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Actualités - OPINION

Il y avait…

Il y avait une fois, il n’y a pas trop longtemps, un monsieur qui s’appelait Raymond Eddé. Il était membre du Parlement libanais. Il aimait beaucoup le Liban, ses villes et ses montagnes. Il avait l’art de parler avec les Libanais de tout bord et de tout niveau. Les gens de la montagne l’aimaient, il connaissait leurs problèmes. Il demandait de leurs petites nouvelles. Les citoyens de la ville le cherchaient. Ils aimaient sa conversation. Il avait la parole facile parce qu’elle est la seule arme de la démocratie. Il était pour la «democratia», comme il disait, parce que c’est le seul système de gouvernement possible. Il a vécu, il a parlé, il a lutté pour le Liban, démocratiquement. Quand les nuages commencèrent à se condenser dans le ciel bleu et serein du Liban et de la Méditerranée, il a craint pour le Liban. Il a haussé la voix. Il a lancé un cri. Il ne voulait pas que Liban perde sa vocation de source d’idées et de modèle de convivialité. Il a réclamé la présence des forces internationales à la frontière sud, pour empêcher les infiltrations inutilement suicidaires et les ripostes mortellement inutiles. Pour soutenir son point de vue, il a parlé, expliqué, argumenté sur l’urgence d’empêcher une confrontation directe entre la naissante résistance palestinienne, sur une terre qui n’est pas la sienne, et le puissant voisin israélien auquel personne n’admettait que l’on touche. Membre du Parlement, il se servait de la parole, recourant à une rhétorique personnelle non dénuée de saveur, pour proposer des lois, avancer des projets, critiquer démocratiquement et quelques fois hausser le ton pour faire entendre la voix de la vérité. 1967, déjà, il a réclamé qu’une force internationale s’interpose sur la frontière de Naqoura. Il savait que la violence ne génère pas de solutions. Quand, malgré toutes les bonnes volontés, la guerre a éclaté au Liban et que la violence envahissait les rues de sa capitale, l’espace de la parole s’était réduit. Lui, il s’est mis au volant de sa voiture pour sillonner la ville et traverser ses rues. Il voulait montrer à tous que l’incompréhension politique n’empêche pas les hommes de se rencontrer et de se parler. N’ayant pas été écouté, craignant même de voir sa voix étouffée, il a pris la route de «l’exil volontaire» pour continuer son combat de la parole, en faveur de la convivialité, du droit et de la dignité, sans aucun compromis sur l’identité du Liban. Installé à Paris, il a multiplié les contacts, critiquant les uns, suppliant les autres ne pas laisser le Liban tout seul. Voyageant d’une capitale à l’autre, il a parlé et rencontré les représentants des Grands, les décideurs. De Paris il s’est rendu à Londres, à Washington, à Moscou et à Rome plusieurs fois, plaidant une seule cause : le Liban souverain est adulte, il peut vivre et se gouverner tout seul. Il faut seulement laisser les Libanais résoudre entre eux leurs problèmes existentiels. Quand, pour avoir plus de poids et suivant le conseil d’un ami ecclésiastique, il a présenté sa candidature à la présidence de la République, il disait: «Si je suis élu, je me rendrai de Paris à Londres, à Washington, à Moscou et à Rome. Si j’obtiens le soutien international pour l’indépendance, l’unité et l’intégrité du Liban, j’assume mon mandat, sinon je remercierais mes collègues de leur confiance.» Son idée, sa hantise, la condition qu’il mettait étaient que les Nations unies prêtent secours au Liban, non pour administrer ses citoyens, mais pour l’aider à assurer la neutralité de ses frontières. Aujourd’hui, le Liban officiel et populaire se réjouit que finalement, les Nations unies décident d’envoyer des forces d’interposition à la frontière sud. La parole et l’idée sont comme les bons grains jetés dans la terre. Elles ont besoin de temps pour pousser et arriver à maturation. C’est dommage seulement que leur travail de la terre libanaise ait coûté tant de vies et brûlé tant de richesses. Il faut espérer que ces forces seront maintenant efficaces et qu’elles garantiront le processus de paix. Il sera long, mais c’est la seule aventure possible pour toujours. Même si le prix a été trop élevé, les opérateurs de paix se mettent maintenant au travail. À sa manière, l’histoire rappellera qu’il y avait M. Raymond Eddé. Si le grain ne meurt… Mgr Edmond FARHAT
Il y avait une fois, il n’y a pas trop longtemps, un monsieur qui s’appelait Raymond Eddé. Il était membre du Parlement libanais. Il aimait beaucoup le Liban, ses villes et ses montagnes. Il avait l’art de parler avec les Libanais de tout bord et de tout niveau. Les gens de la montagne l’aimaient, il connaissait leurs problèmes. Il demandait de leurs petites nouvelles. Les...