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Actualités - OPINION

Hommage aux Sudistes

Ma visite au Liban-Sud durant l’été 2005 fut un moment d’émotion intense. Moi qui avais toujours vécu à Beyrouth et qui n’avais aucun lien avec cette partie de mon pays, je vivais une histoire d’amour. Cet amour, je le tire peut-être des quelques Sudistes que je connais et qui m’ont transmis leur attachement à cette terre. Ils m’avaient raconté leurs souffrances durant l’occupation israélienne, les pertes qu’ils avaient subies ou les longues heures qu’ils passaient sur la route, essayant de rejoindre leurs villages… Et malgré tout cela, ils étaient retournés chez eux, ils avaient bâti des maisons et fondé des commerces, toujours attachés à leur terre. Et c’est cette résistance et cette ténacité que j’ai toujours admirées chez eux; ils auraient tellement souffert par le passé qu’ils en ont acquis une force incomparable, force qui les aide à survivre. Certes, ils souffrent toujours en leur for intérieur (tout comme tout être humain); mais ils ont décidé de ne pas plier et d’aller jusqu’au bout. Je me rappellerai toujours de ces images vues à la télévision en 2000, lors de la libération du Sud. Dans la prison de Khiam, un homme emprisonné tendait sa main de l’une des cellules pour toucher les mains palpitantes qui l’attendaient au-dehors. Les habitants du village qui avaient pu entrer dans la prison après le retrait israélien essayaient de briser les serrures avec tout ce qui leur tombait sous la main. Et soudain la porte s’ouvrit. Émus et surpris par la lumière du jour, les prisonniers étaient hébétés et heureux en même temps. On n’en revenait pas ; certains n’avaient eu aucun contact avec l’extérieur depuis vingt ans! Qui sait s’ils n’avaient pas désespéré de revoir leurs parents et leurs familles. Aujourd’hui, la prison de Khiam est détruite, mais la souffrance et le souvenir pas… Ceux qui l’ont visitée se souviennent sûrement de ses cellules étroites où un homme peut à peine tenir debout, de cette minuscule cour où les prisonniers avaient le droit de voir les rayons du soleil une heure par mois (si ma mémoire est exacte), de ses barils en plastique qui servaient de commodités à ces infortunés. Qui a visité la prison ne peut pas oublier ce couloir étroit à l’intérieur d’un des bâtiments, confiné entre deux hauts murs et qui n’est éclairé par aucune sorte de lumière. Essayez donc de passer dans ce couloir sans vous évanouir… C’est vous dire à quoi ressemblait ce lieu de détention… Nous n’oublierons certes pas Cana, victime de la colère israélienne il y a quelques années. Ses habitants ont gardé intact le souvenir de la destruction vécue ; ils vous montreront des photos du massacre, avec la chair humaine éclatée, éparpillée. Ce massacre a inspiré des peintures que l’on peut admirer dans une des salles consacrées à la mémoire des victimes. Est-ce là un moyen d’exorciser la souffrance vécue? Oui, sans doute. À la vue des tombeaux noirs des victimes placés à l’entrée du village, nous comprenons que la blessure est là et que le souvenir est omniprésent. Mais il faut savoir vivre après le drame. Certes, les habitants du Sud ont vécu après le drame, mais aujourd’hui un nouveau drame frappe, saurons-nous tirer cette fois des leçons du passé? Apparemment, le peuple du Sud n’est pas au bout de ses souffrances. Une fois de plus, le voilà obligé de quitter sa terre pour aller vers l’inconnu. Ces quelques lignes se veulent avant tout un hommage à ces milliers de gens contraints de quitter leurs maisons et leurs terres pour fuir la guerre et la mort, à ces centaines de morts qui ont péri ces derniers jours. Pourquoi ce peuple-là est-il condamné à errer, nous demanderions-nous? Hélas, nous ne possédons pas la réponse, mais nous avons foi en la ténacité et le courage de ces gens qui réussiront comme par le passé à reconstruire ce qui a été détruit. Zeina ANTONIOS
Ma visite au Liban-Sud durant l’été 2005 fut un moment d’émotion intense. Moi qui avais toujours vécu à Beyrouth et qui n’avais aucun lien avec cette partie de mon pays, je vivais une histoire d’amour. Cet amour, je le tire peut-être des quelques Sudistes que je connais et qui m’ont transmis leur attachement à cette terre. Ils m’avaient raconté leurs souffrances...