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Actualités - OPINION

Schizophrénies galopantes

L’État, la démocratie, l’économie, la vie au Liban sont une nouvelle fois menacés. Le Hezbollah, en solitaire, fait son œuvre de justicier ; Israël presse un bouton et en l’espace de quelques heures, des infrastructures vitales du pays se retrouvent réduites en cendres. Ce ne sont pas seulement deux soldats israéliens qui ont été pris en otages ; c’est le Liban tout entier, sa volonté de vivre, de prospérer, de se construire, d’édifier pacifiquement sa démocratie. Le justicier siège au gouvernement et à la table de dialogue. C’est, désormais, une anomalie qui ne peut plus se perpétuer, à aucun prix. Car le vrai problème ne réside pas uniquement dans la riposte militaire israélienne, quelle qu’en soit la terrifiante ampleur. Il est bien plus profond. Il touche à l’existence même d’un État libanais constamment défié, de l’intérieur comme de l’extérieur, dans ses prérogatives les plus naturelles et notamment sa souveraineté. Même si l’État hébreu avait décidé de ne pas riposter et de négocier pour récupérer ses soldats, cet aspect du problème pour le Liban serait resté entier. Le défi lancé hier est d’autant plus énorme qu’un « dialogue national » ayant été engagé entre les diverses composantes du Liban, l’une d’elles continue à se comporter comme si les autres formaient une quantité négligeable. La question qui se pose est de savoir pourquoi, à la base, il avait été décidé d’instaurer ce dialogue. N’est-ce pas justement en raison des divergences interlibanaises, en particulier sur le statut et le comportement du Hezbollah ? L’objectif n’était-il pas d’inculquer à tout le monde la culture du respect de l’autre, de son point de vue ? Le respect ne commence-t-il pas par l’abandon de la pratique du fait accompli ? L’acte commis par le parti chiite hier enterre définitivement toute idée de dialogue. Ce qu’il perpétue, au contraire, c’est la logique du rapport de force brutal entre les communautés et les fractions politiques du pays, à l’ombre d’un gouvernement et d’un État totalement paralysés. Un scénario explosif archiconnu des Libanais que le dialogue était justement censé désamorcer. L’histoire la plus contemporaine montre bien que les frustrations, les colères contenues de tel ou tel groupe de Libanais finissent toujours par exploser un jour. Si rien n’est fait d’ici là pour le freiner, le Hezbollah conduira inéluctablement le pays vers une nouvelle situation de ce type. Car Hassan Nasrallah et ses partisans devraient savoir que leurs actes suscitent la colère et la frustration de beaucoup de Libanais. Le compromis linguistique trouvé hier soir en Conseil des ministres et les talents d’équilibriste de Fouad Siniora montrent à quel point la situation est devenue intenable. Combien de temps encore le premier « gouvernement d’indépendance » du Liban après trente ans de tutelle syrienne survivra-t-il à sa schizophrénie? Comment désormais supporter l’idée qu’une formation tenant aussi peu compte de l’opinion de ses partenaires puisse continue à siéger au sein du cabinet ? Comment tolérer le chantage au suicide ? Comment faire coexister une culture de vie et de paix avec un culte du sang et de la mort ? Sans doute est-il souhaitable de préserver un minimum d’unité nationale. Mais de quelle unité s’agit-il ? Est-ce celle qui cherche à trouver des dénominateurs communs à des opinions divergentes ou bien celle qui consiste à ce qu’une majorité de Libanais continue à se taire face aux initiatives d’un parti se comportant comme un État dans l’État ? Il faudra qu’un jour cette question soit définitivement tranchée. Mais pour cela, il faudra que la majorité au pouvoir se décide à agir… en majorité. Élie FAYAD
L’État, la démocratie, l’économie, la vie au Liban sont une nouvelle fois menacés. Le Hezbollah, en solitaire, fait son œuvre de justicier ; Israël presse un bouton et en l’espace de quelques heures, des infrastructures vitales du pays se retrouvent réduites en cendres.
Ce ne sont pas seulement deux soldats israéliens qui ont été pris en otages ; c’est le Liban tout entier, sa...