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OPÉRA La Russie redécouvre son « Eugène Onéguine » purifié et passionnel

La Russie a retrouvé ce week-end au Bolchoï l’un de ses plus grands opéras, Eugène Onéguine de Tchaïkovski, épuré et passionnel, plus proche de l’œuvre initiale du compositeur au grand dam des nostalgiques de la mise en scène grandiose qui perdurait depuis plus de 60 ans. La nouvelle scène du célèbre opéra moscovite, plus petite que celle du théâtre d’origine tout proche, en cours de restauration, accueille ce classique revu en duo par le jeune metteur en scène Dmitri Tcherniakov et le chef d’orchestre Alexandre Vedernikov. Cet Onéguine est bien loin de celui de 1944, dont chaque détail était devenu un rituel pour le spectateur soviétique et russe qui le voyait et le revoyait sans se lasser. Les costumes étaient alors fidèlement cousus d’après des revues de mode des années 1830, la neige ne manquait jamais de tomber à gros flocons sur la scène du duel entre Onéguine et Lenski, lequel portait toujours un bonnet de fourrure et une pèlerine bleu foncé. «Dans ce travail, nous avons essayé avec Dmitri de prendre des mesures sanitaires indispensables et de procéder à un nettoyage régulier de l’organisme», a plaisanté le chef d’orchestre au cours d’une conférence de presse. Costumes, décors et gestuelle ne sont pas les seuls affectés. La musique revient vers la composition originelle de Piotr Tchaïkovski, une série de scènes lyriques destinées au conservatoire. Des passages imposés au compositeur, pour adapter à la scène impériale cette œuvre produite pour la première fois au Bolchoï en 1881, ont été supprimés. La danse écossaise du début du 3e acte en est l’exemple le plus flagrant. «Tchaïkovski regrettait ces changements», a déclaré le metteur en scène dans une brève conversation avec des journalistes à la répétition générale. Alors qu’il assistait cet hiver à une représentation au Kremlin de la version de 1944, il a compris que l’œuvre «était perçue par la salle comme un théâtre rituel comparable au nô au Japon». «Chacun savait ce qui devait se passer à chaque instant. C’était l’accomplissement collectif d’un rituel, tant pour le spectateur que pour l’artiste», raconte-t-il dans une interview à la revue Aficha. «Le spectacle ne provient que de mon intention de le rendre le plus sincère et le plus profond possible, explique M. Tcherniakov, nous l’avons voulu plus passionnel.» Il est allé jusqu’à transformer le duel en homicide involontaire, Onéguine tuant un Lenski vêtu d’une peau de mouton et d’une chapka à oreilles en tentant de lui retirer une carabine, suscitant de discrets ricanements dans la salle. À un journaliste choqué, il a répondu: «C’est plus dramatique et, dans notre acception actuelle, le duel est une chose que nous ne comprenons pas bien, un acte littéraire.» Son Onéguine est par moments presque une pièce de théâtre avec une quasi-unité de lieu, des scénettes de clowneries, de cruauté, de tendresse impensables auparavant. Le premier décor est une salle de séjour sobre, ornée d’un buffet et d’une grande table ovale, le tout, costumes compris, dans des tons beiges, bruns et gris à l’exception d’Eugène, en noir. La lumière de l’extérieur créée par Gleb Filchtinski semble naturelle. Le second est une salle d’apparat rouge sombre, chargée et lugubre. Tatiana est au début pareille à une adolescente déprimée et négligée. Onéguine, qui l’a froidement éconduite avant de prendre trop tard conscience de son amour pour elle, termine brisé. «Ce qui me plaît ici c’est que le metteur en scène a rendu Onéguine plus tendre. Tous font habituellement de lui un homme dur et sans relief qui ne veut rien entendre. Il est là plus romantique et ce romantisme va le tuer», explique le baryton polonais Mariusz Kwiecien, un des deux interprètes sur la nouvelle scène du Bolchoï de ce rôle qu’il a par ailleurs joué en Pologne, aux États-Unis et en Autriche. Ursula HYZY (AFP)

La Russie a retrouvé ce week-end au Bolchoï l’un de ses plus grands opéras, Eugène Onéguine de Tchaïkovski, épuré et passionnel, plus proche de l’œuvre initiale du compositeur au grand dam des nostalgiques de la mise en scène grandiose qui perdurait depuis plus de 60 ans.
La nouvelle scène du célèbre opéra moscovite, plus petite que celle du théâtre d’origine...