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CORRESPONDANCE - La biographie vestimentaire de Marie-Antoinette Une reine «fashionista» jusqu’à l’échafaud WASHINGTON - Irène MOSALLI

Bien avant que Coco Chanel ne se glisse dans des vêtements fluides et que le MLF ne lance son soutien-gorge par-dessus bord, une reine de France a jeté aux orties corsets, lacets et baleines, et a imposé son propre look. Et quel look, anticonventionnel, fantaisiste, fabuleux et fort coûteux, qui l’aurait menée, selon certains, à la guillotine. Alors qu’une légion de biographes s’est penchée sur le sort, le destin et « l’affaire du collier » de cette reine, épouse de Louis XVI, une spécialiste américaine du XVIIIe siècle français, Caroline Weber, vient de publier un ouvrage intitulé Marie-Antoinette, la reine de la mode et une invite à la révolte. Un livre qui ouvre toutes grandes les portes de la garde-robe de la reine : archipleine de jupes à crinoline en brocart, de corsages ornés de rubans et de nœuds, de peignoirs parsemés de pierres précieuses, de bas brodés d’or, de pantoufles à boucles en diamant, des coiffes bordées de fourrures et l’on passe… Avant de quitter son Autriche natale, à 14 ans, pour se rendre en France et devenir la dauphine puis l’épouse de Louis XVI, on lui avait appris chez elle, à la cour des Habsbourg, que ce qu’elle portait allait refléter ce qu’elle était et ce qu’elle allait devenir. Avant d’entrer en territoire français, elle avait subi le rituel du « dénuement ». Emmenée dans un pavillon aménagé à cet effet, des dames de compagnie lui avaient ôté tous ses atours, «confisqués, précise Caroline Weber, parce qu’ils symbolisaient le lien avec la maison des Habsbourg». Puis on lui fit revêtir des habits de conception et de réalisation françaises pour qu’elle puisse parfaitement assumer son rôle de future épouse du roi. Cette notion qu’elle pouvait, et devait, se forger une nouvelle identité à partir de son apparence a marqué son règne de plusieurs manières. Une coiffure surmontée d’une frégate Une fois à la cour de Versailles, elle s’est hâtée de tester son indépendance. La cour était connue pour son implacable cérémonial, particulièrement en matière vestimentaire. Marie-Antoinette commence par refuser de porter le « grand corps », ces corsets à baleines rigides qui provoquaient évanouissement, problèmes digestifs et même des palpitations. On murmure alors qu’elle n’est pas faite pour la royauté et que sa taille est en train de devenir informe, surtout qu’elle préfère la mousseline au lourd brocart. Sa mère, l’impératrice Marie-Thérèse, se dépêche de raccommoder les choses de peur que les frasques de sa fille n’ébranlent l’alliance austro-française. Dans une de ses lettres, elle la supplie de suivre à la lettre le protocole de la cour. Marie-Antoinette n’a cure de ses conseils. Elle continue à scandaliser, notamment avec ses poufs. Les «poufs» étaient des coiffures qui mêlaient aux cheveux toutes sortes d’accessoires afin de créer une sorte de tableau perché sur la tête. Le plus spectaculaire de ses poufs était celui (baptisé «pouf à la belle poule») surmonté d’une frégate qu’elle avait arborée pour fêter la victoire franco-américaine contre les Britanniques, en juin 1778. Elle se poudrait les cheveux avec de la farine alors que le peuple avait faim. Elle n’avait pas encore eu l’idée de leur proposer de se nourrir de brioches, occupée qu’elle était aussi à se déguiser notamment en berger du Petit Trianon. Un caprice pastoral (un de plus) qui la faisait dépenser sans compter, jusqu’à mériter le surnom de «Madame Déficit». Quand la révolution a éclaté, aucune tenue n’a pu la protéger. Après l’exécution de Louis XVI, elle était tout de noir vêtue. Mais au moment de marcher vers la mort, on l’obligera à se vêtir de blanc, de peur que son apparition en veuve du roi ne lui attire des sympathies. Et il semble que même ses ennemis de toujours se sont inclinés devant l’élégance de sa blanche austérité.
Bien avant que Coco Chanel ne se glisse dans des vêtements fluides et que le MLF ne lance son soutien-gorge par-dessus bord, une reine de France a jeté aux orties corsets, lacets et baleines, et a imposé son propre look. Et quel look, anticonventionnel, fantaisiste, fabuleux et fort coûteux, qui l’aurait menée, selon certains, à la guillotine. Alors qu’une légion de...