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Reed Brody, conseiller juridique à HRW, analyse les abus perpétrés par Washington dans le cadre de sa lutte antiterroriste L’Administration Bush « trahit » la démocratie américaine

Depuis que la « chasse » aux terroristes islamistes a été lancée par les États-Unis au lendemain des attentats de septembre 2001 contre le World Trade Center, l’Administration Bush utilise des méthodes antiterroristes allant à l’encontre du droit international et des droits de l’homme, au nom de la « sécurité nationale ». Aujourd’hui, de plus en plus de voix s’élèvent contre ces pratiques. Reed Brody, conseiller juridique à Human Rights Watch, explique à « L’Orient-Le Jour » pourquoi les abus perpétrés par Washington « trahissent » l’État de droit et la démocratie américaine. Le 6 septembre dernier, le président américain George W. Bush a reconnu pour la première fois, lors d’un discours, l’existence de prisons secrètes gérées par la CIA à travers le monde. Un discours qui a relancé la polémique autour des pratiques antiterroristes utilisées par l’Administration américaine. Pour M. Brody, le discours du président américain pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses. « Le président Bush n’a pas indiqué quelles sont les méthodes d’interrogatoires – qu’il qualifie d’“alternatives” – utilisées par la CIA avec les terroristes présumés. Il n’a pas non plus expliqué comment ces prisonniers allaient être jugés ni où ils sont détenus, indique M. Brody. Pire encore, dans son discours, M. Bush a justifié l’usage de la torture. » Face à la montée des critiques, le président Bush a également présenté un projet de loi, actuellement en débat au Congrès, visant à définir un cadre juridique pour les interrogatoires. La semaine dernière, des experts des Nations unies et l’Union européenne ont toutefois rétorqué que ce projet de loi est « contraire au droit international » et donc « illégal ». Selon eux, le projet de loi définit de façon trop large le terme de « combattant ennemi », empêche les suspects de faire appel auprès de la justice civile et permet de les détenir sans inculpation. Par ailleurs, le programme d’interrogatoires de la CIA serait contraire à l’article 3 des conventions de Genève sur le traitement des prisonniers. En effet, les défenseurs des droits de l’homme décrivent les techniques d’interrogatoires américaines comme « humiliantes » et « dégradantes » et citent les privations de sommeil, la soumission des prisonniers à des températures extrêmes, le « sous-marin », qui consiste à ligoter le détenu et à le pousser de force sous l’eau afin de l’amener à croire qu’il est en train de se noyer. Mais pour Stephen Hadley, conseiller à la Sécurité nationale américaine, interpréter une loi internationale, comme les conventions de Genève, est une « routine » pour l’Administration Bush. Selon lui, il faut « clarifier » l’article 3 des conventions de Genève pour qu’il puisse s’appliquer aux combattants d’el-Qaëda. Certains membres du Parti républicains craignent toutefois aujourd’hui d’éventuelles poursuites judiciaires pour crimes de guerre contre des agents de la CIA, chargés d’utiliser ces méthodes « alternatives » d’interrogatoires. Le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung a rapporté la semaine dernière que certains agents de la CIA, impliqués dans l’affaire de la détention illégale du citoyen allemand d’origine libanaise, Khaled al-Masri, au début de l’année 2003, pourraient faire face à des poursuites judiciaires. Le Financial Times avait par ailleurs indiqué jeudi dernier, citant d’anciens responsables des services de renseignements américains, que les agents de la CIA redoutaient d’être poursuivis en justice pour avoir employé des méthodes d’interrogatoires illégales et avaient demandé que leur situation soit clarifiée sur le plan juridique. Le Washington Post a également rapporté que de plus en plus d’agents du renseignement américain s’inscrivent dans un programme d’assurance privé qui prendrait en charge d’éventuelles poursuites judiciaires à leur encontre suite à leur implication dans des interrogatoires illégaux à l’étranger. Pour le conseiller juridique de HRW, « ce serait une bonne chose que les personnes impliquées dans cette affaire soient jugées, mais il ne faut pas que cela vise les simples officiers qui exécutaient des ordres. Ces procédures doivent atteindre les responsables qui ont autorisé et toléré ces pratiques dégradantes, comme le secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld ». Dans ses efforts pour traquer les terroristes islamistes, l’Administration Bush a accru les risques d’attentats dans le monde et a accentué le sentiment d’hostilité des musulmans envers les Occidentaux. C’est d’ailleurs l’une des principales constatations du rapport des services de renseignements américain sur la guerre en Irak, publié lundi dernier dans la presse grâce à des fuites. « Le mauvais traitement systématiquement infligé aux prisonniers musulmans aux États-Unis n’a fait qu’encourager les jihadistes dans leur guerre contre l’Occident », conclut M. Brody. Rania MASSOUD
Depuis que la « chasse » aux terroristes islamistes a été lancée par les États-Unis au lendemain des attentats de septembre 2001 contre le World Trade Center, l’Administration Bush utilise des méthodes antiterroristes allant à l’encontre du droit international et des droits de l’homme, au nom de la « sécurité nationale ». Aujourd’hui, de plus en plus de voix...