présidence d’un matamore qui s’était un peu trop rapidement dépêché d’annoncer, à bord du porte-avions USS Abraham Lincoln, un certain 1er mai 2003 : « Mission accomplie. » En d’autres termes, à tenter de recoller les morceaux de la porcelaine mésopotamienne réduite en miettes par l’éléphant yankee. La mort dans l’âme, on s’apprête donc à tendre la main à deux membres de l’Axe du mal tant honni, faute de pouvoir envoyer sur place des renforts (les 140 000 hommes déjà sur place étant dangereusement étirés), d’être en mesure de pacifier une capitale et des provinces livrées à l’anarchie milicienne, ou même de concrétiser une partition impossible à réaliser. Dans un article retentissant publié il y a deux jours, le vénérable Washington Post s’interrogeait anxieusement, évitant de répondre à la question : « Y aurait-il une solution valable ? » Oui – une affirmation à manier avec beaucoup de précaution – si l’on accepte enfin de replacer la question irakienne dans le contexte plus large de la région. Oubliez les rêves démocratiques, s’apprête à dire l’ancien secrétaire d’État de Bush père, et regardez les choses comme elles sont et non pas comme vous voudriez qu’elles soient. Ainsi, le réalisme consiste à tenter de freiner la montée en puissance de Moqtada el-Sadr, à constater que le gouvernement de Nouri el-Maliki n’est pas meilleur que celui de Iyad Allaoui, qu’il faudra bien un jour prochain se résoudre à demander aux anciens baassistes de rempiler, cette fois sous la bannière d’un nouveau maître – et certainement d’une nouvelle idéologie. Damas, Téhéran, l’ex-Baas, des financiers de la résistance comme Rachid Taan Kazem... Cela fait pas mal de diables avec qui s’allier. Mais un éventuel règlement passe souvent par de tels pactes et ce n’est pas Henry Kissinger – un visiteur assidu, ces temps-ci, du bureau Ovale – qui affirmera le contraire. Le rapport de l’« Iraq Study Group » ne sera prêt qu’en décembre ou, au plus tard, en janvier prochain. D’ici là que peut-il se passer ? Une aggravation plus nette de l’insécurité, un laminage plus grand de la cote de popularité du président, un effondrement du cabinet irakien, des enquêtes en cascade qu’entreprendrait un Congrès devenu, depuis le 7 novembre, résolument démocrate, qui prouveront l’étendue véritable des dégâts occasionnés par l’annonce d’un Austerliz politique qui a rapidement tourné à un Waterloo. Les séances de travail avec l’ISG, entamées lundi et devant s’étaler sur trois jours, incluent, outre Bush, le vice-président Dick Cheney, et le conseiller à la Sécurité nationale Stephen Hadley. Blair sera convié à y prendre part par vidéo-conférence, de même que les membres du « shadow cabinet » démocrate pour la politique extérieure : l’ancienne secrétaire d’État Madeleine Albright, Sandy Berger, ex-bras droit de Bill Clinton, et l’ambassadeur Richard Holbrooke. Trois heures avant la première réunion, le porte-parole présidentiel Tony Snow a cru devoir agiter l’ombre d’un bâton en direction de Damas et de Téhéran. Mais la fermeté estampillée républicaine, on sait depuis six ans ce que cela veut dire. Christian MERVILLE
« Teflon » Tony n’est pas homme à prendre le train en marche ; plutôt à le devancer, non sans l’avoir entendu siffler. Il vient de prouver son sens du timing une fois de plus en demandant à la Syrie et à l’Iran de s’impliquer dans les efforts de paix au Proche-Orient, surtout en Irak. S’il l’a fait, c’est bien entendu avec la bénédiction de la Maison-Blanche,...