Religion - Cérémonies vaudou riches en couleurs et en sons En Haïti, des graines et des fruits servis aux morts

Sous un « péristyle », le temple des adeptes du vaudou, religion populaire d’Haïti, des femmes vêtues de blanc et mauve forment un cercle autour de trois prêtres qui entament des prières : la cérémonie d’hommage aux morts commence. Un peu plus tôt dans la matinée, des vaudouïsants s’étaient rendus dans des cimetières de Port-au-Prince et avaient organisé des processions aux morts. En Haïti, le jour des morts est célébré lors de cérémonies riches en couleurs et en sons, organisées dans les temples et autres lieux sacrés. Dans un quartier de Pétion-ville, dans la banlieue est de Port-au-Prince, Widner Dumay, maître vaudou, et Lamercie, prêtresse en chef du temple « Brave Guédé Nibo » (esprit brave et authentique, en créole), accueillent plusieurs dizaines de personnes de toutes couches sociales. Une figure géométrique, le « vèvè », tracée autour d’une colonne en bois dans le « péristyle » représente le cercle des initiés et le signe cabalistique des vaudouïsants. Pour eux, ce signe est une invitation aux esprits. De petits plats composés de graines diverses et de fruits servis dans un récipient taillé dans du bois sont également offerts aux morts. « Nous croyons qu’ils viendront manger, car en ces jours nous honorons les esprits ou “loas” », explique Widner Dumay, un professeur de sciences sociales et maître de la religion vaudou. Après les esprits, l’assemblée, dans laquelle ont pris place de nombreux démunis du quartier, sera à son tour servi. Sous la tonnelle du temple « Brave Guédé » montent en chœur des chants empruntés à l’Église catholique que des hommes et des femmes répètent en se dodelinant, les yeux fermés. « Grâce Marie, grâce, Jésus pardonnez-nous », lance un des célébrants après avoir récité le Notre Père. Inspiration catholique Les saints chrétiens sont évoqués au même titre que les divinités du vaudou qui y trouvent des équivalents. Ainsi, saint Gérard est « Guédé Nibo » (esprit authentique) et mont Carmel « Erzulie » (déesse de l’amour). « La religion catholique et la religion vaudou se rapprochent mystiquement et les deux ont les mêmes racines chrétiennes », revendique Widner Dumay, en dénonçant ceux qui tentent de diaboliser sa religion. « Le vaudou est plus qu’une religion, c’est une philosophie et une manière de vivre dans l’amour, la paix et la solidarité, soutient-il, en montrant du doigt l’assistance en train de manger. C’est la religion du peuple. » Le vaudou est pratiqué par la majorité des 8 millions d’habitants d’Haïti. Après les prières chrétiennes psalmodiées par les célébrants, les chants typiques au vaudou soutenus par des percussions débutent tandis que de l’alcool est distribué dans des bouteilles qui passent de bouche en bouche. Femmes et hommes se déhanchent alors au rythme de la musique et des incantations qui résonnent. Tour à tour, les danseurs seront alors possédés par les « loas » lors de transes au cours desquelles les Haïtiens délirent et racontent des histoires que seuls les initiés prétendent décoder. Shelda, 16 ans, venue avec un copain assister pour la première fois à une cérémonie, surgit de la foule, se jette au milieu du cercle et se saisit d’une machette qu’elle frappe avec frénésie sur le sol. « Elle n’est pas encore baptisée, le “loa” qui l’a chevauchée peut être très sauvage », explique un habitué des cérémonies vaudou. Il a fallu toute la dextérité de Widner et Lamercie pour la maîtriser. Pendant toute la cérémonie, les « loas » se saisiront au hasard des hommes et des femmes jusqu’au moment du sacrifice, qui verra des chèvres et des poulets tués en l’honneur des divinités venues faire des révélations à leurs sujets.