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Actualités - REPORTAGE

REPORTAGE À Bagdad, les enfants de l’essence

Sur les trottoirs de l’avenue Saadoun, une des principales avenues du centre de Bagdad, enfants et adolescents vendent de l’essence au noir aux automobilistes qui ne veulent ou ne peuvent pas faire 4 à 5 heures de queue pour remplir leurs réservoirs. Assis sur le trottoir à côté de deux bidons d’essence, un gamin de 6 ans secoue distraitement son entonnoir artisanal fait d’un tube et d’une bouteille en plastique. De l’autre côté de l’avenue, une longue file de voitures serpente à travers les maisons en direction d’une station-essence à plusieurs centaines de mètres de là. L’Irak vit un paradoxe : la capitale du pays, qui dispose de la 2e réserve mondiale de pétrole brut et produit 2 millions de baril par jour, manque d’essence. En cause, une mauvaise organisation de la distribution, des attaques fréquentes contre les pipelines et raffineries, et la difficulté d’acheminer de l’essence des champs de pétrole situés essentiellement au sud et au nord à Bagdad. Pour limiter la consommation, les autorités ont imposé la circulation alternée aux habitants. Pour remplir son réservoir, il faut attendre en moyenne 4 à 5 heures, voire plus. « Nous en sommes là parce qu’il y a plus de voleurs que de citoyens en Irak. C’est le pays de Ali Baba », résume Hussein Chefik, chauffeur de taxi qui n’a « pas les moyens d’acheter » son essence sur le marché noir pour échapper aux queues. Un badaud ajoute : « En Égypte, l’essence est moitié moins chère » qu’en Irak (en fait, environ 30 % moins chère). L’essence irakienne, bon marché par rapport aux prix occidentaux, se vend 7 000 dinars (3,75 euros) pour 20 litres dans les stations essence. Sur les trottoirs, la même quantité se vend 15 000 dinars (8 euros). Sur l’avenue Saadoun, comme sur la plupart des grands axes de Bagdad, des dizaines de vendeurs proposent leurs bidons. Des adultes, mais aussi beaucoup d’enfants et d’adolescents. Certains ont même du mal à soulever les 20 litres pour les verser dans les réservoirs de leurs « clients ». Mohammad Riyad, 13 ans, a quitté l’école avec l’autorisation de son père dont le métier consiste à recouvrer des loyers. La nuit, son frère de 16 ans fait la queue à la pompe pour être le premier servi dès l’ouverture, au lever du jour. Il apporte ensuite l’essence à Mohammad, qui en stocke la plus grande partie dans une petite cachette et garde 20 litres près de lui. S’il n’a jamais eu de problèmes en manipulant l’essence, Mohammad reconnaît de s’être déjà fait voler : « Trois hommes en Mercedes m’ont demandé 40 litres d’essence. J’ai vidé mon premier bidon et quand je leur ai dit que j’allais chercher le deuxième, ils m’ont poussé et sont partis », raconte-t-il. Mohammad « travaille » de 08h00 du matin à 19h00. En moyenne, il a une dizaine de clients par jour. Un peu plus loin, Ali Kassam, 16 ans, fils de policier, a un parcours similaire. Comme Mohammad, il a quitté l’école et s’est « associé » avec son frère aîné qui fait la queue la nuit et avec qui il partage 50 % des bénéfices. Les yeux cernés, il commence sa journée à 07h00 pour la terminer vers 20h00. « C’est comme ça. Je n’ai pas le choix pour vivre », dit-il. Patrick FORT (AFP)
Sur les trottoirs de l’avenue Saadoun, une des principales avenues du centre de Bagdad, enfants et adolescents vendent de l’essence au noir aux automobilistes qui ne veulent ou ne peuvent pas faire 4 à 5 heures de queue pour remplir leurs réservoirs.
Assis sur le trottoir à côté de deux bidons d’essence, un gamin de 6 ans secoue distraitement son entonnoir artisanal fait...