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Plus de 160 personnes dans le lycée de Ghazir « Retirez les corps des tués de Srifa de sous les décombres », implorent les réfugiés du village sinistré

«Nous ne demandons rien, juste qu’on retire les corps de sous les décombres et qu’on nous révèle le sort de nos proches. » Ce cri du cœur, c’est Inaya Mahmoud Najed qui l’a lancé. Avec des membres de sa famille, Inaya s’est réfugiée dans un lycée à Ghazir (Kesrouan), loin de l’enfer qui a frappé sans prévenir son village natal de Srifa, où des dizaines de vies ont été fauchées dans plusieurs hécatombes, et dont l’armée israélienne a interdit l’accès pour qu’on y enterre décemment les morts. « Je viens de savoir que mon cousin a été tué, je suis sans nouvelles de mon frère et d’autres membres de la famille, déplore-t-elle. Plusieurs témoins nous ont assuré avoir entendu des voix d’enfants vivants, mais piégés sous les décombres. » Srifa est généralement un village paisible, aux alentours de Tyr, où la principale activité est la culture du tabac. Durant la présente offensive israélienne sur la région (« pas la première que nous ayons connue, mais de loin la pire », disent les réfugiés), le village a cependant connu l’enfer. « Nous avons dû quitter nos domiciles dans l’urgence, raconte cette mère de cinq enfants. Quand nous sommes arrivés au niveau de la banlieue sud de Beyrouth, après plusieurs péripéties, une fusée a explosé non loin de nous. J’avais emporté de la maison trois grands sacs. Je les ai oubliés sur place et j’ai couru pieds nus jusqu’au bus. Je suis toujours pieds nus. » La seule bonne nouvelle que Inaya ait eue depuis le début de son exode, c’est l’arrivée inopinée de son mari, qui travaille à la banlieue sud et dont elle était sans nouvelles. Mais l’angoisse pour ceux qui sont restés là-bas, sous le déluge de feu, l’étreint ainsi que ses compagnons. « Je préfère vivre dans une tente chez moi que d’être réduite à cela, dit-elle. Tous ces jeunes gens qui sont morts, n’est-ce pas une honte ? Nous n’avons aucune base militaire près de chez nous. » Inaya et sa famille font partie des quelque 160 personnes qui ont trouvé refuge dans ce lycée de Ghazir, où de jeunes militants du Courant patriotique libre (CPL) leur viennent tous les jours en aide. « Ils ont été formidables, ils font leur possible pour nous assurer tous nos besoins », nous racontent les réfugiés. Deux de ces militants nous montrent la chambre transformée en dépôt, où l’on retrouve toutes sortes de denrées alimentaires, d’habits (parce que ces réfugiés n’ont souvent rien pu emporter), des produits divers. « Il y a des ONG qui aident, les sœurs antonines qui ont une école toute proche leur ont déjà porté assistance, le caïmacamat s’est manifesté, et le CPL assure plusieurs besoins vitaux, comme les matelas par exemple, aux réfugiés de cette école ainsi qu’à beaucoup d’autres dans la région », explique l’un des jeunes responsables de l’école, préférant garder l’anonymat. Selon lui, ni le ministère des Affaires sociales ni le Haut Comité de secours n’ont fait acte de présence. Il indique également que les habitants des environs se sont montrés concernés par la présence de ces réfugiés et ont participé aux aides. « Vont-ils nous suivre jusqu’ici ? » Samedi, une mauvaise surprise attendait la région, puisque les antennes de la LBCI et d’autres stations à Fatqa, toutes proches à vol d’oiseau, ont été bombardées par l’aviation israélienne. Tout le Kesrouan a sursauté au bruit de ces explosions, mais particulièrement les réfugiés traumatisés, qui ont les nerfs encore plus tendus. « Croyez-vous que la situation pourrait se dégrader même ici ? demande une femme, inquiète. Vont-ils nous suivre jusque dans la région où nous nous sommes réfugiés ? » Les habitants de la région et les nombreuses personnes qui s’y sont déplacées pour fuir l’atmosphère oppressante de la capitale ont eux aussi eu une frayeur, même si certains d’entre eux disaient s’attendre un peu à cette frappe et observer avec angoisse les antennes depuis le début de l’offensive. Même si beaucoup ne pensent pas que des frappes pourraient viser régulièrement la région et que les cibles, selon eux, semblaient bien définies, ils n’en ressentent pas moins une inquiétude renouvelée, condamnant une fois de plus l’offensive israélienne généralisée sur le Liban. « C’est comme s’ils nous disaient que même loin des secteurs chauds, on ne peut pas être si tranquilles », nous déclare une habitante. Les réfugiés dans les écoles, eux, vivent l’inquiétude et l’incertitude de l’avenir de manière plus accrue. « Pourquoi ont-ils frappé la LBCI ? Que Dieu garde les journalistes qui couvrent les événements », dit une femme. Même si les temps sont difficiles, Ala’ Najed, 17 ans, ne doute pas de l’issue de la bataille. « La Résistance vaincra, avec l’armée libanaise, dit-il. Ce qui se passe est trop injuste et va être à l’origine d’une contre-réaction importante. Le peuple sera le plus fort. » Une autre femme, originaire de Srifa elle aussi et dont la moitié de la famille reste au Sud, déclare : « Je préfère donner mes enfants en martyrs que vivre tête baissée. » Mais l’heure est surtout à la souffrance et à l’attente angoissante. Et rien ne personnalise mieux cette souffrance que la « hajjé » de 92 ans, dans sa chaise roulante, qui ne peut que verser des larmes et agiter ses vieilles mains pour exprimer la douleur sans cesse renouvelée des guerres incessantes... Suzanne BAAKLINI
«Nous ne demandons rien, juste qu’on retire les corps de sous les décombres et qu’on nous révèle le sort de nos proches. » Ce cri du cœur, c’est Inaya Mahmoud Najed qui l’a lancé. Avec des membres de sa famille, Inaya s’est réfugiée dans un lycée à Ghazir (Kesrouan), loin de l’enfer qui a frappé sans prévenir son village natal de Srifa, où des dizaines de vies...