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La leçon de monsieur Ego

Il est admis par tous que le système politique libanais porte nombre de paradoxes, d’anomalies et d’inconvénients de toutes sortes parce que le fond du problème interlibanais n’a pas été réglé. La vie politique est paralysée, elle est comme enfoncée dans un statu quo : la confiance qui est accordée par le peuple à ses représentants est de ce fait une confiance toute relative qui ne cesse pas de diminuer. L’espoir d’un changement, et l’aspiration à une vraie liberté et à une égalité de tous devant la loi d’un État de droit empruntent malheureusement le destin des dinosaures. Même le droit de rêver d’un pays du Cèdre resplendissant et prospère n’est plus toléré, et celui qui oserait dépasser les limites de la réalité serait condamné comme fou, déraisonnable, schizophrène et paranoïaque. Toutes ces belles histoires que nous racontaient nos ancêtres, tous ces contes héroïques qui parlent d’hommes braves et audacieux, de rêves merveilleux et mémorables se sont envolés. Tout cela pour une seule et unique raison : simplement parce que monsieur Ego, également connu sous les noms d’Égoïste et d’Égocentriste, a ainsi décidé, un jour, de s’installer et de vivre au Liban en se mêlant de la chose publique. Il a choisi d’acquérir la nationalité libanaise alors même que les Libanais n’ont de fierté que dans leur double nationalité. Il a trouvé que les âmes et les esprits des hommes politiques libanais sont des refuges très confortables et très agréables où il pourrait dormir tranquille ; que les rêves et les ambitions des hommes d’État sont des clubs réjouissants où il lui serait loisible d’exercer ses activités et ses loisirs, et que les communautés libanaises sont si belles, si riches et si admirables qu’il serait très amusant de les utiliser comme des quilles au jeu du bowling. Conscient de la beauté, de la vertu et de l’harmonie de l’identité libanaise, M. Ego s’est accaparé d’elle et l’a emprisonnée dans une cage, dont il a jeté les clés pour qu’il en demeure l’unique propriétaire. Pour la faire oublier des Libanais au bois dormant, il leur a offert de nouvelles identités comme cadeaux, enveloppées de papiers multicolores et brillants sur lesquels sont écrits des slogans attirants et motivants. Ces nouvelles identités (arabe, phénicienne, syriaque, perse, etc.) sont magnifiques, mais comme tout cadeau, elles ont perdu avec le temps de leur éclat et de leur originalité. Depuis, les Libanais sont à la recherche de nouvelles identités sans parvenir à être convaincus par l’une d’elles. Car ce qu’ils cherchent, c’est une identité multiculturelle, spéciale, qui englobe toutes les identités. Ils visent une identité unique mais plurielle, une identité qui, en quelque sorte, leur ressemble : une identité purement libanaise. Malheureusement, celle-ci est prisonnière de M. Ego qui refuse de la libérer. Serait-il assez insensé pour leur offrir ce trésor majestueux ? Malicieux, M. Ego sait très bien que les jeunes sont résistants et révolutionnaires, riches d’idées promotrices de changement, de créativité et d’innovation. Alors, il a revêtu une tenue nouvelle, jeune et scintillante en y dissimulant son humeur mélancolique et morose derrière le rouge, le vert, le bleu, le blanc et le rose, et a jeté au feu le noir, le gris et toutes les couleurs sombres. Rusé, M. Ego est un excellent acteur, capable de jouer à merveille des apparences et de la conviction pour convaincre les jeunes qu’il représente une notion positive pour le Liban nouveau, voire LA notion, qu’il faut établir et enraciner fort en vue de rajeunir et de moderniser le pays. Ainsi, grâce à des opérations esthétiques et à maints accessoires, il est devenu le leader, le but et le moyen, le tenant et l’aboutissant, l’alpha et l’oméga, la résistance et la révolution, mais aussi l’hymne et le drapeau national. Mais comme tout produit cosmétique, la date d’expiration est proche. Le fond de teint de M. Ego ne cache plus suffisamment ses rides ; ses couleurs sont mortes telles des feuilles en automne, et ses vêtements laissent paraître ses cicatrices et ses plis. Il a perdu de sa beauté et de sa pureté ; il n’est plus sublime. Allons, M. Ego, il est grand temps pour vous de vous en aller. Lara SAADÉ
Il est admis par tous que le système politique libanais porte nombre de paradoxes, d’anomalies et d’inconvénients de toutes sortes parce que le fond du problème interlibanais n’a pas été réglé. La vie politique est paralysée, elle est comme enfoncée dans un statu quo : la confiance qui est accordée par le peuple à ses représentants est de ce fait une confiance toute...