ARCHITECTURE Wilmotte, un amoureux de Moscou qui a conquis la place Rouge

Jean-Michel Wilmotte, grand ami du Liban, auteur de l’aménagement intérieur et de la muséographie du Musée national libanais, créateur du mobilier urbain du centre-ville (Solidere) de Beyrouth et scénographe du ballet Clavigo de Roland Petit présenté au Festival de Baalbeck en 2001, aime aussi Moscou, ses boulevards aux tranquilles allées enneigées, ses avenues démesurées, ses petites églises omniprésentes aux coupoles aussi dorées que les feuilles d’automne, ses toitures vert de gris. L’architecte français, auteur de multiples chantiers d’architecture extérieure et intérieure, en Europe et en Asie, vient de se voir confier la création d’un petit quartier au pied du Kremlin et à deux pas de la cathédrale Saint-Basile le Bienheureux. Sur la place Rouge, classée patrimoine de l’humanité par l’Unesco, il va reprendre l’œuvre créée en 1891 par l’architecte russe Roman Klein, une élégante galerie marchande à la façade très chargée dans le «style russe» de l’époque. Cet ensemble a appartenu au ministère de la Défense, de la révolution de 1917 à 2005, qui stockait dans ses sous-sols manteaux et chausses de soldats dont les gradés venaient prendre livraison pour leurs hommes. Le bâtiment en forme de trapèze, percé de voûtes donnant accès à une vaste enceinte, va garder son aspect extérieur d’origine mais devenir un hôtel de grand luxe avec boutiques et spa. Les petits immeubles situés à l’intérieur sont en cours de destruction et seront remplacés par des appartements de luxe modernes entièrement conçus par M. Wilmotte. Leurs habitants seront les seuls particuliers à avoir une adresse sur la place Rouge, au numéro 5 très précisément. «Les bâtiments nouveaux du projet sont quand même assez classiques, en pierre avec des toitures vert de gris», a relevé l’architecte en présentant fin septembre le chantier et la maquette. Les esquisses laissent entrevoir de petits blocs aux larges surfaces vitrées, séparés par des courettes arborées où pénètrent les rayons du soleil. «Notre bâtiment est une succession d’échancrures, de manière à capter le soleil au maximum dans cet îlot central.» Les surfaces sont considérables: 32000 m2 pour la partie extérieure, où 118 chambres sont prévues, et 27000 m2 dans l’enceinte pour une centaine d’appartements de 150 à 250 m2. Le tout doit voir le jour fin 2008. L’investissement total est de 350 millions de dollars, le constructeur n’est pas choisi. M. Wilmotte est tombé amoureux de cette capitale aux couleurs pastel en créant un décor de La dame de pique au Bolchoï il y a quelques années. Il y est revenu pour réaliser la boutique de luxe Cartier en 2004 puis Chaumet. «J’aime beaucoup l’échelle de la ville, l’architecture elle-même, le mélange de cette architecture très classique et de cette architecture des années totalitaires», a-t-il dit dans un entretien accordé à l’AFP. «Et ce que j’aime c’est que, où que vous soyez dans Moscou, il y a toujours un clocher qui apparaît et qui, par jour de soleil, scintille, ça j’adore! Quand c’est sous la neige, c’est d’une beauté exceptionnelle car elle emmitoufle tout. C’est magnifique toutes ces couleurs qui ressortent, ces terres cuites, ces clochers, ces toitures vert de gris. C’est émouvant de beauté», s’enthousiasme-t-il. Le projet Kremlin n’est pas le seul pour lui à Moscou. Il travaille actuellement sur Octobre Rouge, l’usine de chocolat plus vieille encore que la révolution d’Octobre, située sur une île en plein centre. Il en fera des lofts et, pour se faire pardonner de chasser la douce odeur de cacao qui flotte dans tout le quartier, il y prévoit un petit musée du chocolat. Né en 1948, il a créé en 1975 son cabinet d’architecture maintenant présent dans 20 pays. Sa carrière internationale a démarré au Japon où il a travaillé douze ans, réalisant notamment le vaste complexe culturel Bunkamura, dans le quartier branché de Shibuya, à Tokyo. Un tiers de son travail hors de France se fait à présent en Corée du Sud, un tiers en Europe de l’Est, le reste en Europe occidentale.