Rechercher
Rechercher

Actualités

RENCONTRE - Alexandre Najjar parle de son dernier roman, «Le silence du ténor», paru aux Éditions Plon «Mon père, ce héros»

Le ténor s’est tu, un triste jour de novembre 2002. Depuis, Alexandre Najjar a tenté de retrouver les mots de son père, les souvenirs de son enfance qui s’estompent peu à peu et un tableau de famille qui reste à ses yeux idéal. Ces mots pudiques, à la fois émus et drôles, l’auteur les a réunis dans son dernier roman qu’il a bien évidemment titré « Le silence du ténor ». Celui que l’on surnomme encore, ce qui le fait sourire, « le jeune écrivain français » va avoir 40 ans. Avocat car, précise-t-il, « l’injustice m’a toujours révolté », cinq jours par semaine, écrivain les jours qui restent, en vacances, et écrivain en permanence dans sa tête, car « j’ai rêvé, très jeune, d’être un écrivain chez de grands éditeurs français », ce «petit avocat », comme aimait à l’appeler son père, ne se repose jamais. « La vie est trop courte, murmure-t-il, telle une confession, pour ne faire qu’une seule chose. Je constate avec effroi que cela fait 20 ans déjà que j’ai quitté l’école et plus de 20 ans que j’écris. » Pourtant, dans son regard nostalgique, traînent encore les poussières d’une enfance heureuse, à l’abri des agressions de la vie. Des moments, des sentiments, qu’il semble ne jamais vouloir lâcher. Et l’image de son père, Roger, grand avocat qui reste pour lui un exemple, une référence, « à la fois autoritaire et facétieux, un père sévère, mais aussi plein d’affection et de tendresse. Un professeur d’espérance et un personnage de roman. » Alors, lorsqu’un drame comme celui qui va foudroyer ce chêne s’abat sur la tribu Najjar, le long fleuve tranquille se transforme en torrent. Puis en nécessité, pour l’aîné des six enfants, celui qui écrit mieux qu’il ne parle, de mettre sur papier, avec la réserve naturelle qui le caractérise et qui caractérise sa relation avec son père, les souvenirs d’«avant ». Avant ce jour fatal où le ténor est tombé, victime d’une attaque cardiaque, le laissant sur chaise roulante, privé de parole, de sa verve naturelle, de son autorité et, d’une part, de son identité. « Écrire ce livre était, pour moi, une revanche sur la maladie. C’était ma façon de combattre la fatalité, en montrant un être plein de vie et d’espoir. Je me suis surpris à écrire au passé car il y a un avant et un après. Il est là, mais ce n’est plus le même homme, aussi précieuse que soit sa présence. » Le témoignage d’un fils et d’un homme Il aura fallu quatre ans à Alexandre Najjar pour arriver au bout de ce roman, ces « 125 pages d’un exercice très douloureux ». Au bout de cette cascade de souvenirs, ceux qui s’invitent naturellement et ceux qui résistent, un parcours de combattant... « Je constituais le puzzle », dira-t-il. Cette « enfance libanaise », sous-titre du livre, vécue à l’ombre d’un homme « exemplaire », qu’un demi-siècle séparait, et d’une mère admirable « qui a guidé mes premiers pas d’écrivain », il en garde le meilleur, malgré une vie parfois trop réglementée, avec, au menu, gymnastique quotidienne obligatoire, repas communs obligatoires, prière obligatoire, une grande exigence et une sobriété de rigueur. Sur un ton à la fois léger et retenu, il offre, comme un album ouvert, les images de ces bonheurs simples et des peines plus importantes, jusqu’au drame. «Les saints ont toujours souffert », répondra sa mère à cette « douleur incommensurable ». Usant de mots lisses, réservés, pudiques, l’auteur décrit une relation humaine et professionnelle déterminante. «Il y a beaucoup d’admiration, de non-dits et de complicité implicite. Mon livre est fidèle à nos rapports.» Fidèle également à l’esprit du « général de brigade » et au style de Najjar, déjà saisis dans nombre de ses romans, notamment L’école de la guerre. « La sobriété et la simplicité peuvent, je pense, transmettre l’émotion. Je ne voulais pas que mon roman soit trop personnel pour qu’il cesse d’être universel. » Ce roman, qu’il lira un jour à son ténor, en s’éclaircissant la voix à sa place, sera sans doute suivi, plus tard, d’un bel hommage à Ma, sa mère. Une autre pièce du puzzle. « Nos actes nous suivent », avait prévenu le père. Les souvenirs aussi… Carla HENOUD * Viennent également de paraître : Une édition critique des œuvres de Khalil Gibran aux Éditions Robert Laffont, Aouraq Goubranya, avec des documents inédits, aux Éditions Dar an-Nahar, Le Roman de Beyrouth aux Éditions Pocket et, enfin, L’école de la guerre, aux Éditions La Table ronde.
Le ténor s’est tu, un triste jour de novembre 2002. Depuis, Alexandre Najjar a tenté de retrouver les mots de son père, les souvenirs de son enfance qui s’estompent peu à peu et un tableau de famille qui reste à ses yeux idéal. Ces mots pudiques, à la fois émus et drôles, l’auteur les a réunis dans son dernier roman qu’il a bien évidemment titré « Le silence du...